Novembre, 2021

Rimbaud

ven05nov(nov 5)6 h 00 minmer15déc(déc 15)23 h 00 minRimbaudYann DatessenGare de l'Est, Rue du 8 Mai 1945, 75010 Paris

Détail de l'événement

« Tâchez de raconter ma chute et mon sommeil » A.R.

Mille vies, mille morts, des solitudes insensées, une errance éternelle, Arthur Rimbaud, on le sait, est cet adolescent en feu qui a d’abord mis la littérature française à genou. Et puis il y a son silence, son silence soudain qui a achevé ce qui restait de la littérature qui était à genou. Surtout il y a sa vie, sa vie d’après, une vie étrange, tragique, solaire, contradictoire, mystérieuse, une vie qu’il a prédit mot pour mot dans ses cahiers d’enfant. Mille voyances, mille voyages, une histoire de genou, le sien qui finit par l’empoisonner à seulement 37 ans, Rimbaud laisse à la postérité une photo, une correspondance sans adjectif et quelques textes sublimes. La photo est celle que l’on connait, les textes : un peu de prose et des recueils de vers dont certains disparus hantent encore la mémoire de Verlaine. Ceux qui regardent la photo, souvent, ne le lisent pas. Ceux qui le lisent, souvent, ne le regardent pas en face. Certes Rimbaud fut un génie, personne ne le conteste, Rimbaud tout autant fut un salaud, une putain infernale, un homme seul, seul comme aucun autre homme ne l’a été avant lui, un explorateur dont le courage confinait au suicide. Rimbaud trafiquant d’armes ? Oui aussi, peut-être même un assassin, prolo entêté et contremaître lunatique, Rimbaud a été à peu près tout ça, parfois même son contraire. Aujourd’hui à Charleville-Mézières, alors que chaque coin de pierre porte son nom, les moins de 17 ans ne savent pas vraiment qui il est, tout juste si sa belle gueule leurs inspire une moue, la moue fameuse qu’il avait, le temps paraît-il détruit tout, même Rimbaud.

Entre 2016 et 2020, j’ai écumé les établissements scolaires et militaires des Ardennes pour portraiturer des adolescents de tout horizon : collèges plus ou moins aisés des centres-villes, lycées techniques ou agricoles en périphérie, casernes, structures de réinsertion professionnelle, peu importe, en cherchant à faire comme l’inventaire des gamins d’une région qu’on dit sinistrée j’ai fini par revenir avec une constante : un regard et une moue, un regard et une moue d’ardennais. Puis, avec pour boussole les trajets du héros de Charleville je suis parti à travers le monde rechercher de jeunes expatriés français pour leurs demander pourquoi ils se trouvaient là, loin de chez eux, loin d’un pays qu’il était décidément de bon ton de fuir… Ainsi, j’ai longé la Meuse à pied, ai dormi dans ses forêts l’hiver, suis allé à Charleroi, Bruxelles, voir à quoi ressemblait la mer grise à Ostende, ai traversé cette mer pour me rendre à Londres. Sans jamais cesser de fréquenter les Ardennes j’ai continué cette fugue via Stuttgart, le col Saint-Gothard en Suisse, les ports d’Italie, Marseille, et parce que les ambitions littéraires de Rimbaud s’y sont définitivement noyées je suis allé pêcher des amertumes européennes dans les îles : celle de Chypre d’abord, puis plus loin, dans la jungle, sur l’improbable Java. Enfin, de toutes ses errances il y a celle sévère et tragique des déserts, celle qui encore aujourd’hui fait parler, peut-être plus encore que sa littérature. Rimbaud s’y découvre explorateur, Rimbaud s’y installe marchand. Comme lui j’ai traîné au Caire et à Alexandrie pour prendre des marques, car venait bientôt le grand saut, le grand saut pour l’Éthiopie, l’Éthiopie où j’ai essayé le plus possible de respecter les anciens itinéraires des caravanes rimbaldiennes : Entoto, Addis, rivière Awash, Harar, route de Zeilah, jusqu’à Djibouti, jusqu’à Tadjourah… De ce long voyage, je suis revenu avec des questions, des questions que je me posais, que je me pose toujours, des questions sur la vie des autres, des autres qui ne sont pas moi, des questions sur les solitaires, le silence, des questions sur le vent, des questions sur le questionnement, des questions que lui, Arthur, s’est déjà posées il y a longtemps, et qui mieux que des livres sont devenues des chemins vers nulle part.

Cette série est également présentée dans le cadre de l’exposition « La Photographie à tout prix » à la BnF.

Dates

5 Novembre 2021 6 h 00 min - 15 Décembre 2021 23 h 00 min(GMT-11:00)

Lieu

Gare de l'Est

Rue du 8 Mai 1945, 75010 Paris

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