Mathilde Marc

Photo : Corinne Masiero, 2021 © Mathilde Marc

L’Hôtel La Louisiane est honoré d’accueillir l’exposition des photographies d’artistes-femmesde Mathilde Marc intitulée Rôles modèles. Ces images font écho à l’Histoire de La Louisiane,un être de pierre qui passe ses étapes jonchées de dates, dépasse notre temporalité etdemeure une institution pour Saint-Germain-des-Prés, et au-delà. Pour cette rentrée 2024, La Louisiane accueille et protège les muses de Mathilde, qui nousrappellent que la beauté ne date ni d’hier, ni d’aujourd’hui. Elle est comme l’âme, éternelle.
– Charlotte Saliou

Rôles modèles est une série de portraits, un exercice d’admiration, une aventure humaine et artistique. Ce titre, Rôles modèles, fait référence au terme inventé par le sociologue Robert King Merton, désignant des personnes dont le parcours ou l’oeuvre permet de s’identifier, de se projeter. Il y a plusieurs années, après avoir lu deux ouvrages questionnant la représentation des femmes de plus de cinquante ans dans notre société, Best love Rosie de Nuala O’faolain et Sorcières de Mona Chollet, j’ai réalisé que dans mes propres travaux, en tant que photographe et réalisatrice, j’avais eu rarement l’occasion de mettre en scène des femmes plus âgées. À la même époque, l’association AAFA lançait le manifeste du tunnel de la comédienne de plus de cinquante ans , afin de dénoncer l’invisibilisation des femmes dépassant cet âge, considéré comme fatidique, au cinéma et à la télévision. Évoquer l’âge dans les milieux de l’Art est particulièrement délicat, tabou. J’avais l’envie de considérer la vieillesse et l’expérience comme des atouts, une occasion de raconter d’autres récits. Fin 2019, j’ai débuté mes premiers portraits d’actrices de différentes générations, de 50 à 90 ans. Des femmes aux carrières variées, connues ou moins connues, ayant toutes la volonté de créer sans entraves, se réinventant continuellement. Depuis 2022, la représentation des femmes de plus de cinquante ans est devenu un thème récurrent dans les livres et les magazines. Mais sur les couvertures les photographies dites « naturelles » sont inexistantes, soit elles sont très retouchées, les signes visibles de l’âge sont gommés, soit ce sont des illustrations. Il existe un gouffre entre cet interêt universel du temps, ses effets sur nos affects, nos corps et sa non-représentation.
Pour cette série, j’ai eu la chance de photographier des femmes qui m’ont accordé leur confiance alors que je réalisais ces portraits hors cadres, sans que cela ne soit une commande. J’ai conscience de leur générosité et j’ai cherché un équilibre entre ce qu’elles sont et ce qu’elles ont envie de montrer d’elles. J’ai réalisé des portraits dans une atmosphère cinématographique, en cherchant la lumière juste, de sorte que des retouches ne soient pas nécessaires. Dans une société où l’on traque la moindre ride d’expression, ou l’on modifie les visages numériquement avec des procédés de « De-Aging », j’ai envie de montrer qu’il est possible de montrer la beauté des femmes sans effacer leurs traits, qu’elles soient humaines, vivantes, majestueuses. Avec Rôles modèles , je propose d’ouvrir une autre possibilité de représentation du temps qui passe, qui je l’espère, peut nous réconcilier avec l’expérience de vie.
Les femmes que j’ai photographiées portent en elles un matrimoine cinématographique et artistique. C’est pourquoi je suis honorée d’avoir l’occasion d’exposer cette série à l’hôtel La Louisiane, où j’ai pu réaliser mes derniers portraits. Entre ce lieu mythique qui a accueilli tant d’artistes, parmi lesquelles Juliette Greco et Simone de Beauvoir et mes rôles modèles , il existe des liens en arborescence.

– Mathilde Marc

Photographe, artiste visuelle et réalisatrice. À la lisière du réel et fiction, Mathilde Marc met en lumière des personnalités singulières, qui s’affranchissent des diktats dans leurs façons de vivre et de créer. Son regard se porte sur la représentation des femmes, les communautés de la nuit, de la danse et des espaces de liberté d’expression de soi. Des thèmes au cœur de ses courts-métrages Victoria (2014) et Camgirl odalisque (2015), primés et diffusés dans des festivals nationaux et internationaux et dans son documentaire immersif Danse à distance, lauréat de la bourse Brouillon d’un rêve de la Scam et sélectionné au Lavoir numérique de Gentilly en 2022.
Son désir est de créer des liens, qu’ils soient culturels, intergénérationnels, formels. Elle développe ainsi des projets photographiques au long cours, comme Mise en fêtes, une série où elle suit un cercle d’esthètes organisant des fêtes costumées et Rôles Modèles, une série de portraits d’actrices- artistes de cinquante à quatre-vingt dix ans. Son esthétique est à la fois cinéphile et plasticienne, son approche sensible et engagée.