Novembre, 2021

Aux origines du reportage de guerre

sam13nov(nov 13)10 h 30 min2022dim27fev(fev 27)17 h 00 minAux origines du reportage de guerreLe photographe anglais Roger Fenton (1819-1869) et la guerre de Crimée (1855)Domaine de Chantilly, Château de Chantilly, 60500 Chantilly

Détail de l'événement

Peintre formé à Paris dans l’atelier de Delaroche avec Gustave Le Gray, Roger Fenton se tourne vers la photographie. De mars à juin 1855, il se rend en Crimée au siège de Sébastopol où l’Angleterre et la France soutiennent l’Empire ottoman contre la Russie, réalisant des images aseptisées d’un conflit sanglant et très impopulaire. Son « camion photographique » sert de cible aux tirs russes, la forte lumière et la chaleur de l’été rendent ses conditions de travail difficiles. Il fait les portraits des officiers et des correspondants de guerre (dont celui du Times), participe à la vie quotidienne de l’Etat-major, assiste au conseil de guerre. Après trois mois d’un reportage éprouvant, malade et déprimé, Fenton rapporte en Angleterre 360 clichés-verres qui, tirés sur papier et publiés par l’éditeur Thomas Agnew, constituent l’un des tout premiers reportages de guerre. Le musée Condé à Chantilly est l’une des rares institutions françaises à conserver 45 tirages de cet ensemble, acquis dès l’automne 1855 par le duc d’Aumale alors exilé à Londres.

ROGER FENTON

Roger Fenton fait son droit à l’université de Londres, mais se tourne vers la peinture vers 1841-1843 à Paris dans l’atelier de Paul Delaroche qui, pressentant l’importance de la photographie, aurait dit : « A partir d’aujourd’hui, la peinture est morte ». Fenton y côtoie Gustave Le Gray, Henri Le Secq et Charles Nègre, élèves de Delaroche qui, comme Fenton, délaisseront la peinture pour la photographie comme technique d’expression artistique.

Revenu en Angleterre, Fenton expose ses tableaux à la Royal Academy de 1849 à 1851 sans succès, puis s’inscrit au barreau, mais n’exerce pas. En 1852, il se rend en Russie et expose ses photos de Russie en décembre 1852. Premier secrétaire de la Royal Photographic Society dès juin 1852, Fenton participe en janvier 1854 à l’organisation de la première exposition où six de ses vues de Russie sont acquises par la reine Victoria et le prince Albert. Devenu en 1850 le photographe officiel du British Museum, il reçoit en 1854 de la reine Victoria commande de portraits du prince Albert, d’elle-même et des enfants royaux.

William Agnew envoie Fenton en Crimée réaliser des images destinées aux peintres ou aux graveurs et lithographes. Le marchand Ernest Gambart avait ainsi envoyé en Crimée de janvier à avril 1855 le peintre Edward Armitage (1817-1896) qui réalisa des toiles de la bataille d’Inkermann et de la charge de la Brigade Légère, exposées au printemps 1856 à Londres chez Gambart, tandis que la galerie P. & D. Colnaghi avait missionné William Simpson pour préparer une quarantaine de lithographies du conflit.

Amateur éclairé, Fenton ne pratique la photographie qu’une dizaine d’années, entre 1852 et 1862, comme son ami Gustave Le Gray, autre peintre qui comme lui utilise la photographie à des fins de création artistique, puis l’abandonne quand elle devient une simple technique de reproduction commerciale. Outre ses photos de Crimée, Roger Fenton a produit des vues d’architecture, des scènes de genre, des portraits (de la famille royale britannique, notamment), et des natures mortes de fruits et de gibiers. C’est l’un des plus grands photographes anglais des années 1850.

LA GUERRE DE CRIMÉE

Le souvenir de cette guerre oubliée n’existe aujourd’hui pour la plupart des Français qu’à travers les noms de victoires inscrits sur les murs de Paris (Malakoff, pont de l’Alma, boulevard de Sébastopol, etc).

Le conflit éclate le 23 octobre 1853 entre la Russie du tsar Nicolas Ier (puis Alexandre II à partir de mars 1855) et la Turquie ottomane à propos de la Mer Noire et se déroule principalement dans la presqu’île de Crimée dont la ville principale est Sébastopol. Le petit-fils de la Grande Catherine rêvait de rétablir le christianisme à Constantinople. La France de Napoléon III et l’Angleterre de la reine Victoria entrent en guerre contre la Russie aux côtés de la Turquie musulmane afin de préserver un équilibre stratégique en Méditerranée orientale. Les Français envoient 300 000 hommes dirigés par les généraux Canrobert et Bosquet, les Anglais 25 000 sous l’autorité de Lord Raglan, un vétéran des guerres napoléoniennes, les Turcs 7 000. La Crimée n’est russe que depuis peu : envahie en 1783 par la Russie, elle est terre ottomane de longue date. Le 20 septembre 1854, les zouaves du général Bosquet s’illustrent à la victoire de l’Alma, le maréchal de Saint-Arnaud cède le commandement à Canrobert et meurt du choléra.
Le prince Menchikov se retranche dans Sébastopol, mais les Alliés gèrent mal leur victoire et le laissent se protéger en coulant des navires à l’entrée de la rade. Ayant reçu des renforts, l’armée russe tente des sorties, mais échoue le 25 octobre 1854 à Balaklava, où a lieu la charge de la Brigade Légère, et le 5 novembre 1854 à Inkermann où la France l’emporte grâce à l’arrivée décisive des troupes du général Bosquet.

Dès lors, un siège meurtrier s’installe pour dix longs mois (octobre 1854-septembre 1855). L’épreuve est rude pour les deux camps, en raison du froid, du vent et de la boue, qui entraînent des épidémies (choléra, dysenterie, scorbut). Victor Hugo commente : « L’Empire recommence par 1812 ». L’armée d’Afrique est arrivée en tenue d’été, les soldats manquent de pain, de souliers, de tout. Tolstoï décrit les mêmes souffrances du côté russe.
Le général Canrobert, jugé trop hésitant, est remplacé par le général Pélissier, plus énergique : le 7 juin, il lance avec succès l’attaque du Mamelon Vert, mais Sébastopol résiste. La bataille de la Tchernaïa, le 16 août 1855, se déroule sur la rivière arrosant la vallée d’Inkermann. Du 5 au 8 septembre, Pélissier bombarde Sébastopol, puis lance l’attaque de la tour Malakoff, prise par les zouaves de la division Mac Mahon. Détruite par les Russes avant leur retraite, Sébastopol tombe le 8 septembre. Lors du congrès de Paris en mars 1856, les diplomates alliés obtiennent du tsar Alexandre II l’intégrité de l’Empire ottoman et la neutralisation de la mer Noire. Mais 95 000 Français ont perdu la vie et la France n’obtiendra pas en 1870 l’aide de la Russie.

Photo : Roger Fenton (1819-1869) Chefs croates, PH-524 ©RMN-Grand Palais Domaine de Chantilly-Benoît Touchard

Dates

13 Novembre 2021 10 h 30 min - 27 Février 2022 17 h 00 min(GMT-11:00)

Domaine de Chantilly

Château de Chantilly, 60500 ChantillyBasse saison : Ouvert tous les jours de 10h30 à 17h - sauf le mardi et jours fériés | Haute saison : Ouvert tous les jours de 10h à 18h

Domaine de Chantilly

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