Paolo Roversi

La galerie Leica présente une exposition de photographies de Paolo Roversi réalisées en Inde.
Photographe connu principalement par son travail de mode en studio, à la chambre grand format et au Polaroid, Paolo Roversi a peu photographié en extérieur. Ces images inédites tiennent ainsi une place particulière dans son œuvre.
Ce sont des photos de voyage prises lors de séjours entre 1989 et 1991, des paysages, des portraits, des instantanés saisis depuis un bus ou en déambulant dans les rues, l’appareil autour du cou.
En regard sont présentées les images réalisées pour la collection été 1989 du couturier italien Romeo Gigli, avec qui Paolo Roversi collabore depuis 1985. Le mannequin Kirsten Owen pose dans des tenues aux transparences délicates. Sur les fonds sombres, au clair de lune, sa peau lumineuse se révèle pour des portraits fragiles.
Habitué à travailler en couleur depuis ses débuts, Paolo Roversi n’aurait pas imaginé photographier l’Inde en noir et blanc. Il a utilisé des pellicules Kodak Ektachrome 200 et 400 ISO. Ses images traduisent des couleurs intenses, profondes et subtiles, qui évoquent ces fleurs que l’on trouve à chaque coin de rue ou à chaque temple et tissent des correspondances avec les mélodies et les odeurs dans une douceur et un abandon propre à l’Inde.
Dans sa quête de la beauté, Paolo Roversi découvre, fasciné, la puissance de l’ombre. Il photographie surtout à l’aube, en fin de journée ou la nuit. Pour rendre ce sentiment, Paolo Roversi a travaillé avec un Leica M, et un objectif particulier, le Noctilux-M 50 qui peut ouvrir jusqu’à f /1. Cela lui a permis de photographier avec une très faible lumière tout en conservant de menus détails.
La très faible profondeur de champ donne l’impression que le sujet central flotte sur un arrière-plan vaporeux. Comme dans les natures mortes du peintre Jean Siméon Chardin (1699-1779), Paolo Roversi fait surgir ses personnages d’une pénombre mystérieuse, les isolant du reste du monde. L’air et la lumière semblent palpables.
Ce voyage initiatique a profondément marqué la pratique de Paolo Roversi, lui apportant une forme de liberté dans son travail de photographe de mode. Il reconnaît que l’Inde l’a poussé un peu plus loin du côté de la lenteur. Dans les années 1990 il accueille avec bienveillance et expérimente avec créativité, les longs temps de pose, les imprévus et les accidents, la vibration du flou, l’exploration des noirs intenses ou de la douceur laiteuse des blancs, le surgissement des émotions, posant ainsi le vocabulaire de ce qui définit aujourd’hui son style si singulier.
Ces images d’Inde traduisent le sentiment étrange de Paolo Roversi d’avoir voyagé dans un rêve, entre l’ombre et la lumière, le passé et le présent, la réalité et l’illusion, la vie et la mort.
Dans cet espace incertain où se situe justement la photographie.

Sylve Lécallier, chargée de la collection photographique du Palais Galliéra

Sa carrière professionnelle a débuté en 1970 par des missions de photojournalisme pour l’Associated Press. En 1973, il est invité à Paris par Peter Knapp, le légendaire directeur artistique du magazine ELLE, et s’oriente rapidement vers la mode. Après avoir assisté pendant neuf mois le photographe britannique Lawrence Sackmann, qu’il considère comme un professeur influent, Roversi a commencé à travailler de manière indépendante en réalisant de petites commandes pour ELLE et Depeche Mode, avant d’acquérir une plus grande notoriété grâce à une campagne de beauté Dior en 1980, et de se forger une réputation de photographe de premier plan au milieu des années 1980.
Qu’elles soient réalisées avec son appareil photo Deardorff 8 x 10 et son film Polaroid, son Leica M ou sous forme de tirages au carbone, chromogènes ou pigmentaires, les photographies de Roversi jettent un pont éloquent entre les sphères de la photographie commerciale et des beaux-arts. Imprégnées d’un langage visuel classique et d’une sensibilité picturale, ses images occupent un univers éthéré de lumière diffuse et d’ombres oniriques, à la fois intemporel et actuel.
Roversi a mené des campagnes publicitaires pour Cerruti, Comme des Garçons, Christian Dior, Saint-Laurent et Valentino, entre autres, et son travail a été publié dans un grand nombre de revues internationales telles que Arena, Harper’s Bazaar, I-D, Interview, Marie Claire, The New York Times Magazine, Italian and British Vogue et W.