Oona Skari-Duroy

18 Août 2019. On part pour un mois de vadrouille dans le Montana. En duo. À la Paris Texas. Le père et la fille. Ce voyage c’est l’histoire d’une transmission. Maternelle au départ. Ma mère est née à Chester dans l’État du Montana. Symbole de la conquête de l’inconnu et du Far West. Plantée au milieu de nulle part. Peu d’âmes rôdent dans ces petits villages ruraux. Cette ville c’est l’ennui. Un stimulant, si l’on arrive à s’enfuir. Elle quitte le pays en 1981 pour l’Europe. La fuite maternelle alimente l’obsession paternelle pour l’Amérique. L’obsession pour un mythe fondé sur l’exil. Fondé sur le déracinement. Je grandis dans l’idée que le rêve Américain est une fable. Un mensonge. J’intériorise leurs paroles. Je ressens le drame et l’abandon qui parcourent le pays. Mais j’ai besoin de concret. De forger mon regard. Alors, c’est armée d’un boîtier argentique, d’une caméra et de la Prius de ma grand-mère que nous partons sur les routes des petits bleds qui constituent l’âme du Montana. À la rencontre des personnages qui marchent sur ces terres et qui sont la quintessence du Wild Américain. Je découvre alors de manière plus profonde ce qu’est l’oeil du photographe dans tout son voyeurisme et sa perversité. L’ambivalence entre la sombre réalité de la scène et la jouissance que procure cette même scène photographiée. Ce qui ressemble à un décor cinématographique est en réalité le quotidien d’individus. Dans le monde du regard, il faut être un voyou tout en conservant son degré d’empathie et d’humanité. Il faut transgresser tout en respectant. La frontière est mince.