Novembre, 2024

Yves Marchand & Romain Meffre

ven08nov(nov 8)15 h 00 min2025sam18jan(jan 18)17 h 00 minYves Marchand & Romain MeffreLes Ruines de ParisGalerie Polka, 12, rue Saint-Gilles 75003 Paris

Détail de l'événement

Et si soudain, Paris la ville Lumière s’éteignait ? Rayée de la carte, vidée de ses habitants, telle la mégalopole déserte d’un empire déchu ? A la manière de Will Smith en dernier humain vivant, déambulant au coeur d’une New York de fin du monde dans Je suis une légende, Yves Marchand et Romain Meffre, traduisent dans Les Ruines de Paris leur fantasme dystopique. Que s’est-il passé ? Sommes nous dans un futur proche ou beaucoup plus lointain ? Nul le sait. Qu’importe la cause : Paris telle que nous la connaissons n’est plus. La nature a repris le dessus. Les cafés, les musées, même le bureau du Président à l’Elysée croulent sous le désordre, la poussière, les moisissures.

Explorant la ville et se jouant des symboles touristiques et culturels qui font l’image de la capitale, le duo de photographes spécialistes et précurseurs de l’urbex nous plonge dans un décor post-apocalyptique, sorte de métaphore visuelle de notre inquiétude face à la généralisation soudaine des intelligences artificielles.

Avec l’accélération du flux de transmission des données et le développement exponentiel de la puissance de calcul, ces technologies sont soudain devenue palpables, s’extirpant des domaines du dérisoire et de la science-fiction. Dans un mouvement similaire à celui des peintres du XIXe siècle confrontés à l’apparition de l’invention photographique, cette réalité a déclenché chez ces documentaristes adeptes de l’observation et du temps long de nouvelles velléités créatives, dans la lignée de quelques explorateurs d’un genre nouveau : Louis-Cyprien Rials, Eric Tabuchi ou encore Brodbeck & de Barbuat. La machine devenant un nouvel outil pour explorer le motif de la ruine et la représentation de sa destruction créatrice.

Lorsque qu’il y a plus de vingt ans, Yves Marchand et Romain Meffre commencent à visiter des ruines, il passent rapidement de l’excitation de la découverte à un sentiment de « sidération » face à la qualité patrimoniale de certains édifices laissés à l’abandon. La photographie devient l’outil pour se souvenir de « ce qui a été » (Roland Barthes) avant que ces ruines ne disparaissent, parfois réhabilitées, souvent démolies. Une approche qui fut aussi celle de Bernd et Hilla Becher devant les charbonnages néogothiques du nord de l’Europe, Robert Polidori dans la vieille Havane et Manfred Hamm avec le West Pier de Brighton avant qu’il ne brûle et s’effondre dans les eaux de la Manche. Mais auss Christopher Payne avec les sous-stations électriques de New York et Camilo José Vergara avec les quartiers résidentiels en ruine du Bronx et de Harlem, ou bien encore Greg Girard avec la cité de Kowloon à Hong Kong

Sauf que cette fois-ci, le futur prend le pas sur le passé. Entre pastiche et exercice de style, l’intelligence artificielle permet au duo de réaliser un fantasme : voir Paris quand elle ne sera plus, en avant-première. Vérifiant du même coup l’hypothèse de l’essayiste américain Alan Weisman dans Homo disparitus qui s’intéresse aux conséquences, notamment en terme d’infrastructures, d’une brutale disparition de l’espèce humaine sur la planète Terre… Et redécouvrant cette Paris fantasmée, à la manière d’Orson Welles ou de Sophie Calle dans les galeries désaffectées de la gare d’Orsay. Sous la verrière d’une Grande Galerie de l’Evolution à l’abandon, tels des archéologues progressant dans la pénombre entre deux mammouths naturalisés. Dans les Halles Baltard juste avant qu’elles ne ploient dans un nuage de poussière immortalisé par Jean-Claude Gautrand. Ou bien encore en compagnie de Charles Marville et Théophile Gautier, dans les ruines des monuments incendiés de 1871 après la Commune de Paris.

Pendant plusieurs mois, Yves et Romain ont adapté leur méthode de travail à celle de la machine. Se demandant ce que Midjourney était capable de leur donner en termes de véracité et de correspondance avec la réalité architecturale de la capitale. Un travail titanesque.

« Lorsque nous sommes tombés sur les premières images convaincantes générées par IA fin 2022, nous avons comme beaucoup été un temps incrédules. Suffisait-il de “prompter” quelques mots afin d’obtenir des images plus vraies que nature ? » Hélas non. Du moins pas encore. « L’imaginaire apocalyptique en IA est un marronnier, presque un exercice de style. On ne compte plus les images de la tour Eiffel reprises par une végétation tropicale ou tels monument célèbre brisé dans un film catastrophe… L’imagination nous conduit souvent au même endroit, ce qui peut être très limitatif. Ce alors même que la génération par IA implique de savoir précisément où l’on va, tout en le cherchant avec flexibilité, en nous exposant à une infinité de choix qu’il faut contraindre. »

Un des autres lieux communs concernant les IA serait leur facilité d’utilisation. « Il est aisé d’utiliser un stylo mais pas forcément d’écrire. Pour imiter le réel et plaquer de fausses images dans des vraies, encore faut-il comprendre la lumière. Or il n’est pas forcément facile, pour un photographe d’identifier une bonne lumière, mais il est en réalité encore plus difficile de la reproduire artificiellement », ajoutent-ils.

Pour faire exister les quelques 80 images issues de ce projet, exposés à Polka et présenté en intégralité dans un livre aux éditions Albin Michel, il leur aura fallu générer plus de 52000 images, sans compter celles modifiées et réinjectées dans Midjourney, les leurs, qui servaient souvent de référence esthétique ou architecturale. Et celles par la suite recomposée ensuite sur Photoshop après extrapolation… Soit une moyenne de 650 génération pour l’obtention d’une image.

Grâce à la puissance de synthèse visuelle de Mid- Journey, Marchand et Meffre ont imaginé leurs capricci, le pendant imaginaire de vedute, ces vues d’après nature chères aux maitres flamands et vénitiens, d’un Paris qu’on connaît trop bien. Sautant dans le futur plutôt que dans le passé, tels Hubert Robert, ce grand artiste de l’imaginaire poétique et conservateur de ce qui allait devenir le musée du Louvre, peignant en 1796, au soir de la Révolution, les ruines de la Grande Galerie du Musée, à peine celle-ci aménagée.

« Tout cela ajoutent-ils, était quand l’IA répondait à nos demandes. Il était parfois difficile d’obtenir des images qu’elle ne pouvait “concevoir”, n’étant pas suffisamment encore entrainée pour comprendre certains paradoxes. » Tels qu’une piscine vide, sans eau. Ou bien un Moulin Rouge, archétype de Paris, mais sans ses ailes… « Nous avons passé une nuit à essayer de “prompter” la machine pour délabrer et casser les ailes du pauvre moulin : “broken wings”, “dilapidated wings”… En vain. C’était dans nuit du 23 au 24 avril 2024. Vingt-quatre heures plus tard, nous découvrions au matin, avec un frisson nous parcourant l’échine que la presse titrait “Le célèbre Moulin Rouge a perdu ses ailes, tombées durant la nuit”. Avait-on ouvert la boîte de Pandore ? »

Dates

8 Novembre 2024 15 h 00 min - 18 Janvier 2025 17 h 00 min(GMT-11:00)

Galerie Polka

12, rue Saint-Gilles 75003 ParisOuvert du mardi au samedi de 11h à 19h00 ou sur rendez-vous

Galerie Polka

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