Célia Pernot

L’ histoire du Pays de Grasse a été mon ouverture au patrimoine olfactif méditerranéen et les Jardins du Musée International de la Parfumerie, un merveilleux atelier à ciel ouvert. J’y ai produit ces photographies qui sensibilisent à la valeur d’une nature emblématique de la Méditerranée par de-là les frontières. Que doit le parfum à la terre ? La réponse est je l’espère diffusée par ces images. La photographie peut rendre compte d’une senteur probablement grâce au tissage de deux fils : celui du documentaire et celui du regard. Baignée dans la spécificité olfactive du pays de Grasse, j’ai cherché à faire image de l’immatériel et à m’inscrire dans la veine de la photographie comme outil de représentation de la nature.

J’ai eu la chance de pousser la porte d’un réseau éclectique de passeurs de parfums, gardiens informels d’un patrimoine commun. Leurs témoignages précieux éclairent mon regard. Ils s’impliquent tellement dans ce territoire que réaliser leur portrait est une évidence. Le lien intime qu’ils nouent avec la nature, objet de notre rencontre, guide la mise en scène de leur photographie. Le jardin est regardé comme espace de travail mais aussi comme lieu sensible et spirituel.

Les Jardins du Musée International de la Parfumerie sont eux-mêmes une oeuvre d’art. J’ai donc posé un regard à la croisée de la sculpture, de la science et de la photographie. Le choix des plantes s’inspire de la vie quotidienne des jardiniers, leurs confidents. En studio, les végétaux deviennent sculptures suspendues. La pesanteur révèle un caractère anthropomorphe ironique et clame l’élégance brute d’une branche, de feuilles ou de pétales. Le fond noir rappelle les natures mortes et les vanités de la peinture flamande du 17e siècle, période à laquelle la lumière devient le personnage principal de l’art, cette lumière dont les jardins se nourrissent.

Enfin, bien sûr, il y a le paysage en perpétuel mouvement des jardins. L’observation de la nature m’a inspiré une série de micro-paysages. Dans des cadrages centrés sur les associations spontanées et cultivées de plantes, caractéristiques de l’esprit des Jardins, l’absence d’horizon affranchit le regard du réel. Les textures, les formes et les couleurs chatoient dans la lumière méditerranéenne. Elles révèlent un nuancier naturel des saisons parfois bouleversé par un climat de plus en plus extrême. Ces portraits, natures mortes et paysages sont une invitation au voyage olfactif. Ils sont aussi une incitation à planter et à laisser pousser pour contribuer au « Jardin planétaire » si justement décrit par Gilles Clément, jardinier et philosophe français.

Célia Pernot Artiste photographe

Photo : Christophe Mège, chef des jardiniers. Jardins du Musée International de la Parfumerie, Mouans-Sartoux Février 2021 © Célia Pernot