Voyages immobiles

Cette cinquième exposition personnelle de l’artiste à la galerie présente un ensemble inédit d’images issues de ses archives auxquelles il a donné un sens nouveau pendant le confinement. Durant cette période, le photographe et grand voyageur s’évade mentalement à travers les clichés de tous les lieux déjà parcourus, l’Italie, le Japon, Madagascar…

Une vision transversale de l’oeuvre de l’artiste à travers le sujet de la fenêtre. Motif récurrent dans l’ensemble de son travail, les fenêtres de Thomas Jorion, ne sont pas seulement des ouvertures vers l’extérieur.
Comme le souligne Marta Ponsa, qui a choisi cette série pour inaugurer le Jeu de Paume Lab en mars 2021, « elles proposent des visions intérieures intrigantes et mystérieuses, des points de vue en trompe l’oeil, des écrans aveugles, des jeux de regard qui renvoient à des décors théâtraux…comme pour souligner la sensation de fiction que nous vivions et la prise de conscience de ses distances imposées. »
Il s’agit d’un jeu de fenêtres parfois aveugles, parfois symbolisées, parfois amenant vers un extérieur fantasmé. Des fenêtres qui nous renvoient à notre propre intériorité et nous questionnent sur notre capacité de projection ainsi que sur la puissance de l’imaginaire.

Lors du confinement, la fenêtre était devenue le seul point de vue vers un extérieur inatteignable. La constitution de cette série revêt alors pour Thomas Jorion un caractère de nécessité.

« Il m’est alors revenu à l’esprit l’allégorie de la caverne. Ce monde extérieur qui m’était interdit, illusion d’une réalité de vie pendant cette période si étrange était devenu ma réalité. Une distance s’est imposée dans ma perception du monde extérieur. Ce que j’observais de ma fenêtre avait revêtu pour moi la même signification qu’une suite de plans organisée comme des décors de théâtre. La fiction avait pris part dans mon quotidien. » « En parallèle de ce changement spatial, le temps s’était arrêté et les heures s’égrainaient dans une distorsion totale. J’ai trouvé un réconfort dans chaque image de cette série qui faisait écho à l’une de mes journées ou l’une de mes réflexions. Tantôt fermé et sans espoir, tantôt ouvert vers un ailleurs idéal. Ces lieux déserts, ou désertés? Où le temps est figé, continuent à vivre en moi tels des petits mondes intérieurs où je peux m’évader. »

Constituée à l’origine d’une douzaine d’images, la série « Les Voyages Immobiles » s’est enrichie pour l’exposition d’autres photos inédites extraites de ses séries ‘Veduta’, ‘Vestiges d’Empire’ ou encore ‘Saudade’ dans lesquelles les fenêtres s’ouvrent largement sur d’autres horizons et semblent nous les rendre à nouveau accessibles, à portée de rêve en tout cas…

Thomas Jorion parcourt le monde depuis une quinzaine d’années pour saisir la beauté intemporelle des édifices déchus de leur usage et laissés à l’abandon. Des Etats-Unis à la Russie, de l’Allemagne au Japon et plus récemment au Portugal, en Italie ou dans les anciennes colonies françaises. Il débusque ces espaces désertés où le temps semble figé, comme suspendu. Endroits singuliers, désormais oubliés, témoins d’une activité humaine depuis peu révolue, dont la nature et les saisons ont redessiné les traits. Paysages urbains en ruine, usines désaffectées, appartements déserts, salle d’apparat d’anciens palais toscans, théâtres-cinémas américains abandonnés… Autant de lieux secrets et de solitude que le photographe fixe par ses clichés. Comme pour défier l’inéluctable oubli. Par ses images, il nous donne à voir une beauté nouvelle, non conventionnelle, qui raconte l’homme et questionne son rapport à la société, à la modernité et au temps. Thomas Jorion (né en 1976) vit et travaille à Paris. Autodidacte, il a élaboré un discours singulier qui prend forme dans le champ spécifique des bâtiments abandonnés. Thomas Jorion réalise ses images à la chambre grand format et négatifs couleurs. Il travaille exclusivement en lumière naturelle, sans mise en scène ni retouches ultérieures.