The Snake Church

Derrière les portes de quelques petites églises des Appalaches, en Virginie-Occidentale, se tapissent des serpents mortels.

Aux États-Unis, depuis le début du 20ème siècle, un petit nombre d’églises pentecôtistes isolées dans les Appalaches ont fait de la manipulation de serpents un véritable service religieux basé sur une interprétation très littérale d’un passage biblique de l’Évangile de Marc :

“Voici les signes qui accompagneront ceux qui deviendront croyants : en mon nom, ils chasseront les esprits mauvais ; ils parleront un langage nouveau ; ils prendront des serpents dans leurs mains, et, s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades s’en trouveront bien.”

*- Marc 16:17-18-18*

Pour ces églises, le serpent est l’incarnation du mal. Lors d’un service typique, le pasteur manipule les serpents devant ses paroissiens, entouré de ses musiciens pour la plupart pasteurs. La musique, un mélange de rock et de country endiablée est essentielle car elle facilite la montée de la transe et conséquemment la venue de l’Esprit Saint.

Lorsque le pasteur est habité par l’esprit saint, il commence à manipuler les serpents venimeux (espèces endémiques des forêts comme le serpent à sonnette des bois ou la vipère cuivré), à boire du poison( la strychnine) et parfois même à se bruler à l’aide de cocktails molotov.

En cas de morsure, on conclura simplement à un manque de foi ou à l’incapacité de respecter l’enseignement du Saint-Esprit.

Un service typique est assez énergique, impliquant beaucoup de danse, de chant, de pleurs, de cris, de prédication et de parler en langues.

Chris, un ancien charpentier devenu pasteur pentecôtiste assure un service religieux tous les samedis soirs et les dimanches dans sa petite église située au fond d’une vallée montagneuse de Virginie occidentale.

Lors de ces services, pour montrer son pouvoir sur les démons. il boit de la strychnine, manipule des serpents mortels, danse avec eux, et parfois même les piétine.

Chris confesse avoir créé son église après avoir lui-même été sauvé par Dieu de sa dépendance au crystal meth et à la cocaine.

Un grand nombre de ses paroissiens confirment avoir été guéris de ces mêmes dépendances mais aussi de l’alcoolisme et de maladies telles que le lupus ou certains problèmes cardiaques.

Sa communauté ou son “peuple” comme aime à l’appeler Chris comprend une bonne centaine de membres. Et lors des grands jours, jusqu’à soixante personnes se rassemblent dans sa petite chapelle de bois.

Chris a perdu son père et son frère morts tous deux d’une morsure de serpent lors d’un service. Les pasteurs refusent en effet d’être soignés, ce qui serait une trahison à leur foi. Aux États-Unis, plus de soixante cas de décès dus à des morsures de serpents lors de services religieux ont été enregistrés.

Chris accepte que j’assiste à quelques messes dont celle de commémoration de la mémoire de son frère, Mack.

Lors de ce service, il est mordu à son tour…

Cyril Abad vit et travaille en France en tant que photographe indépendant depuis une dizaine d’années.
Après avoir été photographe de publicité et de mode, il mène à partir de 2012 un projet documentaire portant un regard singulier et souvent décalé sur la place de l’homme dans la société.
Il collabore régulièrement avec la presse magazine grâce à des reportages originaux et traités avec humour comme « Blackpool, les vacances du Brexit », »Orange is the new zoo » ou “The last dreamers”.
En 2016, il entame un projet de 3 années sur les formes originales de la religion aux États-Unis, territoire de prédilection de son travail.
Cette série de reportages nommée « IN GOD WE TRUST » offre une vision dissonante de nos sociétés contemporaines.
Ce projet a fait l’objet de nombreuses publications à l’international et en France et fut notamment exposé en 2019 à Visa Pour l’Image et à la Biennale internationale de la photographie de Clermont-Ferrand en 2020.
Depuis 2021, Cyril Abad est membre de l’agence Inland Stories.