Octobre, 2024

Irmel Kamp

sam26oct(oct 26)13 h 00 minsam07déc(déc 7)19 h 00 minIrmel KampPortraits d'architecturesGalerie Maubert, 20 rue Saint-Gilles 75003 Paris

Détail de l'événement

Photo : Zink / Henri-Chapelle Richtung Battice (B), 1978, tirage argentique, 30 x 40 cm

La galerie Maubert présente pour la première fois à Paris le travail de la photographe allemande Irmel Kamp (née en 1937, vit et travaille à Aix-laChapelle). Cette exposition inaugurale présente les séries réalisées en Europe, en noir et blanc, sur cinquante années de carrière, déployant un regard nouveau sur la modernité architecturale. Sont ainsi rassemblées des œuvres des séries Zink (1978-82), Bruxelles-Bruxelles (1996/97) et Moderne in Europa (1998-2006).

Irmel Kamp traite l’architecture de la même façon que le sujet humain. Ses photographies soulignent les bâtiments individuels, leurs particularités architecturales, formelles ou esthétiques mais aussi leur histoire, fouillée, documentée en amont et en aval. C’est pourquoi la photographe s’attarde également sur les environnements qui intègrent ces bâtiments : les paysages et le tissu urbain façonnés strate par strate par les gens qui y vivent ou y ont vécu.

La complexité des infrastructures et des réseaux dans lesquels les bâtiments sont intégrés n’est ni cachée ni retouchée : poteaux téléphoniques sur les toits, faisceaux de câbles, lampes fixées aux maisons – mais aussi décombres des bâtiments, fissures dans les enduits, réparations rapides, dégradations, ruptures de style… Des vestiges qui nous rappellent que les bâtiments ne sont pas des structures autonomes, et n’existent qu’en interaction avec d’autres structures, humaines et non humaines. Les structures naturelles et civilisationnelles, la construction, l’usage non planifié et irrégulier, l’improvisation se rencontrent dans des couches temporelles en évolution. Le désordre fait ici loi. Il fait partie de l’histoire. Même l’architecture la plus puriste n’y échappe pas, mais ces défauts la rendent également plus accessible. « Il m’a fallu du temps pour comprendre que, peut-être, l’architecture est un gâchis : mais un gâchis autant esthétique que social et institutionnel. Finalement ce gâchis n’est pas une menace, mais une opportunité. »

Zink, réalisée à la fin des années 1970, documente les façades en zinc qui couvraient largement les murs occidentaux dans les villes entre Aix-la-Chapelle et Liège, région natale de l’artiste. Une curiosité architecturale débutant au milieu du 19ème siècle pour protéger les côtés exposés aux intempéries, qui disparaît progressivement face aux changements climatiques, à la corrosion du zinc due aux émissions industrielles, mais aussi suite aux progrès réalisés dans l’isolation des bâtiments modernes. Avec le regard objectif et distancié d’un style documentaire, Irmel Kamp capture des constellations de formes et de structures sur plus de 600 bâtiments, pour la plupart résidentiels, certains commerciaux, dévoilant un large éventail de matière (maisons en pierre, hangars en brique, antennes et câbles métalliques, textures végétales…).

Les images concentrées, qui paraissent presque classiques dans leur noir et blanc et leur petit format, sont loin d’être une déclinaison monotone de motifs formels de ces treillis métalliques. De petites irrégularités contrecarrent la grille ornementale géométrique du revêtement en zinc, qui s’étend sur le bâtiment comme une peau d’écailles mates et argentées, et confèrent à la surface une texture délavée. Le résultat est une composition minimaliste et abstraite qui tire sa tension de la rencontre d’une structure globale répétitive et d’un dessin interne irrégulier, d’une répétition graphique et d’une différence picturale. Zink fonctionne ainsi comme une image dans une image. Des images tour à tour fragiles ou idylliques, mélancoliques ou humoristiques.

Irmel Kamp s’est intéressée à l’histoire de chacune de ces maisons. Considérant l’étymologie du mot « façade » (en latin « faciès » : visage) et la tradition d’analogies entre les formes construites et le corps humain, il est logique de lire ces photographies comme des portraits. Les façades donnent au paysage une physionomie ; ces tôles de zinc devraient donc être considérées davantage comme des coiffures de maisons : quelque chose de nécessaire, parfois de pragmatique, provisoire, de fortune.

Irmel Kamp présente une obsession pour la documentation photographique. Même après Zink, elle reste déterminée à travailler sur des projets axés sur les aspects locaux des traditions de construction, dont certains durent plusieurs années. Ainsi son attention se déplace des zones rurales vers les zones urbaines. Le déplacement de ses recherches photographiques vers des bâtiments et des figures urbaines d’une autre dimension s’accompagne d’un agrandissement des formats d’images. Au cours d’explorations systématiques de la ville – un appareil photo 35 mm toujours à portée de main, puis rapidement un appareil photo moyen format plus encombrant – Kamp retrouve ses sujets : elle traque les qualités picturales d’architectures spécifiques tout en étudiant leurs contextes culturels et historiques respectifs ainsi que les liens propres aux sites où elles s’insèrent.

La modernité et ses utopies intéressent particulièrement la photographe allemande, s’éloignant d’une photographie d’architecture qui met en avant les lignes blanches et parfaites des bâtiments. Le noir et blanc reste privilégié, l’architecture moderne offrant des formes claires et lumineuses. « La photographie noir et blanc m’offre une vision calme et différenciée de l’architecture. Pour moi, la couleur signifie toujours détourner l’œil de la pleine compréhension d’un bâtiment. Pendant que je travaille sur la photographie, je veux également éviter toutes influences dérangeantes et irritantes que possible (par exemple les voitures en mouvement, les personnes en mouvement, les oiseaux qui volent, les nuages, les traînées de condensation dans le ciel). »

Une première série, Tel-Aviv (1988-1990), présente parfaitement le contraste entre la perfection utopique des lignes modernistes et le brouhaha généré par les usages humains. Un témoignage historique du style Neues Bauen, puisque beaucoup de ces architectures ont aujourd’hui disparu ou ont été défigurées par des rénovations maladroites. Cette série fera l’objet d’une seconde exposition à la Galerie Maubert en 2027. Dans la série suivante, Bruxelles-Bruxelles, Irmel Kamp a volontairement fait disparaître l’humain de ses photographies. L’accent est mis sur les bâtiments résidentiels, en particulier les maisons unifamiliales modernes, avec une diversité dans les matériaux de construction utilisés. Comme Tel-Aviv, Bruxelles reflète un mélange unique de modernisme Bauhaus et Art déco, avec comme chef de file les architectes Victor Horta et Henry van de Velde. Depuis 1996, Irmel Kamp a découvert de nombreux exemples d’architectes belges peu connus, souvent en se concentrant sur des maisons familiales bourgeoises du centre-ville. Parmi ces exemples figurent des maisons que les architectes ont construites pour eux-mêmes, comme celle de Louis Herman De Koninck. Les cadrages frontaux ou latéraux mettent en lumière les façades et l’environnement de la rue. Irmel Kamp joue avec les volumes cubiques et tridimensionnels des constructions, rendant les contrastes entre briques, pierres et surfaces vitrées presque autonomes du sujet lui-même. La composition précise des images inclut aussi les éléments environnants, comme la végétation ou les bâtiments adjacents. Le format « portrait » s’adapte particulièrement bien aux maisons étroites des années 1930.

L’identification des conditions sociales et régionales d’un lieu devient un critère primordial de ces photographies. Dans la série Moderne in Europa (1998-2006), Irmel Kamp souligne que le modernisme en architecture n’était pas le projet exclusif de quelques pays d’Europe occidentale. Il a bénéficié d’un climat culturel favorable dans plusieurs régions, où il s’est adapté aux spécificités locales. En Tchécoslovaquie, l’architecture moderne a joué un rôle clé dans l’affirmation nationale, notamment à Brno. Des tendances variées, comme le cubisme de Prague ou le constructivisme russe, ont fusionné pour créer un style unique. Grâce à son industrie florissante, Brno est devenue un modèle d’architecture moderne dans les années 1920, avec des constructions emblématiques comme le pavillon morave et la tour d’observation.

Dates

26 Octobre 2024 13 h 00 min - 7 Décembre 2024 19 h 00 min(GMT-11:00)

Galerie Maubert

20 rue Saint-Gilles 75003 ParisGalerie ouverte du mardi au samedi de 13h00 à 19h00 ou sur rendez-vous

Galerie Maubert

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