Novembre, 2022

Tom Wood

ven18nov(nov 18)10 h 00 min2023sam14jan(jan 14)19 h 00 minTom WoodSnatch out of timeGalerie SIT DOWN, 4, rue Sainte Anastase 75003 Paris

Détail de l'événement

Tout au long de ses pérégrinations liverpuldiennes, Tom Wood laisse entrevoir plus qu’une attention particulière à l’autre. En face, les autres ce sont lui, lui confronté à des fragments de ce qu’aurait pu être sa vie, avec son lot d’illusions perdues, de rêves inassouvis mais de si beaux moments aussi. Tom Wood est tout entier dans sa photographie.
S’il faut reconnaître au photographe un évident mérite d’observateur, on ne peut que constater qu’il vit à la place de ses personnages. Il se confond avec eux. Lors de la prise de vue, entre le modèle et le photographe une sensibilité commune se manifeste. Instant a priori insignifiant, rapide, presque volé, où pourtant le monde du sensible ne fait plus qu’un.
La méthode du travail photographique repose dans cet ambivalent partage. En cherchant à définir le lien qui unit Tom Wood à cette foule, il nous apparaît clairement que le but recherché est dans cette fusion entre une pratique et des instants de vie. Penser l’oeuvre de Tom Wood, c’est se confronter à un rassemblement, au sens propre, de personnages saisis dans les chantiers navals, en boîte de nuit, aux alentours du stade ; à cette ville, à ce pays fracturé, à cette complexité dont nous soupçonnons les drames innombrables qu’elle abrite. Le poids du monde sur les épaules féminines et les frustrations dans l’esprit des hommes.

Tout cela mobilise l’attention du spectateur invité à ce sentiment étrange qu’est l’empathie. Nous entrevoyons derrière ces scènes, une histoire simple, une seule vision, un style unique, la personnalité d’un photographe sans autre perspective que les rues de la même ville. Tom Wood qui toujours et encore arpente le même territoire pour voir ce qui change et ce qui reste. Voilà pourquoi, jamais on ne trouvera le moindre dédain envers quiconque s’ouvre à sa photographie ; une pratique qui lui a donné la capacité à se guider dans toutes ces expériences aperçues quand un peuple s’associe à son projet : une des plus touchantes chroniques de l’Angleterre contemporaine.

Ne nous trompons pas, il ne s’agit pas ici d’altruisme, mais d’une opération d’identification avec quelque chose, souvent ce presque rien qui détermine la réalité : un transport, une transaction, un match de football, etc. Une telle perception de la réalité d’autrui dénuée de tout jugement de valeur ne peut se confondre avec le simple constat sociologique. Tom Wood fait de chaque image un moment symbolique en mesure de représenter le tout, c’est-à-dire un monde complet, signifiant et poétique. L’analyse des rapports sociaux s’impose sans qu’il ne soit nécessaire d’apporter les moindres éléments didactiques.

Dans la saga liverpuldienne, on identifie des personnages dont l’identité sociale compose un type. Nous qui sommes désormais partie prenante, nous voilà transportés dans un univers où les apparences qui nous font face sont en même tant statuts et histoires de vie. Des trajectoires se font jour, et nous voilà grâce à Tom Wood en capacité d’exploiter les pistes de compréhension d’un monde qui, de prime abord, aurait dû nous rester éloigné, comme cet étrange dialecte qu’est le scouse.

Nous reprenons contact, et nous trouvons un goût particulier, avec un ensemble de situations qui ne sont pas nôtres mais dans lesquelles nous pouvons nous immerger. Peu importe le support, noir et blanc ou en couleur, peu importe la date de capture des images, nous voilà en empathie avec des visages souvent interrogatifs, parfois même soumis, comme si la vie était une suite d’impositions à laquelle il faut se soumettre. L’oeuvre immense, à l’encontre de la résignation, n’ignore pas la distinction des personnes. Les corps se déploient peu, une façon de dire que le temps de la photographie est le temps, non de l’abandon, mais de la participation à l’histoire contée par Tom Wood. Alors peu importe la définition d’une photographie qui se veut témoignage ou mémoire, car le peuple de Liverpool étend, sans le savoir, le sens des mots par ses chants de supporters. Il étend inconsciemment la signification d’une gestuelle épurée pour la conduire aux portes du beau! D’un état de crise sociale, économique et politique instable et cruel, nous passons à des formes pures, libres de tout danger d’un humanisme complaisant.
La fiction woodienne, car toute photographie est fiction, nous donne l’illusion picturale de la chair, du sang qui l’irrigue. Ces gens, rencontrés furtivement, paraissent naturellement plus vivants, appartenant dorénavant à notre monde. Nous sommes aussi eux.

Les photographies de Tom Wood sont chargées de détails, de portraits minutieux fondant une esthétique du continu dont témoigne la pratique du réemploi. Son approche péripatéticienne de la photographie le conduit à déceler des variations au sein même de la situation déjà vécue : ce sentiment de déjà-vu, la répétition se greffant sur la matrice narrative. De série en série, les changements énonciatifs sont peu nombreux et ce monde reste comme identique, non pas figée mais conservant son essence. L’oeuvre faite de collages quotidiens et de séries fragmentaires aboutées, jamais achevées, s’avère dans la durée d’une grande homogénéité.

Par ses capacités à organiser de manière identique dans le temps la narration de l’intrigue, Tom Wood crée une fresque contemporaine inégalée.

– François Cheval

Photo : Tom Wood, Old time parting, 1983, Tirage pigmentaire
Dimensions tirage : 28,5 x 38 cm
© Tom Wood courtesy galerie Sit Down

Dates

18 Novembre 2022 10 h 00 min - 14 Janvier 2023 19 h 00 min(GMT-11:00)

Galerie SIT DOWN

4, rue Sainte Anastase 75003 ParisLa galerie est ouverte du mardi au vendredi de 14h à 19h et le samedi de 12h à 19h

Galerie SIT DOWN

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