Février, 2025

Zola photographe

mer19fev(fev 19)14 h 00 mindim20avr(avr 20)18 h 00 minZola photographeEspace Richaud, 78, boulevard de la Reine, 78000 Versailles

Détail de l'événement

Émile Zola, géant de la littérature française du 19e siècle, est célèbre à la fois pour son oeuvre d’écrivain – parmi ses romans les plus populaires figurent L’Assommoir, Au Bonheur des Dames ou Germinal – et pour son rôle dans la défense du capitaine Dreyfus, injustement accusé de trahison. Partageant sa vie entre Paris et Médan (Yvelines), il se passionne à la fin de sa vie pour la photographie.
Il naît à Paris en 1840. Très vite, sa famille déménage à Aix-en-Provence où son père, ingénieur, est chargé de la construction d’un canal et d’un barrage. Il meurt lorsqu’Émile a 7 ans. La mère et le fils sont alors confrontés à des conditions de vie difficiles. Une forte amitié avec Paul Cézanne, son condisciple au collège Bourbon d’Aix, marque sa jeunesse. Décidé à devenir écrivain, il s’installe à Paris à l’âge de 18 ans. Il travaille chez l’éditeur Hachette, et aborde le journalisme, où il s’illustre d’abord comme critique littéraire et artistique, puis comme polémiste républicain, auteur de cinglantes satires contre la politique du Second Empire. Cézanne l’ayant introduit dans les milieux de l’art, il entre en relation avec l’avant-garde de son temps, en particulier les peintres impressionnistes, dont il fait l’éloge dans
ses articles. Il commence à publier des contes, puis des romans dans les journaux, sous forme de feuilleton. Il conçoit son oeuvre majeure, Les Rougon-Macquart, un cycle de 20 romans, dont chaque volume, s’appuyant sur des études préparatoires très documentées, évoque un milieu social déterminé. S’inspirant de méthodes scientifiques pour décrire la condition humaine, Zola est l’instigateur et le théoricien d’un nouveau courant littéraire, le naturalisme. Ses romans connaissent un grand succès.
Sa vie intime est marquée par deux amours : Alexandrine, qu’il épouse à l’âge de 30 ans, et avec laquelle il n’a pas d’enfants ; Jeanne Rozerot, qu’il rencontre en 1888. Deux enfants naîtront de leur relation, Denise et Jacques.
À partir de 1897, il s’engage dans la défense du capitaine Dreyfus, de confession juive, victime du climat de haine antisémite qui enfièvre alors la société française. À la suite de son article « J’Accuse…! »
(13 janvier 1898), où il interpelle le Président de la République, il est condamné pour diffamation et doit s’exiler en Angleterre pendant près d’un an, de juillet 1898 à juin 1899.
Il meurt en 1902, trois ans après son retour d’exil.

L’apprentissage de la photographie
Galerie, 1er étage

Émile Zola naît en même temps que la photographie – le premier brevet d’une technique photographique est déposé en 1839, un an avant sa naissance. Néanmoins, la photographie à ses débuts est une activité artisanale, complexe, hasardeuse. Zola ne s’y intéresse pas particulièrement dans les deux premiers tiers de sa vie, même s’il fréquente les studios de photographie parisiens, et évoque la photographie dans ses romans.
Ce n’est que tardivement, à 48 ans, que Zola se met à pratiquer la photographie. Il est initié par des amis, en vacances à Royan, et même s’il connaît de nombreux photographes célèbres, comme Félix Nadar ou Étienne Carjat, il semble se former largement tout seul.
Servi par un tempérament rigoureux et tenace, et par un goût pour la science, il se passionne pour les spécificités pratiques de cet art, encore très technique. Le matériel qu’il utilise se compose de différents types d’appareils (petits et portatifs ou grands et stables), et de négatifs essentiellement sur plaques de verre, de différentes tailles. Il fait même fabriquer un « déclencheur pneumatique » pour actionner l’appareil à distance, ce qui lui permet de réaliser des autoportraits. Après la prise de vue, il faut développer le négatif – opération qui consiste à révéler et fixer l’image – puis faire apparaître l’image en positif sur du papier, ce qui implique de choisir le type de papier, et aussi d’opter entre plusieurs traitements chimiques selon la teinte qu’on veut donner à la photo. La photographie étant indissociable, à cette époque, d’une compétence de chimiste, Zola fait installer un laboratoire dans chacune de ses résidences. Rien d’étonnant, alors, à le voir se représenter en « savant », avec tablier et éprouvette, pour évoquer son activité de photographe !

Médan, la sociabilité, l’écriture, l’Italie
Chapelle, 1er étage

Que nous disent les photos de Zola ? À l’inverse de ce qu’on pourrait imaginer à la lecture de ses romans où dominent les sujets sociaux, il photographie principalement son univers privé, ses proches, les êtres qu’il aime. S’il s’initie à la photographie vers 1888, ce n’est véritablement qu’à partir de 1894, juste après avoir terminé son grand cycle de romans, Les Rougon-Macquart, qu’il commence à consacrer beaucoup de temps à cette passion.
L’un de ses thèmes favoris est la maison de campagne qu’il a acquise à Médan (Yvelines), à une vingtaine de kilomètres de Versailles. Il l’agrandit au fur et à mesure de ses succès éditoriaux et y installe une véritable ferme. Les paysages et villages des environs attirent aussi son oeil de photographe. Les photographies qu’il prend à Médan nous révèlent sa passion pour les animaux, en particulier pour les chiens. Mais les Zola reçoivent aussi beaucoup : les amis proches – Paul Alexis, le musicien Alfred Bruneau, Georges Charpentier, éditeur de Zola et des naturalistes – et la famille – les cousins Laborde. De nombreux portraits, et aussi des scènes de groupe, attes-tent de cette ambiance intime et détendue. La pratique de la photographie est collective, Alexandrine ou les amis de Zola utilisant aussi les appareils, au point qu’on a pu parler d’« atelier Zola ».
L’oeuvre littéraire n’est néanmoins pas absente de l’oeuvre photographique. Zola photographie ainsi, à son domicile parisien, son bureau de travail où chaque objet symbolise un aspect de sa culture spécifique et de son travail d’écriture. À plusieurs reprises, des livres de l’écrivain apparaissent au sein de natures mortes ou entre les mains de proches dont il fait le portrait. En 1894, il se rend en Italie avec son épouse Alexandrine et en rapporte un ensemble de photos. Même s’il publie Rome l’année suivante, il est difficile de relier les images de ce « reportage » à des passages précis du roman. Ce séjour en Italie a été aussi pour Zola l’occasion de rendre visite à des journalistes et écrivains italiens, signe de la reconnaissance de son oeuvre au niveau international.

Les impressionnistes
Chapelle, rez-de-chaussée

Zola pratique la photographie dans les huit dernières années de sa vie, longtemps après l’époque où, critique d’art, il célébrait les peintres du mouvement impressionniste alors naissant. Néanmoins, il est frappant de voir que certaines de ses photographies présentent des ressemblances formelles avec des tableaux qu’il a vus et aimés. Sa connaissance de la peinture a ainsi très probablement influencé sa manière de photographier.
C’est grâce à Cézanne, son ami d’enfance, qu’il fait la connaissance des impressionnistes à son arrivée à Paris. Un tableau de Fantin-Latour le représente en compagnie de Manet, Renoir, Bazille et Monet. Zola est l’un des premiers défenseurs de ces artistes, qu’il apprécie tant pour la modernité de leurs thématiques que pour leur style novateur. Manet, reconnaissant, peint un portrait de l’écrivain qui est intéressant à plusieurs titres : Zola le conserve jusqu’à la fin de sa vie et le prend en photo. L’arrière-plan de ce tableau met en valeur les arts japonais, dont l’influence est sensible chez les peintres impressionnistes et, à travers eux, sur l’art photographique de Zola. Les portraits décentrés qu’il fait de son fils Jacques rappellent certaines oeuvres impressionnistes comme le pastel de Caillebotte, Portrait de Camille Daurelle dans le parc de Yerres. On peut aussi rapprocher la photo de Jeanne allongée sur un divan de La Dame aux éventails de Manet. Les photos que Zola réalise de ses enfants dans l’encadrement d’une fenêtre évoquent le Balcon du même artiste, et la photo de Jeanne en profil perdu entre en résonance avec la Jeune femme à sa toilette de Berthe Morisot. Soulignons aussi les similitudes d’atmosphère et de composition entre un portrait de groupe dans le jardin de Médan et la Réunion de famille de Bazille ; et entre une scène de rue prise dans le quartier des Batignolles à Paris et Rue de Paris, temps de pluie, de Caillebotte – deux tableaux dont Zola avait fait un éloge enthousiaste.

L’intimité et la technique
Salle des maquettes

Si Zola aime photographier le petit monde de Médan, c’est Denise et Jacques, ses enfants, et leur mère Jeanne Rozerot qui apparaissent, par le nombre et la qualité des images qu’il nous en a laissées, comme ses sujets de prédilection. Jeanne est une lingère engagée par sa femme Alexandrine. Quand il s’éprend d’elle, il a 48 ans, elle en a 21. Les deux enfants qu’ils ont ensemble sont, pour Zola, une grande source de joie. La révélation de cette double vie est une épreuve pour Alexandrine, qui finit néanmoins par s’y résigner : le couple survit à cette crise, et Zola se partage entre deux foyers, à Paris et à la campagne. Il loue pour Jeanne et les enfants une maison à Verneuil-sur-Seine, non loin de Médan. Tous les après-midis d’été, il se rend de Médan à Verneuil à bicyclette.
Zola est un père très attentionné et très aimant, ses lettres et les souvenirs de ses enfants en attestent.
Il se dégage de ses photographies de famille une véritable tendresse, ainsi qu’une grande vivacité : il privilégie les scènes animées, ou prises du moins dans un décor naturel, à une époque où les photos posées, en studio, sont la règle. Il n’exclut pas cependant les séances de pose en intérieur, où son talent fait éclore de très beaux portraits de ses proches ainsi que de remarquables autoportraits.
L’art du photographe, à l’époque de Zola, s’incarne non seulement dans la réalisation de prises de vue de qualité, mais également dans le soin apporté à l’exécution des tirages, celle-ci supposant des choix esthétiques et un bon contrôle des processus. Zola expérimente plusieurs teintes, appelées virages, obtenues par traitement chimique. Il confectionne aussi de très beaux albums, qu’il offre à ses proches, ou en-core fait imprimer ses photographies sur du papier à lettre. Chez Zola, la photographie devient un bel objet au service des liens.

L’exil, Paris, la fin
Galerie, rez-de-chaussée

Le 18 juillet 1898, aux assises de Seine-et-Oise, à Versailles, Zola est définitivement condamné pour son article « J’Accuse…! » publié en Une du journal L’Aurore. Il y prenait la défense du capitaine Dreyfus, victime d’accusations infondées, dans un contexte d’antisémitisme virulent. Pour éviter la prison, Zola part en exil en Angleterre le jour même du verdict, et y reste un an, jusqu’à son retour en France en juin 1899.
C’est une année difficile pour lui : il est seul et ne parle pas anglais. Si aucune photographie n’évoque en elle-même l’affaire Dreyfus, Zola rapporte de l’exil plus de deux cents images qui permettent de retracer son séjour. Certaines évoquent les visites de ses proches ; d’autres, captées au fil de ses pérégrinations dans Londres et les villages alentours, témoignent de sujets qui piquent sa curiosité : courses
hippiques, charrette du laitier, scènes de rue. Il conserve cet attrait pour le reportage de retour en France, dans ses photographies de Paris et plus spécialement de l’Exposition Universelle de 1900, manifestation qui le fascine. Ces photographies, qui permettent de découvrir un Paris transformé par l’événement, sont précieuses pour leur aspect documentaire. Certaines d’entre elles sont également intéressantes par leurs audaces de perspective et de cadrage, notamment les vues plongeantes prises de la tour Eiffel. Il nous laisse aussi une photo nocturne de la tour, rare pour l’époque.
Émile Zola meurt dans cette ville le 29 septembre 1902. Inhumé au cimetière Montmartre, ses cendres sont transférées au Panthéon le 4 juin 1908. Il y rejoint, dans la cellule XXIV, Victor Hugo.

Dates

19 Février 2025 14 h 00 min - 20 Avril 2025 18 h 00 min(GMT-11:00)

Lieu

Espace Richaud

78, boulevard de la Reine, 78000 Versailles

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