Avril, 2024

Nous, laminaires

lun01avr14 h 30 mindim09jui(jui 9)18 h 30 minNous, laminairesExposition collectiveCaptures — Espace d’art contemporain de Royan, Voûtes du Port, 19 Quai Amiral Meyer, 17200 Royan

Détail de l'événement

A l’occasion de la célébration des 110 ans de la naissance d’Aimé Césaire et des quarante ans de son dernier recueil moi, laminaire…,
Captures présente une exposition collective, imaginée par Colette Césaire et soutenue par la Fondation Clément de Martinique.
La poésie césairienne est mise en dialogue avec les œuvres de trois artistes photographes contemporains, Juliette Agnel, Nicolas Derné et Xuebing Du.
Nous, laminaires vous convie à une marche à travers les paysages naturels de la Martinique, source d’inspiration de l’écriture poétique d’Aimé Césaire. Un cheminement collectif, qui nous révèle le moi profond du Poète, et aussi la nature authentique de cette île comme de son peuple. Paysages symboliques et duels : tantôt magnifiques, tantôt catastrophiques, tantôt les deux ; tantôt énergiques, tantôt destructeurs ou cauchemardesques, tantôt les deux.
Une nature éminemment poétique. La Martinique, à la fois terre de souffrance et d’espérance.

« C’est poétiquement que l’homme habite cette terre ».

Cette pensée prêtée à Hölderlin caractérise assez bien le projet initié par Colette Césaire, qui croise les écritures visuelles de trois artistes-photographes et ouvre une conversation avec celle, littéraire, d’Aimé Césaire, ayant la nature martiniquaise comme motif. Cette nature qui a façonné sa sensibilité et qui fit de lui ce qu’il fut, comme il l’a écrit. Épaisse et enveloppante tout autant qu’animée de forces brutes, elle met à l’épreuve les sens et l’esprit et demande de la patience pour dévoiler ce qu’elle recèle. C’est sa fréquentation intime qui permit à Aimé Césaire d’en révéler des mystères et d’en faire sourdre la dimension symbolique qu’il a su y distinguer. Avec son dernier recueil moi, laminaire… (Seuil, Paris 1982), il nous invite à cheminer vers la compréhension de cette terre endolorie, dans la découverte des beautés latentes de ses paysages.
Le projet, qui a pour titre une déclinaison de celui du recueil, a pour vocation d’accompagner et de guider les publics vers une meilleure appréhension des mots du poète.
Aussi les photographes conviés en résidence sur cette terre martiniquaise sont des auteurs mettant la nature au centre de leur démarche. Ils proposent néanmoins des esthétiques suffisamment singulières et éloignées les unes des autres pour offrir aux visiteurs plusieurs expériences visuelles, sensibles, comme autant d’ouvertures potentielles vers la poésie césairienne présente dans l’exposition, tant écrite que mise en voix.
Trois artistes furent choisis, Juliette Agnel, Xuebing Du et Nicolas Derné, pour aller à la rencontre de la nature martiniquaise, durant un temps de résidence, au printemps 2023.

Juliette Agnel mène une aventure photographique existentielle. Il s’agit pour elle de capturer les forces de lieux toujours traversés d’inquiétantes étrangetés. Lors de son séjour en Martinique, elle a ressenti la présence de l’invisible mystère permanent qui habite ces lieux. Elle y a réalisé un ensemble qu’elle intitule « Forêt-ancêtres », en posant son appareil au bord de la forêt, multipliant parfois les angles vers un même motif pour élargir le plan ou, d’autres fois, en s’approchant au plus près pour saisir la complexité de la plante. Elle a aussi photographié la nuit des pans de caldeiras. Sous un ciel étoilé, les pentes se dépouillent de leur aspect inquiétant pour gagner en majesté. Juliette Agnel a choisi la frontalité pour réaliser ses images. Non pas en forme de défiance devant la puissance de la nature, mais plutôt dans une posture humble, patiente, à l’écoute, pour tenter de faire surgir l’invisible. Ses photographies n’imposent pas une lecture. Mais si leur grand format permet au regardeur d’entrer dans les détails, il confère surtout aux images une présence. Elles sont là, calmes, invitant à se laisser prendre par les mystères de la nature.

Xuebing Du est notamment connue pour son travail sur les végétaux, particulièrement ses roses (série « Mother of pearl »), sidérantes de présence et d’originalité. Avec des cadrages serrés et des nuances nacrées, elle rend à la fleur toute sa sensualité et sa beauté magique dans des images remarquables. En Martinique, elle a, elle aussi, d’abord été troublée par la puissance des paysages, mais, avec sensibilité, elle a su se glisser dans les plis de ce qui se présente à la vue, pour y observer les détails de la vie de la forêt. Notant des jeux de tonalités entre des feuilles, le rythme coloré d’un bouquet d’arbres, la fierté cramoisie d’une rose de porcelaine ou l’éclat d’un rayon de soleil filtrant à travers la canopée et vivifiant un balisier encore juvénile, elle ramène à la surface les petites choses que souvent nous oublions de voir. « J’explore la beauté du monde en jouant avec les textures, la lumière et les couleurs », dit-elle. C’est ainsi que ses images participent aussi à l’éveil de celui qui veut bien percer l’écran du visible.

Nicolas Derné, après un long périple à travers l’Asie, l’Australie et l’Afrique, renoue avec la Martinique, sa terre d’origine où il développe une pratique artistique de la photographie. Croisant divers processus créatifs, du document à l’œuvre plastique, il interroge la relation entre l’humain et son environnement ainsi que les notions de perception et de temps. « … Passer la frontière invisible, écouter le chant de la forêt, prendre le temps. », écrit-il à l’occasion de son travail en Guyane en 2021. C’est dans cette voie qu’il s’est inscrit au cours de cette résidence « Nous, laminaires. 1913-2023 ». Élargissant le champ des motifs − la vibration d’un sous-bois, l’éclat de l’eau se fracassant sur une falaise, le calme d’une mangrove ou la déchirure d’un nuage sur un piton −, il partage avec nous ses ressentis de la beauté de la nature à travers des photographies aux belles nuances noir et blanc.

Organisée selon un cheminement rappelant la démarche sensible et intellectuelle d’Aimé Césaire face à cette nature martiniquaise, l’exposition de ces travaux offre ainsi l’opportunité d’un dialogue entre l’héritage et la création contemporaine.

Jean-Marc Lacabe

Artistes-photographes :
Juliette Agnel (prix Niépce 2023),
Xuebing Du,
Nicolas Derné,

Commissariat : Colette Césaire pour Tête Haute et Noire et Jean-Marc Lacabe pour Captures

Photo : « Je ne nierai point » © Nicolas Derné

Dates

1 Avril 2024 14 h 30 min - 9 Juin 2024 18 h 30 min(GMT-11:00)

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