Anselm Kiefer

Pour clore son année anniversaire, le LaM présente une exposition consacrée à l’un des plus grands artistes allemands de sa génération: Anselm Kiefer. Né en mars 1945, quelques mois avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, et installé en France depuis 1992, son travail (peintures, objets, sculptures, livres, photographies) est mondialement célébré. Connu et reconnu pour ses pièces monumentales, l’artiste présentera au musée plus de deux cents oeuvres, dont certaines inédites, qui témoignent de sa pratique de la photographie et de la question de la révélation de l’image, essentielles dans son travail, mais peu abordées dans le cadre d’expositions.

Marquée par les paysages dévastés de son enfance, l’oeuvre d’Anselm Kiefer s’est engagée dès la fin des années 1960 dans une réflexion sur l’origine du Mal et l’exploration intime de la nature tragique du nazisme, qui a donné lieu à un important ensemble d’actions et de photographies. Après cette entame radicale, l’artiste a privilégié la peinture, la sculpture et la fabrication de livres, en travaillant sur des thèmes qui, soutenus par sa connaissance profonde de la littérature et fondés dans l’histoire allemande, traversent de nombreux domaines : mythes, architectures, destruction, alchimie, kabbale’ 1 ou encore géophysique.
Bien qu’il affirme penser en images et toujours utiliser la photographie pour réaliser ses tableaux – la qualifiant même« d’auxiliaire sainte» – Anselm Kiefer n’a jusqu’à présent que très rarement ou très partiellement présenté cette composante essentielle de son travail. L’exposition du LaM est ainsi la première à faire le point sur sa pratique photographique, qui a accompagné discrètement et jusqu’à aujourd’hui toute sa trajectoire.
Le parcours thématique de l’exposition mettra en lumière ce médium qui est à l’origine de la construction du monde poétique et plastique de son travail. Ainsi, de salle en salle, après la découverte des réalisations du début de sa carrière, seront révélés les thèmes et les inspirations qui ont nourri sa démarche au cours de ces cinquante dernières années, ainsi que quelques-unes des influences littéraires ou mystiques qu’il a célébrées par des oeuvres dédiées. En contrepoint, des tableaux, livres et sculptures montreront ou commenteront ces ensembles et permettent d’inscrire la photographie dans son oeuvre, et d’en savourer la beauté et l’exigence.

L’importance de la photographie dans la construction de la démarche d’ Anselm Kiefer est essentielle. En témoignent,
dès ses premières réalisations vers 1969, les clichés des rituels de catharsis auxquels il se soumet en effectuant, vêtu de l’uniforme de son père, officier de la Wehrmacht, le salut nazi dans divers sites symboliques d’Italie, de Suisse et du sud de la France.
De même, les centaines de livres uniques qu’il réalise utilisent majoritairement la photographie, collée, peinte, biffée, brûlée, gribouillée, souillée, << machinée >> en quelque sorte.

Aujourd’hui, il suffit de pénétrer dans son atelier près de Paris pour comprendre la place décisive de ce médium dans la pensée et l’environnement de l’artiste.
Elle est partout, alignée sur les murs dans des cadres en acier ou au sol attendant une intervention, ou encore, pellicules enfermées dans d’innombrables rouleaux de plomb ou images collées sur de grands panneaux de métal de plusieurs mètres de long, tirages disposés sur les tables d’une bibliothèque pour être utilisés dans un nouveau livre, photos de référence agrafées derrière des tableaux…

Pour rendre compte de l’importance de la photographie dans l’oeuvre de l’artiste, l’exposition combine deux points de vue qui permettent à la fois de comprendre l’évolution de son travail, des premières oeuvres des années soixante jusqu’à aujourd’hui, alors qu’il donne progressivement à celles-ci une échelle qui rivalise par les formats, le nombre les sujets avec sa peinture. Et, simultanément, le parcours énumère en huit sections quelques-uns des chapitres essentiels de sa pensée.