Bruno Chalifour

Nous vivons une époque où l’eau joue un rôle de plus en plus central au sein des préoccupations humaines. L’explosion de la démographie, et les changements climatiques vont accélérer ce phénomène. L’eau est bien sûr source de vie ; elle est aussi responsable de nombreuses catastrophes. Ce n’est pas un élément seulement simple et calme. En fait, l’eau appartient au monde du sublime : fascinante, belle, mais également potentiellement léthale.
De par ma naissance et vie en Limousin (« le pays de l’arbre et de l’eau »), j’ai toujours considéré l’eau sous toutes ses formes, ruisseaux, rivières, lacs, pluie, comme faisant partie de mon environnement physique et psychologique, de mon héritage.

Les travaux présentés ici offrent des échantillons d’un projet à long terme sur les cours d’eau de la Haute-Vienne qui m’ont marqués : Blanzou, Breuilh, Briance (enfance), Gartempe (origines familiales), la Glane au site Corot (culture artistique). S’y ajoutent, en remerciement à Saint Loup et ses habitants et leur hospitalité, quelques photographies de St Loup et du Thouet prises pendant l’été 2021.

Dans mon travail je ne cherche pas à documenter ces rivières, d’autres l’ont fait, le font, le feront. Je recherche des moments plus personnels, des images plus uniques. J’enregistre, sur mon passage, par le biais de la lumière (photo-graphie), les émotions, les fulgurances esthétiques que génèrent mes rencontres avec ces lieux—autant d’instants intuitifs. Ces images sont le condensé du lieu et du moment, une évidence bien sûr, car, comme l’écrivait Roland Barthes, en photographie, « le référent adhère » : le lieu et le moment devant l’appareil photographique sont toujours enregistrés, on ne peut leur échapper. De cette contrainte naissent un ancrage et un défi : aller au-delà de l’évidence, enregistrer l’indicible. Les images obtenues sont également le résultat et l’expression de mon histoire, de ma maîtrise technique, de ma culture—culture photographique comprise—, de mon esthétique. Elles se veulent la réconciliation de tous les ingrédients mentionnés ci-dessus par le biais d’une recherche d’harmonie visuelle pilotée par mon intuition et les épiphanies qu’elles convoquent.
Le cadre de la photographie devient donc un lieu d’enjeux paysagers (le référent), esthétiques (l’organisation visuelle, la synergie entre forme et contenu), personnels—un espace propice aux métaphores volontaires ou intuitives qui s’ouvre au spectateur par l’intermédiaire d’un plaisir visuel souhaité partagé.

J’adresse ici tous mes remerciements à la municipalité de St Loup Lamairé et ses concitoyens pour leur hospitalité et leur aide.

Bruno Chalifour, photographe
Le 10 juillet, 2022

Photo : Rimbau, routes des vignobles, Argelès (66), 22 avril 2021 © Bruno Chalifour