Juin, 2024

William Klein

sam29jui(jui 29)10 h 00 min2025lun06jan(jan 6)18 h 00 minWilliam KleinPlay play playMusée d’art contemporain, Place de Provence 26200 MONTÉLIMAR

Détail de l'événement

Le Musée d’art contemporain de Montélimar présente, pour la première fois en France depuis la disparition de l’artiste, une exposition rétrospective de William Klein (New York 1926 – Paris 2022). Réunissant plus de deux cent cinquante œuvres, tirages d’époque, impressions grand format, documents d’archives, livres, extraits de films, elle présente Klein peintre, photographe et cinéaste. En résonance avec le festival Présence(s) Photographie et le passage de la flamme olympique dans la ville le 20 juin, l’exposition PLAY PLAY PLAY est précédée depuis le 24 mai d’une exposition à ciel ouvert de tirages grand format de William Klein aux abords du Musée d’art contemporain et en cœur de ville.

De tous les termes résumant la place centrale tenue par William Klein dans le paysage des arts visuels d’aprèsguerre à nos jours, choisissons celui de « monument ». L’image architecturale sied bien à l’artiste qui rêvait d’un art total gagnant les murs de la cité, comme lui avait enseigné Fernand Léger. Élaborée sur cinq décennies, l’œuvre construite est monumentale : par la quantité des médiums abordés et des supports investis, par l’échelle dans laquelle l’artiste s’est employé à la développer. De l’image fixe au cinéma, de la page du livre, à celle du magazine puis à l’écran de cinéma, William Klein n’a cessé de regarder son temps et d’en faire le récit, s’autorisant toujours à en réinventer les modes de narration.

William Klein est né en 1926, soit cent ans après l’invention de la photographie. Des années 1920 à notre XXIe siècle, du premier appareil compact des années vingt à ce petit rectangle plat que l’on a en poche cent ans plus tard, l’image fixe et animée auront été marquées par une succession d’inventions, visant à rendre leur réalisation et leur diffusion toujours plus accessible. Dès leur naissance, photographie et cinéma ont ainsi leurs destins liés au progrès technique, à l’industrie qui le porte et ainsi à l’ambition de joindre les masses. C’est précisément cette nature ambivalente de l’image, prise entre art et mass media, cet art des foules, que William Klein, en examinant tous les ressorts, n’aura de cesse de convoquer dans son œuvre. À l’heure des réalités alternatives, deep fake et d’autres créations issues de l’intelligence artificielle, la persistance du caractère contemporain de l’œuvre de Klein frappe.

PLAY PLAY PLAY, le titre de l’exposition, entêtant, incantatoire résonne comme un slogan et rappelle le GUN GUN GUN formé par la répétition du gros titre à la une d’une pile de journaux photographiée par Klein soixante-dix ans plus tôt, exactement, à New York. Autre date anniversaire donc — à l’échelle d’une telle vie, d’autres se profileront —, 1954 marque l’entrée de Klein en photographie, appareil à la main, dans les rues de sa ville natale et la naissance d’un corpus d’images foisonnant qui donnera lieu à son premier livre, le toujours célébré New York.

L’artiste, formé par un bref passage dans l’atelier de Fernand Léger à Paris en 1950 et une fréquentation plus assidue du MoMA à New York alors qu’il était adolescent, entre en art par la peinture. Dès 1947, après un service militaire effectué en Europe et quelques passages par la Sorbonne dans le cadre du GI Bill, il s’installe à Paris, rencontre Jeanne Florin, qui devient sa femme puis collaboratrice. Fréquentant le cercle de jeunes artistes peintres américains installés à Paris (dont Ellsworth Kelly et Jack Youngerman), fort de sa connaissance des avant-gardes européennes d’avant-guerre, il développe une peinture non figurative, graphique, dans le style hard edge. S’il délaisse assez rapidement cette peinture-là, le langage géométrique qu’il y développe marquera toute son œuvre à venir, photographique, graphique, filmique. Dans ces premières années de la décennie 1950, s’ensuivent des expérimentations photographiques en laboratoire, sans appareil photo, des rayogrammes à la façon de Moholy Nagy : la photographie déjà, l’abstraction toujours. Le déclic se produit à New York, alors qu’il y retourne en 1954 à l’invitation d’Alexander Liberman, directeur artistique de Vogue. Là, il se saisit d’un appareil, décidé —a fortiori depuis qu’il vit en Europe, à Paris— à regarder la ville dans toute sa crudité et à en réaliser le portrait. Publié en premier lieu au Seuil en 1956 grâce à Chris Marker, New York connaît un retentissement immédiat.

L’entrée en matière de Klein, par la peinture, le place dans une perspective bien différente de nombre de photographes de l’époque : quand il prend enfin l’appareil en main, sa culture et ses aspirations ne sont pas celles du photojournaliste — rappelons que Magnum est créé en 1947 et que le magazine Life tire à cinq millions d’exemplaires, tous deux marquant les jeunes photographes d’une forte empreinte. La photographie que Klein va inventer en arpentant les rues de New York n’a que faire des usages. L’appareil est un outil, à lui de décider comment sa main et son œil l’utilisent. Puisque New York est plurielle, cacophonique, insupportable et attachante, elle aura ce qu’elle mérite : une photographie bondée, où tous et toutes semblent se presser sans que le cadre ne parvienne à les contenir entièrement, des avant-plans flous, un contraste poussé et beaucoup de ces regards caméra, tout-à-fait inhabituels alors. On devine le jeune William Klein au coude à coude 5 l’art du jeu… avec les passants l’art du jeu… avec les codes sur les trottoirs, frôlant ces anonymes. Parcourant le livre, on est frappé par l’omniprésence du signe publicitaire, par le motif répété du dollar dans ces rues usées par la foule qui les piétine dans ces allées et venues quotidiennes. La société d’après-guerre est là, déjà plongée dans une autre guerre, dite froide, et ses menaces atomiques. L’intranquillité de l’époque, partout sous-jacente et bien mal dissimulée par la surabondance de publicités placardées, surgit et rugit dans la photographie de Klein.

Fil rouge traversant l’exposition PLAY PLAY PLAY, le jeu marque l’œuvre de l’artiste. En premier lieu, se trouve le jeu du photographe avec son sujet, dans cette danse urbaine qu’il engage dès son opus sur New York et qu’il poursuivra dans ses grandes séries dédiées à Rome (1956), Moscou (1959), Tokyo (1961) puis sur le temps long, à Paris. Cette danse, amusée, chahutée parfois, est toute entière contenue dans les nombreux regards camera qui habitent la photographie de Klein. À l’image de ce fameux cliché GUN 1, dans lequel un gamin, l’air méchant, pointe un pistolet de front, le regard caméra propulse le spectateur d’aujourd’hui sur le coin de Broadway et de la 103e rue, et révèle en contrechamp la présence du photographe. Klein dont les pas et gestes suivent le mouvement perpétuel de la foule et s’arrête là pour jouer avec le garçon et son jouet, à faire comme dans les films, PAN PAN !

Le jeu est aussi celui de William Klein, photographe, faiseur de livres, cinéaste, avec les codes en usage. De même qu’il utilise, de manière non conventionnelle, un objectif grand angle 28mm pour photographier parfois de très près provoquant flou et déformation, il n’hésite pas à recadrer drastiquement son négatif quand il l’estime nécessaire. Quand il entreprend de publier ses séries urbaines, il n’est pas plus académique vis-à-vis de la forme livre, en témoigne la maquette originale de l’ouvrage New York conçu par l’artiste et présentée dans l’exposition. Plusieurs registres s’y mêlent, faisant passer sans ménagement le lecteur de l’esthétique du comics trip à l’album photo du XIXe en passant par des sortes de plans séquences cinématographiques, le tout scandé par des mots en forme d’injonction, occupant seuls des doubles pages, plein cadre, mimant le langage publicitaire omniprésent dans la ville. Du jamais vu. Devenu cinéaste dix ans plus tard, en 1964, il investit l’image en mouvement avec la même liberté et signe dans cette décennie et la suivante, des films — à titre d’exemple, en 1966, Qui êtes-vous Polly Maggoo ? —aux partis pris formels inédits, mêlant sans ambages au sein d’un même film, cinéma vérité, trucages joliment naïfs à la Méliès, roman photo…6 Le jeu sportif Au delà du sport, l’art de la lutte et de la réflexion socio politique l’art en action Chez Klein, le jeu est aussi, simplement, sportif. Le premier des joueurs, l’enfant, s’invite souvent dans son cadre, à New York, Rome, Moscou ou Tokyo, lui qui répond au jeu du photographe avec son appareil, lui qui rend si généreusement sa marque d’attention en lui offrant spontanément une pantomime. L’enfant, seul ou en groupe, et son jeu de balles, ou encore les grands au stade, spectateurs d’un jeu se déroulant hors-champ : le jeu sportif, improvisé dans les rues ou cerné par des gradins, va et vient dans la photographie et dans le cinéma de Klein. En 2024, à l’heure des Jeux Olympiques à Paris et du passage de la flamme à Montélimar, l’exposition s’attachera également à révéler l’empreinte du sport dans l’œuvre de l’artiste.

Si le sport « rebondit » en divers endroits de l’œuvre, il convient d’examiner le contexte qui le traverse. Le mouvement induit par le sport, bien sûr, intéresse le faiseur d’images Klein. Le spectacle du sport, sa couverture médiatique, le captive. Et c’est sans doute la figure du sportif, polarisant l’attention de la société, ses aspirations et ses tensions, qui le passionnera au plus haut point. C’est à ce titre qu’il décide, voici soixante-ans, autre anniversaire, de dédier un film au boxeur Cassius Clay, futur Muhammad Ali, déjà ami de Malcom X, lors du match historique de 1964 pour le titre de champion du monde des poids lourds. L’exposition accordera une place particulière à l’œuvre que l’artiste consacra en 1964 et en 1974 à Ali, boxeur, militant pour les droits civiques des Noirs Américains, opposant à la guerre du Vietnam, invaincu ou presque sur le ring, imbattable dans l’arène médiatique. Le sport ici rejoint le combat, le temps du jeu devient celui de la lutte et voici que l’espace du ring se transforme en un territoire traversé d’enjeux socio-politiques.

PLAY PLAY PLAY invite à suivre l’artiste sur les terrains artistiques, médiatiques et politiques qu’il a arpentés pendant plus de cinquante ans et sur lesquels il n’a cessé de remettre en jeu les modes de représentations. Le parcours engage le spectateur d’aujourd’hui à (re)vivre, au gré des mouvements et regards des enfants romains et tokyoïtes ou du géant Ali. Un siècle marqué —pour le meilleur et pour le pire— par l’emprise de l’image médiatique, et invite à apprécier la résonnance contemporaine de l’œuvre léguée. Si William Klein était un monument, ce serait une colonnade, celle qui cadre d’un mouvement fluide l’agora, cet espace où l’on s’apostrophe, s’accorde et s’oppose, où l’on rit et l’on gueule, où les couples enfin, échangent des baisers et les gamins, des paniers.

Raphaëlle Stopin, commissaire de l’exposition

Photo : William Klein estate. Dans la foule, New York, 1955

Dates

29 Juin 2024 10 h 00 min - 6 Janvier 2025 18 h 00 min(GMT-11:00)

Lieu

Musée d’art contemporain

Place de Provence 26200 MONTÉLIMAR

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