ÊTRE-ARBRES Faire forêt ensemble

Plus que jamais l’homme et la nature entretiennent un rapport compliqué. Mais sommes-nous si opposés ? De notre verticalité au flux qui nous fait vivre, de notre quête de la lumière à l’enracinement nécessaire, de notre diversité à notre finitude, de notre besoin de l’autre … nos affinités ne demandent qu’à être réévaluées et imaginées.

Jusqu’ici nous n’étions inquiets que pour nous-mêmes.
Il nous faut maintenant nous décentrer et nous mettre à égalité de ces « autres » êtres vivants qui ne nous ressemblent pas.
Notre modernisme s’est construit sur une discontinuité entre l’homme et la nature. Les cultures antérieures à l’anthropocène, que nous avons rejetées en dehors de notre monde moderne, nous les avons souvent qualifiées de totémiques, « manière de nommer un rapport fusionnel à la nature, à l’opposé du cartésianisme qui dissocie nature et culture ». (Claude Lévi-Strauss – Le Totémisme aujourd’hui, 1962). Aujourd’hui grâce aux recherches en écologie, nous prenons conscience de notre symbiose avec l’ensemble du monde vivant et notamment avec le monde végétal que nous avions pris l’habitude d’exploiter largement au mépris de sa survie. Un retour à une attitude respectueuse s’impose. Une dose de totémisme dans notre rapport au vivant serait peut-être le commencement d’un changement positif, car « si le totémisme n’est pas de l’idolâtrie, il implique néanmoins que l’homme traite une espèce, même végétale, avec déférence ». (Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion).

Depuis 2020, j’ai engagé une série de rencontres photographiques autour de l’idée de faire forêt ensemble, pour créer une forêt commune. Je l’ai imaginée comme un mélange de paysages forestiers, de portraits d’individus-arbres et d’arbres de Deux-Mains … Une forêt constituée d’une grande diversité de vivants sensibles, des vivants innombrables tous traversés d’eau, ce fluide vital en perpétuel mouvement. Une forêt ancrée dans la terre, nourrie d’une terre pleine de ces éléments minéraux essentiels aux vivants. Une forêt peuplée de littératures (une légende, une rencontre amoureuse, une poésie …), et qui contient tout autant les souvenirs des jeux d’enfants que les peurs ressenties.

Les photographies rassemblées ici sont une tentatives pour représenter cet «état de (la) nature» que nous voudrions retrouver, qu’il nous faut ré-inventer.

Olivier Pasquiers
www.pasquiers.com