Mars, 2024

Camille Gharbi

mar12mar(mar 12)10 h 00 minsam13avr(avr 13)18 h 00 minCamille GharbiLes monstres n'existent pasMédiathèque François-Mitterrand Poitiers, 4, rue de l'Université 86000 Poitiers

Détail de l'événement

Ce travail photographique est une réflexion sur la violence intrafamiliale, du point de vue de leurs auteurs.
Il s’agit d’une tentative de compréhension des mécanismes qui mènent aux passages à l’acte, pour mieux les prévenir.
Sur la période 2011–2018, on estime à 295 000 le nombre de personnes victimes de violences physiques et/ou sexuelles au sein du couple, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. Environ 213 000 de ces personnes, soit 72 %, sont des femmes. Ces chiffres nous parlent du nombre de victimes de violences, mais aussi de leurs auteurs, et, dans une moindre mesure, de leurs autrices. La lutte contre les violences conjugales passe par la protection des victimes, mais également par la prise en charge de leurs agresseurs, qui est la clé de voûte en matière de prévention des passages à l’acte ou de la récidive.

Sans rien excuser ni minimiser, ce travail met en lumière des auteurs et des autrices d’actes violents au sein de leur couple, qui sont incarcérés pour les faits qu’ils ou elles ont commis, et qui sont engagés dans une démarche de réflexion par rapport à leurs actes. En faisant face à leurs responsabilités, en s’exprimant sur leurs gestes, ces individus peuvent contribuer à la prévention des faits pour lesquels ils ou elles sont condamnés.
À travers eux, c’est notre société tout entière qui doit faire face à sa propre violence. Les conjoints violents ne sont pas des ‘monstres’ vivant à la marge, mais des êtres humains souvent bien intégrés à la société dans laquelle ils évoluent. Leurs actes nous parlent de notre monde, de du cycle de la violence au sein du couple.

Leurs silhouettes, tellement banales, nous rappellent que ces passages à l’acte sont perpétrés par des personnes issues de toutes les strates de la société. Les histoires qu’ils nous livrent, individuelles et spécifiques, s’ancrent dans des problématiques sociales plus larges, qui nous concernent tous et toutes.

Camille Gharbi est une photographe et artiste visuelle française. Sa pratique artistique porte sur des problématiques sociales contemporaines suivies au long cours, dont les violences de genre, la justice sociale, le vivre ensemble. Son travail se construit sur un équilibre entre deux échelles : les histoires singulières et spécifiques sont articulées à l’histoire globale et collective, afin de faire émerger la construction du fait social. Entre photographie documentaire et plasticienne, sa démarche interroge l’état du monde en jouant sur la distance et l’esthétique afin de convoquer l’empathie et le sensible.
Considérant l’art comme un vecteur de transformation sociale, son travail emmène vers une politisation du regard, par l’intime et le subjectif.

«C’est un sujet très important pour moi, car il est au centre de la déconstruction du cycle de la violence au sein du couple. Grâce au soutien de l’administration pénitentiaire, j’ai pu rencontrer dans des parloirs ou en détention une dizaine de détenus engagés dans une démarche de responsabilisation par rapport à leurs actes et volontaires pour participer à ce projet. Je les ai interrogés sur le regard qu’ils portaient sur ce qu’ils ont fait, la manière dont ils comprenaient comment ils en étaient arrivés là, les stratégies qu’ils pensaient mettre en place pour ne pas récidiver. J’ai enregistré puis retranscris ces échanges en un témoignage à la première personne, un récit introspectif sur la construction de leur violence. A la suite de ces entretiens individuels, j’ai réalisé de chacun d’eux un portrait, de trois-quarts dos pour la plupart, dont l’intention est de représenter sans dévoiler, pour des raisons évidentes d’anonymat et de décence. Des portraits en creux, qui font appel à l’imagination et s’appuient sur le pouvoir de la suggestion plus que celui de la représentation. Des émotions mises en images, exprimées par les auteurs et autrice lors des entretiens, viennent ponctuer les témoignages et les portraits, dans une invitation à la réflexion.
Les mécanismes qui conduisent aux violences conjugales sont complexes, mais pas inéluctables.
Pour que les choses changent, il est nécessaire de les regarder en face.»
Camille Gharbi

«Comment est-ce que c’est possible que ça arrive ? Qu’est-ce qu’on a tous comme responsabilité collective pour que ça arrive ? C’est de ça dont on parle. Si vous voulez, les monstres, ça n’existe pas.
C’est notre société, c’est nous, c’est nos amis, c’est nos pères. C’est ça qu’on doit regarder. On n’est pas là pour les éliminer, on est là pour les faire changer. Mais il faut passer par un moment où ils se regardent, où on se regarde.»
Adèle Haenel, Médiapart, 04/11/2019

Féminicides : Mécanique d’un crime annoncé

En France, près de 1 400 femmes ont été tuées en dix ans par leur compagnon ou ex-conjoint. Le plus souvent au moment d’une séparation. En 2021, 122 femmes ont perdu la vie sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint, un chiffre en hausse de 20 % par rapport à l’année précédente. Le constat est froid, dérangeant : les femmes représentent plus de 80 % des victimes d’homicides conjugaux.

En 2020, une dizaine de journalistes du Monde ont enquêté sur les quelque 120 féminicides perpétrés au sein du couple deux ans auparavant afin d’en disséquer les mécanismes. Dossier par dossier, notre cellule d’enquête a reconstitué les faits, l’histoire des auteurs et celle de leurs victimes.

Une mécanique est apparue, récurrente : un homme veut posséder « sa » femme, elle tente de lui échapper, il la tue. Et cet enseignement : la plupart de ces meurtres auraient pu être empêchés si la société avait su répondre aux nombreux signaux d’alerte qui les ont annoncés.

ACQUISITIONS
Photographies de Camille Gharbi

Cette série de photographies questionne la violence domestique et la réponse que nous lui faisons, à travers son expression la plus extrême: le féminicide conjugal.
En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon ou ex-compagnon.

Cette information est une statistique relativement stable, qui ressort régulièrement dans la presse écrite ou audiovisuelle. Les «drames conjugaux» ou autres «crimes passionnels», ponctuent les rubriques «faits divers» des presses locales avec une constance qui flirte avec la banalité. Quelques lignes, précédées d’un titre laconique, relatent des affaires qui se répètent.

C’est l’histoire d’un homme qui a tiré sur sa femme qui souhaitait le quitter, avant de retourner l’arme contre lui. Ou bien celle d’un autre, qui a poignardé sa compagne dans un «coup de folie», car il la soupçonnait de le tromper. Des «faits divers» dont la fréquence et le traitement médiatique donnent l’impression que la violence conjugale est un phénomène endémique, contre lequel on ne peut pas faire grand chose.
Certains détails glaçants attirent parfois plus particulièrement l’attention des médias, et la nôtre par la même occasion. Comme l’histoire de Marcelle, retraitée, décédée le 2 mars 2017 à l’âge de 90 ans, tuée par son mari à coups de casserole. Ou celle de Thalie, consultante, décédée le 19 août 2017 à l’âge de 36 ans, battue à mort par son conjoint à coups de robinet neuf non monté.

Le sordide appelle l’indignation, et soudain, par le truchement de l’objet, la violence d’un acte qui aurait presque pu passer inaperçu reprend toute sa dimension.

Ainsi, pour parler de ce sujet à la fois terrible et si commun, j’ai pris le parti de photographier ces objets du quotidien qui se voient transformés en armes de crimes. Ces artefacts familiers ne permettent pas de saisir de prime abord la violence des faits auxquels ils font référence.

Cette prise de distance invite à la réflexion.

Les meurtres de femmes par leur compagnon ou ex-compagnon ne sont pas de simples cas isolés qui toucheraient une certaine catégorie de la population. L’analyse des articles de presse rapportant les décès des 253 femmes qui ont «succombé aux coups de leur compagnon ou ex» en 2016 et 2017 montre qu’il s’agit au contraire d’un phénomène de société qui touche toutes les catégories socio-culturelles, qui peut avoir lieu au sein de couples de tous âges et de toutes professions. Presque tous surviennent dans des contextes de séparation, de jalousie, ou de possessivité exacerbée d’un conjoint sur sa « moitié ». La récurrence de ces crimes ne relève pas du hasard. Elle révèle une profonde violence de genre qu’il est temps de remettre en question.

Camille Gharbi

Acquisitions par l’Artothèque
Deux oeuvres de la série  » Preuves d’Amour « , numérotées et signées, 2024

Dates

12 Mars 2024 10 h 00 min - 13 Avril 2024 18 h 00 min(GMT-11:00)

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