Mai, 2021

L'âge d'or

jeu20mai(mai 20)14 h 00 minsam17jul(jul 17)19 h 00 minL'âge d'orLetizia Le FurGalerie Laure Roynette, 20 rue de Thorigny 75003 Paris

Détail de l'événement

Le travail Mythologies de Letizia Le Fur puise ses racines dans deux passions qui habitent et accompagnent l’artiste depuis son enfance : la mythologie grecque et la recherche de la beauté.
Guidée par les poètes classiques, notamment par Hésiode et Ovide, Letizia interprète ici librement les mythes qu’elle re-visite avec sa sensibilité et par une approche esthétique contemporaine. Letizia transforme et transcende ce qui l’entoure, embellit le réel, colore les gris pour s’inventer un monde repaire/ repère où se poser, se réparer et trouver un équilibre au milieu de l’âpreté. Cette recherche d’un refuge esthétique et d’un état de plénitude frise chez elle l’obsession, et l’on pense à Stendhal écrivant, dans l’essai De l’amour, « La beauté n’est que la promesse du bonheur ». Sa quête d’harmonie et de beauté, telle la pratique d’un culte, en opposition à la laideur et à l’inapproprié, est libérée et éloignée des codes en vigueur, inattendue, absolue, parfois secrète.
(…) L’Origine aborde l’ère de la création du monde et L’Age d’or évoque celle de l’harmonie entre les Dieux, la nature et les hommes. Le troisième, en préparation et toujours inspiré par Ovide, sera consacré aux Métamorphoses.
Les classiques grecs avec lesquels Letizia a grandi, deviennent un support solide à ses propos narratifs, mais aussi le moyen de traiter de thématiques liées à la société d’aujourd’hui, par métaphores et loin des dispositifs d’auto-fiction qu’elle redoute et refuse.
Dans L’Origine Letizia Le Fur évoque, à travers un univers aux paysages souvent mystérieux, comment les Dieux ont réussi à invoquer les éléments pour créer l’équilibre à partir du désordre et de la confusion. Ici la matière semble vibrer sous l’effet de forces telluriques, pour fondre dans des alchimies chromatiques.
La nature est souvent hostile, âpre ; des parois de pierre qui semblent insurmontables et infranchissables, des étendues minérales inhospitalières impressionnent par leur puissance écrasante face à la fragilité des hommes.

Dans la deuxième partie, L’Age d’or, le monde végétal prend le dessus et la nature figée se réveille dans une explosion de couleurs, les plaines ondulent, les plantes se dressent et s’entrelacent pour tisser des tapisseries aux fils étincelants. Apparait parfois l’impression de glisser du mythe à la fable, autre élément fondateur de la littérature et de la psychologie. Dans cet univers envoutant, magique et sensuel, la figure humaine apparait sous la semblance d’un homme qui arpente l’espace à la découverte du monde. Eternel Ulysse, poussé par la volonté de connaissance, de dépasser toutes barrières pour regarder des nouveaux horizons, de dompter, ou bien de fusionner avec les éléments, parfois en conquérant, parfois en âme vaguante. L’Age d’or aborde un thème universel, celui de la nécessité d’imaginer un nouveau monde et une nouvelle organisation sociale; contexte propice aux utopies.

Eden perdu ou retrouvé fait de paysages oniriques où la recherche de l’équilibre et de la perfection demeurent constantes. Sous-bois percés par des lumières « bibliques », buissons irradiés, feuillages cuivrés et arbres qui semblent peints à la feuille d’or. L’amour de Letizia pour la nature se traduit dans sa capacité à magnifier son environnement, autant les espaces ouverts sur l’horizon que les espaces tanière, les pierres et les plantes. Avec ce don de redessiner le réel elle transforme même la végétation la plus anodine et familière de nos campagnes en somptueuses fresques tropicales et emporte les visiteurs dans des paysages à l’échelle incertaine. Avec ce même amour, elle introduit, guide et parfois semble traquer son personnage à travers des décors de plaines, plages, rochers, champs où le corps élu se fond, émerge, s’impose, trouve sa place dans le cadre, toujours en équilibre et dans un dialogue permanent avec l’environnement qui parfois le défie, parfois l’accueille. Jamais le regard de Letizia ne devient sentimental ou ne tombe dans le romantisme.

Ces chapitres semblent correspondre aussi aux phases de l’évolution de son travail : après une période foisonnante et un peu chaotique, identifiable avec L’Origine, le surgir – il y a environ deux ans – du besoin d’un mode plus harmonieux, avec la mise en place d’un nouveau projet personnel qui renvoie à l’esprit de L’Age d’or. Au coeur du projet, l’intention d’introduire un personnage et de mettre en scène des images perçues ou rêvées. Enfin, la suite logique de son processus créatif qui semble annoncer le troisième chapitre, avec l’impression de se métamorphoser elle même.

De ses études aux Beaux-Arts et de ses débuts dans la peinture, avant de s’orienter vers la photographie, émerge la connaissance de l’histoire de l’art, la maitrise de la lumière, l’attention à la couleur. Cette couleur si particulière, que la photographe travaille comme un peintre, par petites touches. Et, comme un peintre mélange les couleurs sur sa palette, Letizia, dans la phase de post-production, isole et transforme, corrige, ajoute, exalte les tonalités, les amplifie pour transcender le réel et créer cette sensation de monde irréel, perché entre le fantastique et le rêve… La photographie brute n’est qu’une esquisse qui après ses interventions seulement devient l’image projetée et imaginée. Dans cette démarche l’émergence de l’outil numérique a été pour Letizia un cadeau, avec la révélation d’une nouvelle dimension temporelle et spatiale.

Les influences et les références à la peinture et à l’histoire de l’art sont constantes dans l’oeuvre de Letizia Le Fur, comme quand elle soulève la question de la représentation du nu masculin, très présent jusqu’à la renaissance mais quasiment absent depuis. Ainsi que les questions subsidiaires de comment représenter ce corps en gardant le juste détachement, sans tomber dans la complaisance, ni l’exaltation des clichés, en restituant cette complexité de force et d’audace, de fragilité et de douceur. Face au thème de la figure humaine, comme ailleurs, en s’appuyant sur la mythologie Letizia met en scène ses « figures intimes », avec discrétion et élégance.

Letizia Le Fur se voile et se dévoile derrière ses images, les mots qu’elle concède avec économie et pose sur son travail révèlent autant sa sensibilité qu’une réflexion approfondie sur la démarche entreprise et permettent de contextualiser la lecture de ses images dans son parcours autant que dans l’histoire de l’art :
« L’origine dans la mythologie grecque représente le chaos, c’est l’ère qui précède la mise en place harmonieuse de la vie sur terre. La nature et les éléments y sont omniprésents et hostiles. Il correspond également à la genèse de ce travail, de ce cycle. C’est également une mise en place du contexte, du cadre, avant de mettre en scène la figure humaine.

Avec L’Age d’or on retrouve le double motif du paysage et de la figure humaine.
À la Renaissance, le mythe de l’Age d’or connaît un fort succès et est toujours représenté sous la forme de célébration de l’amour, de la fertilité et de l’abondance.
Dans mon travail, il s’agit d’une vision du monde contemporain idéalisée, à travers éventuellement le regard discret d’une femme amoureuse. L’âge d’or aujourd’hui et tel que j’ai choisi de le montrer se situerait moins dans une représentation de l’abondance et de la fertilité (dont nous ne manquons pas) mais plus dans l’idée d’un désir de liberté et d’une volonté de s’extraire de la société. Plutôt que d’une communion entre les êtres, il s’agit ici d’un rêve de communion avec la nature, comme réponse à nos inquiétudes et notre culpabilité écologiques. La profusion de personnages, emblématique des tableaux du 16e siècle, est ici remplacée par un homme seul à l’image d’une société contemporaine où l’individualisme prime. « L’âge d’or a toujours permis d’exprimer les questionnements, les inquiétudes et les espoirs d’une société » (Elinor Myara Kelif « L’imaginaire de l’âge d’or à la Renaissance » 2017). D’un point de vue professionnel et personnel, l’âge d’or pourrait correspondre à l’épanouissement de ma pratique artistique à travers ce travail.

Le prochain opus, Les métamorphoses, s’essaiera à représenter la transformation quand elle est motivée par la fuite, la survie ou la conquête. Il s’agit également de ma propre transformation qui opère au fil de ce travail en explorant une représentation peut-être plus abstraite de la beauté. »

– Laura Sérani

Dates

20 Mai 2021 14 h 00 min - 17 Juillet 2021 19 h 00 min(GMT-11:00)

Galerie Laure Roynette

20 rue de Thorigny 75003 Paris Ouvert du mardi au samedi de 14h à 19h et sur rendez-vous

Galerie Laure Roynette

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