Mars, 2023
Thomas Boivin
Détail de l'événement
Le 19ème arrondissement de Paris est « bourré de détails comme un roman » écrivait Léon Paul Fargue en 1951. Le préfacier des plus illustres ouvrages de photographies d’après-Guerre revendiquait
Détail de l'événement
Le 19ème arrondissement de Paris est « bourré de détails comme un roman » écrivait Léon Paul Fargue en 1951. Le préfacier des plus illustres ouvrages de photographies d’après-Guerre revendiquait alors son attachement à cet ancien faubourg, maintes fois arpenté et documenté par des auteurs, fameux, comme Robert Doisneau, Willy Ronis, Marcel Bovis ou encore René-Jacques. Le Belleville de Thomas Boivin puise ses origines dans cette tradition-là, dans cette prédilection – disons-le, ce talent- pour le noir et blanc, dans ce goût pour la déambulation dans Paris mais surtout dans cette affection particulière pour Belleville, quartier composite et populaire du 19ème arrondissement.
L’analogie avec l’histoire de la photographie française s’arrête toutefois ici. Car c’est davantage en l’oubliant qu’en s’y appuyant que Thomas Boivin a pu réaliser son « portrait » de quartier alternant figures humaines, paysages et signes urbains. Sa façon de voir les choses s’inspire davantage de la photographie américaine et d’auteurs comme Mark Steinmetz, Robert Adams ou encore Judith Joy Ross qu’il cite volontiers. Et il est vrai que ses images illustrent une relation au monde, une expérience intime mêlant document et étrangeté, qui a peu à voir avec l’imagerie parisienne véhiculée depuis près d’un demi-siècle. Sans idée préconçue ni contrainte – aucune nécessité de réaliser un reportage, ni de nourrir une série -, Thomas Boivin dresse un état du lieu tel qu’il le fréquente et photographie ses habitants tels qu’il les rencontre.
Le périmètre de ce Belleville-là est d’ailleurs une affaire personnelle. Il dépasse les limites traditionnelles et convenues pour rayonner sur une large part du Nord Est parisien. Celles et ceux qui connaissent les hauteurs des Buttes Chaumont, le bas Belleville ou la foisonnante agora de la Place de la République, ceux-là reconnaitront peut-être des endroits, les savoureux détails dont parle Léon Paul Fargue. Les autres y liront une autre forme de récit qui relève de l’immersion et de l’impression, qui sonde l’atmosphère d’un décor hétéroclite et insouciant, rapporte des façades désordonnées, des recoins aux allures de friches et signale des présences végétales plus ou moins domestiquées, plus ou moins exubérantes : pas de topographie descriptive, pas de légendes encore moins d’anecdotes plutôt un vocabulaire de formes, de textures et d’ombres. Comme l’explique le photographe lui-même, ses images sont davantage avec et dans plutôt que sur Belleville.
La démarche de Thomas Boivin combine rituel et intuition. Le rituel, c’est l’habitude prise, année après année, de marcher avec son appareil autour de chez lui, dans les rues de Belleville puis de poser quotidiennement sa chambre photographique, là où les gens descendent et se rejoignent, sur la place de la République. L’intuition, c’est la manière de comprendre l’ordinaire, le quotidien qui habite et anime cet environnement. Les personnages photographiés – passant.e.s, habitant.e.s – semblent profiter de ce décor, se fondre aussi, dans ses méandres ou ses aspérités. D’autres, au contraire, s’en détachent comme d’une toile de fond. Dans les deux cas, les physionomies s’exposent sans artifices et sans faux semblants. Il n’y a pas de passage en force et encore moins d’images à la sauvette, juste des présences dans une offrande de soi, acceptée et parfois voulue, une franchise réciproque entre celle ou celui qui se trouve devant l’objectif et l’auteur derrière son appareil. Thomas Boivin ne se dissimule pas, il sait approcher ses semblables et établir la distance appropriée : à l’intelligence des lieux, s’ajoute chez lui l’intelligence des autres, de la rencontre et de l’exacte temporalité.
La douceur de ce contact humain, lisible dans les regards, visible dans les attitudes, interpelle autant qu’elle réjouit.
Elle bat en brèche l’idée qu’il serait devenu difficile de photographier ses contemporains dans l’espace public : le Belleville de Thomas Boivin redonne ainsi vie à la photographie de rue.
Michaël Houlette
Les épreuves argentiques présentées dans cette exposition ont été tirées par Thomas Boivin.
Les encadrements sont de Cerise Morize
Photographiant principalement le nord-est parisien, à Paris (Belleville, Place de la République) comme en banlieue et travaillant principalement en noir & blanc, Thomas Boivin accorde une attention particulière au portrait et à la figure humaine. Fidèle à une approche d’apparence simple, mais exigeante, de la photographie, le travail de Thomas Boivin réactualise l’image du Paris classique en s’attachant à la singularité de chaque visage et de chaque regard. Son travail est présent dans les collections Neuflize OBC, Bachelot, Paris Collection ou encore de la Fondation A. Stichting à Bruxelles.
Dates
10 Mars 2023 13 h 30 min - 4 Juin 2023 18 h 30 min(GMT-11:00)