Février, 2025

Lara Tabet

lun03fev(fev 3)14 h 00 minsam22mar(mar 22)19 h 00 minLara TabetExtended Spectrum (Spectre élargi)Hôtel Fontfreyde - Centre photographique, 34, rue des Gras 63000 Clermont-Ferrand

Détail de l'événement

Tous les deux ans, en partenariat avec l’association Sauve qui peut le court métrage, l’Hôtel Fontfreyde – centre photographique expose un.e photographe, membre du jury de la compétition labo du Festival International du court métrage de Clermont-Ferrand. A l’occasion de cette 47ème édition, un focus géographique met à l’honneur le Liban et l’Hôtel Fontfreyde expose la photographe libanaise, Lara Tabet.

L’exposition “Extended Spectrum (Spectre élargi)” s’ouvre comme une invitation à explorer les profondeurs du réel, à envisager les écritures possibles et polymorphes visant à décrire le monde et ses matérialités. A la frontière de ce qui est visible et de ce qui ne l’est pas – dans l’intervalle entre la certitude et ce qui est plus difficilement déchiffrable – s’immisce le doute scientifique.
Dans cette quête de sens au coeur palpitant du chaos des formes, Lara fait appel à une multitude de voix et de pratiques, où chaque oeuvre s’inscrit dans un dialogue puissant entre la photographie, les sciences (naturelles, environnementales ou biomédicales – des sciences dures), une fiction spéculative et l’autobiographie. À travers cette alchimie artistique alliant recherche scientifique et poésie fictionnelle de tous ordres, ce spectre élargi nous conduit à la rencontre de champs de forces invisibles mais omniprésents, qui régissent les mondes humains et non-humains.
Le terme SPECTRE est effectivement polysémique. Il renvoie d’abord au spectre lumineux, cet ensemble d’ondes, de couleurs qui se déploient dans la lumière visible dans un mouvant arc-en-ciel ; mais aussi au spectre du genre, cet espace fluide et mouvant où les identités humaines ne se limitent plus aux normes traditionnelles. Le spectre évoque également la photographie spirite du XIXe siècle, qui, à travers des images photographiques absolument expérimentales cherchait à prouver l’existence d’un monde parallèle, celui des esprits – ces fantômes, formes floues ou ectoplasmes que la photographie des débuts aime à représenter. En élargissant ce spectre, l’exposition ouvre les frontières entre des savoirs qui se nourrissent mutuellement (art, sciences et toutes les formes de connaissance), dans un mouvement transdisciplinaire, poreux, accueillant les complexités du réel, interrogeant la binarité des genres et les catégories traditionnelles. Cette manière transversale de décloisonner les genres donne une place centrale à l’hybridation.
Lara Tabet, à travers son travail, interroge plus largement la notion d’anthropocène, cette ère géologique marquée par l’empreinte hu-maine. Elle mêle des techniques photographiques anciennes à des technologies de pointe, et met en lumière des relations invisibles. Elle se joue des rapports d’échelles – entre le microscopique et le macroscopique, l’infiniment petit et l’infiniment grand, le local et le global.
Les détails agrandis de films et pellicules photo-graphiques manipulées par l’artiste deviennent des vues aériennes, continents survolés, ou vues satellitaires de banquises mystérieuses sur Google earth… D’autres images évoqueront les scanners ou quelques IRM d’organes internes et cachés au regard. L’image est un outil performatif, nous sommes finalement poussières… un moyen d’interroger autrement notre rapport à la nature et à notre environnement.
Dans A Personal Cartography of Entangled Toxicities, Lara Tabet trace une carte intime de son parcours migratoire en répertoriant les plans d’eau rencontrés sur son chemin. À travers la bactériographie, une technique expérimentale où les micro-organismes aquatiques interagissent directement avec la surface photosensible du film, l’artiste fait naître un visuel unique, produit par les bactéries elles-mêmes, en un jeu subtil entre nature et photographie. Cette approche remet en question la manière dont les technologies modernes capturent la surface du monde, tout en nous confrontant à un univers microscopique trop souvent ignoré.
L’installation Blindspot se déploie autour de l’omniprésence des technologies de surveillance, qui scrutent le ciel, traquent les corps et les espèces, et exercent un pouvoir invisible mais constant sur nos vies. Cette oeuvre interroge le rôle de l’image dans cette ère numérique et propose, paradoxalement, l’invisibilité comme mode de résistance. Un appel à réfléchir sur ce qui échappe au regard technologique, à ce qui ne peut être capté par l’objectif ou l’écran. Dans Resilience Overflow la construction d’une souche bactérienne génétiquement modifiée pour produire le gène de la résilience questionne les modes d’alliances possible entre l’humain-e et le microbiologique.
Le retour du vieillard présente une relecture féministe et décoloniale des pratiques et croyances liées au corps, à la sexualité́ et au genre en renouant avec les connaissances an-ciennes et autochtones sur les plantes, rituels corporels et remèdes de la médecine arabe. Cette oeuvre redonne voix à ces connaissances ances-trales, reposant sur une vision holistique du corps et de la nature.
Enfin, Correspondent Species tisse une nouvelle cartographie des relations entre les espèces marines endémiques et invasives, en explorant les flux biologiques et écologiques qui les animent. Cette oeuvre interroge à la fois passé et présent de notre cohabitation avec les non-humains, tout en offrant une réflexion sur l’avenir de notre écosystème. À travers ce travail, Lara développe une bio-poétique questionnant les liens entre la nature, l’humanité et l’urgence écologique globale.
Ainsi, la présentation Extended Spectrum nous invite à élargir notre vision du monde, à déconstruire les limites de nos perceptions et à ouvrir nos consciences à des relations plus complexes, plus nuancées et plus inter-connectées entre l’humain et le non-humain.
Ce spectre élargi est celui de la pensée trans-versale, de l’art comme laboratoire des possibles et de la science comme terrain d’expérimentation infinie.

BIOGRAPHIE
Lara Tabet, médecin biologiste de formation et artiste plasticienne par vocation, incarne une fusion rare entre sciences et arts, entre rationalité scientifique et exploration poétique.
Née au Liban et aujourd’hui basée à Marseille, son parcours reflète une quête constante de sens, un désir de comprendre les mondes invisibles et de les traduire à travers des mediums artistiques multiples. Après une spécialisation en pathologie clinique à l’American University of Beirut, elle se tourne vers la photographie, un art qui, pour elle, représente un moyen unique de capturer non seulement l’apparence des choses, mais aussi leurs forces invisibles. Elle poursuit alors ses études à l’International Center of Photography de New York, soutenue par la prestigieuse bourse Lisette Model, où elle affine sa pratique artistique et expérimente les limites de la photographie.
on travail repose sur la recherche, l’expé-rimentation et une exploration incessante de nouveaux formats. Photographie expé-rimentale, vidéo, installation, bio-art : ses projets ne se contentent pas de faire écho à l’état du monde, ils questionnent la manière dont nous le percevons et le vivons.
Lara Tabet utilise ses connaissances en biologie pour interroger les enjeux environnementaux contemporains, notamment en ce qui concerne les questions d’écotoxicologie et les écologies aquatiques. Ses recherches actuelles, par exemple, s’intéressent au potentiel diagnostique et forensique de l’eau, un élément vital qui, dans son oeuvre, devient un champ d’investigation symbolique, politique et scientifique. L’eau n’est plus simplement un élément naturel ; elle devient un lieu de pouvoir, de surveillance et de résilience face aux crises environnementales. Au coeur de sa méthodologie, Lara Tabet travaille en collaboration avec des scientifiques et des laboratoires de recherche.
Son approche s’apparente à une alliance entre l’art et la science, une forme de recherche trans-disciplinaire qui brouille les frontières entre création d’images scientifiques et artefacts artistiques. Dans ce travail de laboratoire visuel, elle met en tension les notions de biopolitique et de bio-poétique, jouant avec les matériaux bio-logiques et photographiques pour produire des oeuvres qui sont à la fois des objets de contemplation esthétique et des points de départ pour une réflexion sur notre relation au vivant.
Cette interrogation de la matière se décline notamment à travers un questionnement sur la relation entre la matière photographique et la matière biologique, mais aussi sur les frontières poreuses entre la photographie numérique et son contrepoint argentique, entre la précision scientifique et l’imaginaire artistique. Le discours de Tabet s’ancre également dans un féminisme post-humain, qui cherche à déconstruire les rapports de domination entre les genres, les espèces et les générations. Son travail remet en question la position anthropocène, ce moment de l’histoire où l’humain se place comme acteur central de la planète, et décentre l’humain au profit d’alliances possibles entre formes humaines et non-humaines.
Dans ses oeuvres, les entités biologiques, qu’elles soient humaines, animales ou végétales, deviennent les partenaires d’un dialogue essentiel qui dépasse les hiérarchies traditionnelles. Elle a exposé son travail dans de nombreuses galeries et institutions de renom à travers le monde.
De la Villa Empain à Bruxelles (2022) à l’Institut du Monde Arabe à Paris (2022), en passant par des lieux emblématiques comme la Galerie Odile Ouizeman à Paris (2020), les Rencontres Internationales de la photographie à Arles (2019), ou le Wesfälischer Kunstverein à Münster (2019), son oeuvre a trouvé un écho international.
Ses expositions personnelles, telles que Underbelly à la Galerie Janine Rubeiz à Beyrouth (2019), témoignent de son engagement à explorer les frontières de l’art et de la science dans des contextes variés.
Ses travaux ont également été présentés à des événements prestigieux comme Unseen Amsterdam (2017), Paris Photo et à la Galeria Breve au Mexique (2018). Lara Tabet a reçu de nombreuses subventions et distinctions pour soutenir son travail.
Elle a été récompensée par la DRAC, AFAC, Pro Helvetia, l’Institut Français, et a reçu la bourse Arte East en 2016 ainsi que le prix du Musée Sursock en 2018.
En 2021, elle a été lauréate de la résidence Trame 21 à la Cité Internationale des Arts à Paris et du programme Nafas pour une résidence et exposition au Centre Intermondes à La Rochelle.
En 2022, elle a été honorée du Prince Claus Mentorship Award pour sa réponse culturelle et artistique au changement environnemental. Son engagement et ses recherches l’ont également menée à des résidences artistiques prestigieuses: au centre National de Biotechnologie de Madrid, à La Becque, au bateau scientifique Tara, à la Fondation d’entreprise Martell et à la Fondation Camargo.
n plus de sa pratique artistique, Lara Tabet a enseigné la photographie à l’Université américaine de Beyrouth et à l’International Summer Academy de Salzbourg, transmettant son savoir-faire et sa passion à de nouvelles générations d’artistes.
À travers ses expositions, ses résidences et ses enseignements, Lara Tabet poursuit une oeuvre inclassable qui fait le lien entre art et science, entre poésie et politique, tout en interrogeant les mécanismes de pouvoir, de savoir et de création.

Dates

3 Février 2025 14 h 00 min - 22 Mars 2025 19 h 00 min(GMT-11:00)

Lieu

Hôtel Fontfreyde - Centre photographique

34, rue des Gras 63000 Clermont-Ferrand

Other Events

Hôtel Fontfreyde - Centre photographique

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