Le grand champ

Le grand champ qui donne le titre à cette double exposition de Pia Rondé & Fabien Saleil, est à la fois celui de la photographie, et à la fois celui de la prairie qui fait face au lieu de vie et de travail des artistes qui ont investi en 2019 un ancien corps de ferme, situé dans le Morvan. C’est aussi la dimension d’une pratique artistique qui tend à vouloir effacer les limites séparant le lieu de l’exposition et celui de l’atelier, pouvant lui aussi devenir un lieu de partage, ce qu’ils appellent “un espace physique compagnon”.
Au sein de leur nouvel atelier, Pia Rondé et Fabien Saleil expérimentent à plus grande échelle le travail engagé depuis plusieurs années, permettant à leurs images d’être autonomes dans l’espace et de devenir sculptures. La pratique de l’espace comme sujet et comme ressource où puiser la matière première de leurs œuvres atteint un point culminant lors de cette quatrième exposition personnelle, constituée essentiellement de sculptures d’images, dessinées et/ou photographiques, dont une partie sera montrée à la galerie parisienne et d’autres investiront l’espace même de l’atelier, ouvert à cette occasion, aux visiteuses et aux visiteurs.

Valeria Cetraro : Le grand champ présent depuis toujours dans vos œuvres et dans votre imaginaire se déploie aujourd’hui tel un horizon à investir quotidiennement et concrètement. Pourquoi avez-vous décidé d’investir ce nouveau lieu de vie et de travail ?

Pia Rondé & Fabien Saleil : Le grand champ représente la perspective d’un projet de vie. C’est un choix de contraste, un désir d’horizon, effectivement, et la création d’une zone liminaire. Nous étions à un moment dans notre vie d’artiste qui nécessitait de prendre ce risque, changer d’endroit et ainsi permettre d’associer à notre travail intellectuel et artistique une pratique compagne.

Valeria Cetraro : D’une manière assez récurrente, se manifeste dans votre travail une aspiration à créer un cadre architectural pouvant accueillir des présences issues du monde du vivant. Plus généralement, vous bâtissez des structures, voire des grilles géométriques, fondements paradoxaux d’une certaine forme de liberté. Si vous me permettez d’établir une métaphore, la reconstruction de cette ferme semble réaliser cela à l’échelle même de votre vie. De quel type de structure s’agit-il cette fois ? Et quelles sont les forces organiques qui vont venir l’habiter ?

Pia Rondé & Fabien Saleil : En effet nous pourrions considérer l’espace que nous avons choisi d’investir comme le cadre architectural de notre pensée et de notre vie d’artistes. Nous serions alors les forces organiques qui prennent place dans les structures auxquelles tu fais référence. Nous sommes des constructeurs, et dans ce projet la liberté réside dans l’espace physique compagnon que nous allons cultiver. Nous avons également choisi de développer un projet agricole qui sera notre pratique compagne de notre pratique artistique. Nous souhaitons maitriser notre cadre de survie en espérant faire fructifier cette force vitale que représente notre vie d’artiste.