Deborah Farnault & Alexis Vettoretti

Exposition « With All Our Might »
Deborah Farnault

« With All Our Might » est un projet de livre et d’exposition où confluent les questions de paysage, de climat et de société. Explorant les corrélations entre ces différentes notions, je façonne des images où la désertification de l’Ouest Américain devient une métaphore de l’assèchement de nos ressources et de notre humanité.

La Californie, cinquième puissance économique mondiale, est aux premières lignes du réchauffement climatique. Les vagues de chaleur, qui y sévissent depuis plusieurs années, ne sont pas de simples sécheresses temporaires ; elles sont bien le résultat d’une désertification progressive de la région.

Aux portes de Los Angeles, le désert californien est devenu le carrefour improbable d’une des régions agricoles les plus riches des États-Unis et d’une économie marginale, où la pauvreté, la criminalité et la drogue sont endémiques. Centre d’un curieux écosystème, la région est aussi le théâtre d’un désastre écologique imminent.

Le réalisateur John Waters semble en avoir saisi l’essence *, décrivant la mer de Salton notamment, comme un lieu “où l’utopie et l’apocalypse se rencontrent pour danser un tango sale”. Cette atmosphère de fin du monde n’a cependant pas empêché une population marginale de s’y installer – par choix ou non, à court ou long terme.

Entre frivolité et fin des temps, nous nous retrouvons face à une vision sublime et détonante, où la beauté et l’horreur, l’abondance et la misère, le génie et le sordide cohabitent. Dans un système qui glorifie la croissance, la productivité, la performance et la positivité à tout prix, nous nous retrouvons errants en quête d’appartenance, déconnectés de notre propre humanité.

À travers une approche topographique, je présente des images dénudées d’artifices : quelques intérieurs silencieux, des visages fatigués et l’immensité des paysages arides – comme autant de naufragés d’un système capitaliste en rupture avec les crises de notre temps.

Accompagné d’une série de poèmes en prose que j’ai composés au fil de mes déambulations dans la région, « With All Our Might » aborde les notions de nostalgie, d’aliénation et d’un romantisme qui s’effrite sous la lumière implacable du désert californien.

Cherchant à nourrir une transversalité des pratiques et à développer la dimension dystopique de ce projet, j’ai invité l’écrivaine canadienne Liz Harmer à écrire un texte de fiction pour accompagner ce projet.

* Plagues and Pleasures on the Salton Sea, a documentary by Chris Metzler and Jeff Springer, narrated by John Waters

Exposition « L’hôtel de la dernière chance »
Alexis Vettoretti

Il y a des hôtels où l’on reste, des hôtels qui ne sont pas fait pour une ou deux nuits. Dans celui-là certains y sont depuis vingt ans. Vingt ans qu’ils sont dans cette chambre, vingt ans qu’ils dorment, qu’ils boivent, rentrent se reposer après leur travail. Ici, on ne juge pas celui qui vient poser ses valises, on est trop conscient que la vie peut être dure dehors. À l’intérieur, on a le luxe d’être en sécurité, de ne pas craindre le froid qui nous mord en hiver et de pouvoir regarder le monde à travers sa fenêtre. Les hommes restent ici parce qu’ils n’ont nul part où aller, peur de se casser la gueule encore une fois, une fois de trop. Les années filent vite et on s’habitue au bruit du voisin, celui de la chambre de gauche, celui du dessus… Alors on fait attention à celui en dessous.

Durant quelques mois, je me suis rendu régulièrement dans un hôtel dit social d’un quartier populaire du nord-est de Paris. Voilà plus d’un demi-siècle que ce lieu accueil des hommes dans ces 14 chambres, pour un loyer moyen de 500 € par mois pour quelques m2.

Dans ce lieux c’est Daniel le gérant. Il décide qui il accueille dans son hôtel. Il a plus de 70 ans et laisse ceux arrivés il y a maintenant plusieurs années tranquilles dans leur chambre. Des chambres avec le minimum, un lit, une armoire et un lavabo. Les toilettes et la douche sont sur le palier.

Photo : Détails © Alexis Vettoretti