Paul Cupido & Miho Kajioka

L’une, Japonaise originaire d’Okayama, a séduit l’Europe avec son raffinement photographique récompensé par le prix Nadar en 2019. L’autre, natif des Pays- Bas, se nourrit de poésie, de philosophie nippone et de bouddhisme zen pour composer ses histoires hallucinées. Miho Kajioka et Paul Cupido se retrouvent cet hiver sur les murs de la galerie Polka. Inédite, leur exposition réunit près d’une centaine de tirages juxtaposés pour l’occasion. Un dialogue fructueux entre deux marins de la photo qui partagent la même boussole.

« En japonais, “la nuit étoilée” s’écrit hoshizukiyo, explique Miho Kajioka. Il est intéressant de voir que la Lune — zuki — est omniprésente dans cette traduction, elle est en quelque sorte consubstantielle à l’idée de nuit étoilée, comme dans le tableau éponyme de Van Gogh. C’est pourquoi j’ai conçu cette exposition comme un voyage intérieur vers l’espace, en m’inspirant de la représentation mentale de la nuit, de la Lune et des étoiles. »

Le poème cosmique de Miho Kajioka se raconte à travers une déclinaison de tirages tanzaku, cette forme particulière constituée d’une bande verticale de papier aux dimensions réputées parfaites pour l’écriture de poèmes, et dont les premiers exemples datent du XIVe siècle. « Afin d’exaucer les voeux, on accroche aussi des tanzaku aux branches des bambous lors de la fête japonaise des étoiles, Tanabata », explique t-elle.

La Lune, ce mystère spatial qui nous observe dans un vaste ciel d’encre, et qui a donné sa raison d’être à la science-fiction, est également omniprésente chez Paul Cupido. Dans sa dernière série, Ursa Major une histoire hallucinatoire et punk dans la nuit noire de l’île de Miyakojima, à Okinawa, les reflets de l’astre deviennent une ligne de vie au coeur des ténèbres, du silence et du vide. « A l’occasion d’un pèlerinage entre Tokyo et Abashiri, j’ai découvert le concept zen du “Mu” souvent associé, en Occident, à quelque chose de négatif. Il est pourtant plein de potentiel car le dépouillement est une porte vers la création. »

Pour Paul Cupido, la Lune en est une des incarnations, un symbole existentiel. Elle recroqueville l’homme dans l’infiniment petit. En même temps qu’elle le connecte, par ce lien dont elle a le secret, à l’infiniment grand, en guidant dans la nuit les capitaines des navires et tous les rêveurs.

Avec leurs fragiles épreuves sur papiers japonais, dans une nuit de pleine lune parsemée d’étoiles, Miho Kajioka et Paul Cupido dévoilent leur étonnante conversation stellaire.