Ernestine, Hélène et Monica

Pour cette première collaboration avec Yves Trémorin, artiste majeur de la scène photographique française, nous avons construit une exposition transversale, autour de trois générations de femmes qui jalonnent son parcours de 1983 à 2017 : Ernestine (sa grand-mère), Hélène (sa mère), Monique (sa compagne).

L’œuvre d’Yves Trémorin est souvent habitée d’un paradoxe : celui de ses procédures exigeantes, de sa distance parfaitement maîtrisée, de ses images précises, presque chirurgicales, de sa recherche d’objectivité et de frontalité qui se mêlent à l’intime et à la sphère familiale.

Ses images ne sont pas le résultat d’une production spontanée et quotidienne, mais le fruit de séances de pose réalisées avec la complicité de ses modèles, à la fois sujets et actrices. Dès les premières photographies de sa grand-mère (Cette femme-là) il met en place et expérimente une photographie radicale et rigoureuse qu’il développera durant sa carrière. La dimension performative, le rapport âpre et subversif à la chair, à l’érotisme ou la mort qu’il a développés alors qu’il faisait partie du trio Noir Limite s’y dessinent également.

Les ensembles consacrés à sa grand-mère et à sa mère, comme celui des Ventres, pourraient laisser penser qu’ils sont sans concession. Pourtant, ils magnifient les corps : par l’intime et le particulier l’artiste construit des photographies qui visent l’archétype et le générique.

A la fois à la marge et au cœur de sa pratique, les Early works et la série Monica traduisent, quant à eux, une relation amoureuse et photographique avec sa compagne Monique qu’il n’a de cesse de photographier depuis plus de quarante ans. Dans une échappée des deux amants, Monique devient Monica. Maquillée, dans des poses d’abandon, elle fait écho aux actrices italiennes des années 1950 comme au Monika de Bergman, tout en gardant une présence lourde de chair et de sensualité.

Dans cette exposition, les séries anciennes et récentes se complètent et se répondent.

Cette trilogie de femmes aimées, à travers quarante années de photographies, apporte un éclairage qui permet une compréhension plus profonde du sens de l’œuvre d’Yves Trémorin, de son vocabulaire formel, de la rigueur de ses procédés, de ses ambivalences.