Mathieu Bernard-Reymond

Photo : Mathieu Bernard-Reymond, « Plage livre » de la série I think I’ve forgotten it before, 2022 . Courtesy de l’artiste.

Dans le cadre de sa programmation annuelle et notamment de son cycle d’expositions traitant du dialogue fleuve qu’entretiennent historiquement texte et image, le Centre photographique Rouen Normandie, centre d’art contemporain d’intérêt national, dédie une exposition personnelle à Mathieu Bernard-Reymond.

« Appuyez sur le bouton, nous faisons le reste » disait déjà en 1888 le fameux slogan Kodak. Poussé par l’industrie, l’appareil photo est présenté très tôt à nos ancêtres comme cette machine miraculeuse à laquelle s’abandonner. Appuyer sur l’argument de la facilité d’exécution garantissait d’emblée à la photographie un franc succès public et assurait d’une suspicion tenace ceux qui, se saisissant d’une telle machine, prétendraient faire oeuvre.

C’est à l’heure où la photographie entre dans son ère numérique que l’artiste franco-suisse Mathieu Bernard-Reymond (1976) entre en photographie, au début des années 2000. L’ordinateur et ses logiciels dits de « traitement d’image » prennent place dans la chaîne de formation de l’image photographique, ouvrant la voie à ses altérations, subvertissant le règne du réel. Comment l’artiste, se demandait-on déjà, peut-il créer et raconter le monde, son monde, en compagnie de cette technologie de plus en plus bavarde ? Comment le peut-il encore, désormais qu’elle est intelligente ? Loin d’éluder la question, Mathieu Bernard-Reymond n’a eu de cesse de converser avec l’outil numérique pour y développer sa langue mineure.

L’exposition Un sentiment véritable se concentre sur les sept dernières années de création de l’artiste et s’attarde spécifiquement sur les travaux, photographies et vidéos, qui entretiennent un lien étroit avec le récit. Des bribes de souvenirs personnels à la littérature syncopée de Charles Ferdinand Ramuz, les mots appellent des images, que l’artiste fait décanter dans son creuset algorithmique. Prises de vue, images générées artificiellement et images collectées s’y mêlent. À l’objectif de la perfection promise par un maniement docte de ces outils numériques, Mathieu Bernard-Reymond préfère une exploration de leurs failles, pour immiscer, dans ce monde d’images pleines d’assurance et vides d’expériences, un peu du tremblement de nos destins humains.

Ainsi, loin de présenter l’artiste sous l’angle exclusif de son éventuelle appétence pour la technologie, l’exposition veut mettre en exergue le caractère profondément poétique de l’œuvre de l’artiste et la persistance de sa recherche dont ses séries successives témoignent.

L’exposition reçoit le soutien de la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia.