Septembre, 2024

Anne-Lise Broyer

jeu19sep(sep 19)11 h 00 minsam30nov(nov 30)18 h 30 minAnne-Lise BroyerLa Maladie du SensURDLA, 207 Rue Francis de Pressensé, 69100 Villeurbanne

Détail de l'événement

I. Présentation (Mallarmé – Noël – Broyer)

Le titre, « La Maladie du sens », est emprunté à Bernard Noël. Dans cet ouvrage, une femme parle de l’homme avec qui elle a vécu, son mari, un grand poète. Peu à peu se dessine sous ces lignes le visage de Stéphane Mallarmé, et son oeuvre. Le texte parvient à restituer l’un et l’autre, de l’intérieur des sentiments et de la langue, dans un jeu très grave où s’échangent la chair des mots, leur sonorité et leur sens. En s’emparant de ce récit et en s’imprégnant de l’univers Mallarméen, chaque image fabriquée, en n&b (choisi pour être l’écho du « gris du texte » ou quelque chose comme de la « matière grise ») sera pour Anne-Lise Broyer un voyage dans la vie, l’oeuvre et la folie du poète.

Dans sa pratique, la photographie a souvent lieu d’abord derrière l’oeil, elle s’y mature et bascule devant la rétine juste un court instant, le temps de la prise de vue. Elle naît d’abord à la lumière intérieure de la pensée.
La lumière extérieure, solaire, n’agit que comme le révélateur de cette image mentale. Sans lire on ne voit rien. Derrière chacune de ses photographies se cache beaucoup de désirs d’écriture. Chaque image fait appel à la mémoire de lectures et l’important est-il aussi de s’interroger sur le retour de cette mémoire dans le présent.

Ce projet « La Maladie du sens » s’inscrit dans la continuité de ses précédentes recherches, dans une approche singulière qui caractérise sa démarche qui peut se résume à une « expérience de la littérature par le regard ».

Photographier constitue pour Anne-Lise Broyer un véritable geste littéraire, mais dans une langue qui se parle et s’entend par le regard : un langage qui circule en silence et conserve en lui une part de mystère, de secret… La langue de l’oeil, cette langue que le regard parle, est peut-être cet espace entre les lignes que beaucoup d’écrivains cherchent.

L’oeuvre de Mallarmé, sera comme écrite en caractères invisibles dans chaque image… L’ensemble se composera d’intérieurs, de paysages, de visages, d’objets où chaque ébranlement de l’âme viendra affleurer dans l’expression d’une émotion profonde. Il suffira de prêter l’oreille à la voix des choses et les regarder « jusqu’à l’accord »… Dans cette série de photographies et de gravures, un récit se construira dans cette nécessité de restituer l’évidence d’une écriture, ce récit se voudra ouvert, tel un film mnémonique dont la projection se poursuivrait après le générique final. La vie y sera perçue dans ses moindres reliefs et dans son mouvement le plus infime, le plus délicat. Elle s’intéresse cette fois-ci, comme l’y invite le dispositif de Bernard Noël, à parler à l’intérieur de la langue, et à rendre visible cette bascule de la pensée vers l’écriture.
Les images seront un lieu de passage, imago, forme complète après métamorphose… du texte au tirage.
Elles diront quelque chose en détachant les voyelles et les consonnes, en prononçant le monde dans la clarté de l’insu.

Dans une esthétique très minimaliste proche des films de Dreyer, dans un dénuement du motif comme les peintures d’Hammershoi empêchant toute bavure de l’expressivité et de la narrativité, ces images tenteront de rendre compte de l’obsession de Mallarmé, d’un ajustement de la langue dans cette hésitation prolongée entre le son et le sens. Le point de vue sera tournant, tantôt celui du poète, tantôt celui de cette femme qui observe la pensée au travail sans la comprendre. Complexe est le mot qui vient, l’adjectif et le nom. D’abord : Qui contient, qui réunit plusieurs éléments différents, difficile ou bien : Ensemble des traits personnels, acquis dans l’enfance, doués d’une puissance affective et généralement inconscients. Fabriquer des images de « La Maladie du sens » c’est aussi fabriquer des images du côté du non-savoir et du savoir, du côté du complexe et de la complexité.

Le titre de ce livre, « La Maladie du sens » se veut aussi l’écho de l’époque que nous traversons, complexe et souvent perdue dans ses contradictions.

L’ensemble de la série sera composée de photographies argentiques, de gravures imprimées sur des tirages argentiques et de gravures tirées sur du papier photographique.

II. Les estampes

De manière similaire à sa pratique du dessin à la mine graphique directement sur le tirage argentique, l’association de la gravure et de la photographie fabrique des situations visuelles qui renvoient à la spécificité de l’image photographique et à son histoire technique (dessin photogénique, daguerréotype…).
Ce procédé est un voyage entre deux mondes sensibles, celui du regard (la photographie) et celui de la main (la gravure). L’oeil accueille doucement les images avant de les laisser descendre dans la main. Le spectateur se promène dans l’image, d’une technique à l’autre, comme dans la forêt où l’oeil se perd, bute sur un tronc et retrouve l’ouverture d’un chemin, le plein cadre.

Cette pratique questionne les zones de frottements, d’intersection du dessin, de la gravure et de la photographie. Il s’agit de conjuguer ces médiums dans leurs limites en les rapprochant, les distordant… Par ce procédé, est rendue infinie la magie de la révélation de l’image. L’image reste latente, comme non fixée.

La matière photographique reste mouvante, émouvante. En mariant ces deux gestes, en reliant l’oeil à la main, une nouvelle langue s’invente et donne l’illusion d’une invention, d’un « mais qu’est-ce que c’est ? » comme pour raviver une possibilité d’émerveillement chez le spectateur. L’encre qui se mélange aux sels d’argent et à la gélatine du papier photographique argentique, crée une étonnante matière dont l’effet est assez troublant. En passant devant les tirages gravés, le regard est perturbé par la lumière réfléchie sur les brillances du trait et en anime les reliefs, rendant ainsi la matière vivante. Ces éclats inversent les valeurs et ravivent ainsi une mémoire primitive de la photographie où chaque image était à la fois « négatif, positif et miroir » et où les techniques de la gravure et celle de le photographie avançaient ensemble.

La technique de la gravure sera pour cette nouvelle série autour de Mallarmé encore une fois convoquée. Il s’agira de creuser la plaque comme le poète creusait le vers comme dans une sorte de précipitation du sens. Ce creusement révèlera le « dessous » du visible en révélant l’espace émanant de chaque image.
Cette espace créera suite et durée, sens et désir de perception… le dessin à la pointe (sèche) ralentira l’apparition de l’image et en aiguisera l’attente. L’encre (avec une pointe d’argent) se déposera directement sur les tirages argentiques de grands formats (80×120 cm) se mêlant à l’image photographique, la rehaussant, la floutant, la rendant encore plus sourde. Cette superposition des matières dérèglera l’image, cette surface rendue double laissera s’échapper des fantômes comme de brusques condensations de sens, comme la forme rêvée d’un rêve. Les traits à l’encre argent viendront comme des brisures sur l’arrête desquelles la lumière rejaillira vivement. Ces photographies gravées se mêleront aux simples prises de vue, l’ensemble sera ponctué par une suite d’écritures d’eau, empreintes du lit des trois cours d’eau que Mallarmé contempla (la Seine, le Rhône, la Tamise).

Des plaques de cuivre seront déposées pendant plusieurs semaines au fond de ces trois fleuves, près des lieux de vie du poète. Elles bougeront au rythme des courants et se graveront par frottements. Ces poèmes d’eau seront imprimés sur du papier photographique et mêlés au cours des images de la série.
Cette technique mariant gravure et tirage argentique ouvre des possibilités inédites. Mais cette gageure nécessite de longs et coûteux temps de recherches. Ce déplacement du geste, de la gravure vers la photographie (et non l’inverse) rejoue l’écriture de Mallarmé, aventure aussi poreuse qu’illuminée qui consiste à tracer des sillons ou plus simplement à les détecter jusqu’à créer ce que l’on peut appeler une brèche de vérité. Toute vérité traverse un paradoxe, le troue, le franchit. On tend les contrastes, on les met à jour, c’est le travail du contemporain.

Dates

19 Septembre 2024 11 h 00 min - 30 Novembre 2024 18 h 30 min(GMT-11:00)

Lieu

URDLA

207 Rue Francis de Pressensé, 69100 Villeurbanne

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