Mars, 2024

Anaïs Boudot

sam09mar(mar 9)10 h 30 mindim02jui(jui 2)18 h 30 minAnaïs BoudotVolet I Jour le Jour / Fenêtres paysages / FêluresLa Cour, 23 rue Boucicaut 61130 Bellême

Détail de l'événement

L’artiste présente un important ensemble de travaux à La cour à Bellême. Un 1er volet ouvert dès le 9 mars en écho à l’inauguration le 22 mars de l’exposition permanente des travaux des élèves de l’école voisine réalisés lors d’un atelier artistique de 4 mois qu’elle a mené avec eux et de la rencontre-projection d’un film inédit sur l’artiste réalisé par Sandra Städeli Seule la nuit. 

Jour le Jour, 2019–2024

Cette série au long cours est un journal photographique réalisé à partir de clichés au quotidien pris au téléphone que la photographe a commencé en 2019 et poursuivi cet hiver dans le Perche.

Ce projet est né de la nécessité d’extraire certaines images de ce flux continu qui nous entoure, de les matérialiser, bref de les sortir du disque dur… Ces images jouent de leur statut ambigu entre ancien et contemporain : photos envoyées ou reçues, prises de notes, captures d’écrans.. Toutes ces images gardées par nos téléphones portables de manière continuelle, se retrouvent équivalentes les unes aux autres, constituant un journal en temps réel, un appendice de notre mémoire. La/les photo/s du chat, des paysages en passant par la capture de “google maps”, la photo d’un repas mémorable sur un bord de route, un fragment gardé d’une exposition, le chemin de la soirée, le dernier jour de mer, une fleur, un arbre dressé au milieu des champs, le temps qu’il fait ici et là…

Le résultat artistique forme une série d’une centaine d’images imprimées manuellement sur verre à la gélatine photo-argentique dans le format d’un téléphone portable ou d’une tablette. De manière surprenante, ce format évoque également celui des photos-cartes du XIXe siècle avec leurs coins arrondis. De clichés de la vie ordinaire, l’artiste les transforme en objets photographiques qu’elle socle dans des boites valorisant la beauté du sous-verre teinté souvent d’une couleur mordorée telle une icône intemporelle. Tel un précieux souvenir, il porte désormais celui d’un jour aussi intime et infime qu’il soit possible.

Fenêtres paysages,
2024-en cours

D’expérimenter Anaïs Boudot ne s’arrête jamais. Dans le prolongement de Jour le Jour d’une part et inspirée par la commande pour la rénovation des vitraux de la petite folie XIXe cachée sous les grands arbres de La cour d’autre part, elle s’est attaquée aux fenêtres et aux portes percheronnes. Remerciements aux donateurs et notamment à Arnaud de St Martin et Frédérique Petit qui lui ont déniché les supports nécessaires.
Après une restauration de sauvegarde des ouvertures anciennes, elle les pare de photographies translucides qui leur confèrent un original statut d’œuvre d’art. Posées, adossées ou accrochées au mur, elles sont rétroéclairées afin de profiter pleinement de la subtilité du tirage que l’artiste a imprimé sur le verre après l’application de gélatine photo-argentique et de vernis divers ce teintant légèrement de noir et blanc. Autant dire que ce sont des œuvres lentes à produire et que, peut-être, ce temps de fabrication transparaît dans l’intemporalité qu’elles livrent au regard.
Les sujets sont des instantanés de la forêt percheronne en nuances de gris.
Éminemment séduisante au regard, la poésie visuelle qui en découle ne saurait laisser indifférent le visiteur devenu promeneur. De là à ce que des commandes fleurissent pour venir orner quelques portes et fenêtres d’amateurs, il n’y aura qu’un pas à franchir, celui de la rencontre entre l’artiste et un lieu.

Fêlures, 2015

Cette série photographique en noir et blanc en moyen format est empreinte d’une sensibilité qui voisine idéalement avec Jour le jour.
Plutôt qu’un texte descriptif, nous vous proposons de découvrir le texte de l’écrivain Lucien Raphmaj d’octobre 2014 :
“Il y a des images pour lesquelles on retient son souffle, parce que là on sent justement un souffle de lumière faire valser délicatement les grains de sel du visible pour composer des visions. Ces visions demeurent au cœur même de leur impermanence.
Comment accepter de parler de ce qui, faisant image ne fait pas nécessairement parole, de ce qui veut donner sa place au silence du monde, des choses et des corps ?
Anaïs Boudot offre toujours sous des formes nouvelles des poèmes photographiques inactuels. On peut s’étonner de l’art, on devrait s’étonner davantage de l’art qui naît de ces rencontres les paupières fermées du procédé photographique ancien et de l’angle nouveau sur le medium et ses sujets naturels ou chimériques – mélanges fluides de l’intemporel et de l’éphémère qui se lisent tout doucement. Aimables (littéralement, digne d’être aimés) paradoxes. Après les stéréoscopies réinventées, Anaïs Boudot réinvente ici le photogramme – objets décalqués directement sur la matière photosensible.
Ce geste pourrait être commenté. L’aspect autrefois expérimental, abstrait, rupture avec la représentation et une certaine conception de la photographie est ici présent avec un décalage merveilleux. Peut-être parce qu’il n’est plus possible au spectateur contemporain de voir ces photogrammes comme une technique à part, mais seulement une technique parmi d’autres, alors il faut prendre le parti de rêver le passé, d’oublier et de réinventer le photogramme, ses images et lui offrir des univers, c’est ce qu’a fait Anaïs Boudot.
L’image nous fait signe d’abord par le craquèlement, la fissure qui la marque, qui la signe, qui nous fait signe comme un éclair, tantôt noir, tantôt blanc, déchirant le ciel de la représentation. Ici la fêlure ne semble pas un signe annonciateur de rupture, mais apparaît plutôt comme une faille qui nous permet d’atteindre comme à l’image même.
Un calme onirique, intime, une mélancolie empreinte de légèreté absorbe ces fêlures, les comprend dans l’image, sans qu’elles se manifestent comme violence.
La fêlure éclot ici sous toutes ses formes, et sous beaucoup de ses possibles. Des plus Familières, comme celle de la pliure de la photo-souvenir, du souvenir dont même Les replis sont chéris, jusqu’aux plus poétiques où les lignes, imparfaites, tracent par-dessus l’image un ciel d’éclairs, des fissures dans la glace de l’image, une faille dimensionnelle où peuvent affleurer des fantômes, ou simplement un miroir brisé que nous tend l’artiste.
Une image fissurée comme la surface d’une glace invisible, que seules les micro fêlures rendent visible, comme si l’image se trouvait à quelques mètres plus profonds que la glace fendillée, d’où son aspect tantôt net, pris dans la glace, et tantôt imprécise, flottant dans une eau presque congelée où la vie ralentit jusqu’à osciller entre la vie et la mort. Dans cette merveilleuse profondeur d’eau glacée, liquide qui maintient dans un état transitoire, les images apparaissent et leur statut sera dès lors comme suspendu.
Merveilleux monde d’images à investir, à imaginer, merveilleux silence des images que nous offre Anaïs Boudot. Ce silence surprenant des images c’est aussi la vie du rêve en noir et blanc où se confond la vie aveugle du végétal, les formes belles et Incompréhensibles – corps, plantes, paysages abstraits – où le visible et l’invisible se parlent.
Anaïs Boudot n’en est pas à ses débuts et approfondit ici un travail où se joint la matérialité (presque la sensualité) de l’image – ici la déchirure et le procédé du photogramme qui marque la trace du spectre de l’artiste sur l’oeuvre – et la constante d’un sentiment d’absence, de travail du négatif où l’imaginaire s’approfondit. Et ces deux pôles opposés arrivent ici à être intimement liés, par la fêlure même. Elle ne brise pas, ne menace pas, elle s’intègre, son effet de distanciation vise au contraire à en approfondir l’étrangeté et l’introduire dans son monde.”

Dates

9 Mars 2024 10 h 30 min - 2 Juin 2024 18 h 30 min(GMT+00:00)

Lieu

La Cour

23 rue Boucicaut 61130 Bellême

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