Sortilèges

Photo : Call of the Valley © Alex Kemman / Inland / Foundation Manuel Rivera-Ortiz

LA CONNAISSANCE :
SORCIÈRES – BRUJAS – RITUELS ET SURVIE

Les sorcières existent. Pas comme on nous l’a dit, avec des chapeaux pointus et des nez verruqueux, remuant des chaudrons au-dessus des flammes. Non. Les sorcières existent dans le silence, dans les coins des cuisines où les abuelitas nouent des rubans rouges autour des herbes et murmurent des protections à voix basse. Elles existent entre la foi et la peur, dans les prières murmurées qui ne sont pas si différentes des malédictions, dans les regards échangés entre vieilles femmes quand un enfant tombe malade sans raison.
J’ai grandi parmi elles, bien que personne ne les ait
jamais appelées ainsi.
À Pozo Hondo, les femmes savaient des choses. Mamá laissait toujours du sel dans les coins de la maison, posé là comme un détail insignifiant mais jamais oublié. Abuelita attachait des rubans aux berceaux des nouveau-nés et glissait des petites mains d’azabache dans leurs poches pour éloigner le mal de ojo. Une femme au bout de la rue ne quittait jamais sa maison sans une branche de ruda épinglée à son chemisier. Et quand quelque chose n’allait pas—quand un enfant ne dormait plus, quand un homme se noyait dans l’alcool, quand une maladie persistait trop longtemps—quelqu’un connaissait toujours quelqu’un qui pouvait aider. Une prière, un bain d’herbes amères, une bougie allumée au bon moment de la nuit.
La science avait sa place, mais certaines choses dans ce monde avaient besoin de quelque chose de plus ancien et de plus sage.
La foi et la peur étaient si étroitement liées chez nous qu’il était impossible de dire où l’une s’arrêtait et où l’autre commençait. Le pasteur Romualdo nous disait de prier, et nous le faisions, mais tout aussi souvent, nous allions à la botánica, où saints et esprits se côtoyaient sur des étagères encombrées, et où l’air sentait l’encens et l’Agua de Florida. Certains appelaient cela de la superstition.
D’autres appelaient cela de la survie. Peut-être était-ce la même chose.

Manuel Rivera-Ortiz

LES EXPOSITIONS

• OS BATISMOS DA MEIA-NOITE – JOAN ALVADO
• ALUMBRE NA MACAIA – IAN CHEIBUB
• GERTRUD ON THE SILENCE OF MYTH – MAJA DANIELS
PRÉSAGE TIRAGE MIRAGE, UN ORACLE PHOTOGRAPHIQUE – LAURA LAFON
• GYPSY WITCHES – SILVIA PRIÓ
• MALLEUS MALEFICARUM – VIRGINIE REBETEZ
• OPPIDUM-RÂ – WLAD SIMITCH
• WITCHES IN EXILE – ANN-CHRISTINE WOERHL
FOTOHAUS KONTROVERSE ET PARADOXE
• SEIN UND WERDEN ÊTRE ET DEVENIR – FREELENS / HAMBURG PORTFOLIO REVIEW
• TRACING THE POSSIBLE – LAIF
• ONE MILLION YEARS – MARTIN LAMBERTY / JAN HOEFER
• THE ASHES OF THE FUTURE – ALEXANDRE DUPEYRON
• THRUTOPIA – INLAND
• ENCYCLOPAEDIA – WERONIKA GESICKA