Pour sa deuxième carte blanche, notre invitée de la semaine, la scénographe et commissaire d’exposition indépendante, Anne Eléonore Gagnon partage avec nous la série Nos paysages intérieurs réalisée par Valentine Zeler et publiée dans l’ouvrage « Le bal des rejetons, un voyage photographique en France » paru aux Editions de Juillet, réunissant un collectif éphémère de photographes qui n’ont pu bénéficier de la grande commande publique : Radioscopie de la France – regards sur un pays traversé par la crise sanitaire.
Mon métier n’existerait pas sans la création photographique, et donc sans ses auteurs.
Cela implique qu’il est fait de rencontres, de recherches, de découvertes, … Il est mû par la curiosité en permanence renouvelée de ce que les photographes font de ce medium, de leurs manières de se l’approprier, de construire un propos. Cette carte blanche éditoriale est pour moi l’occasion de partager l’un de ces repérages.
J’ai découvert la série Nos paysages intérieurs de Valentine Zeler dans l’ouvrage « Le bal des rejetons, un voyage photographique en France » paru aux Editions de Juillet.
La cohérence de son positionnement et de ses partis-pris plastiques a capté mon attention.
Il y a eu l’impact formel de ses images. Puis a émergé ce qui se joue dans la non-immédiateté de leur perception. Pour moi, Valentine Zeler a su donner ici une autre matérialité aux conséquences des dérèglements climatiques, en les imbriquant dans le champ de l’intime.
L’ensemble de la série est à découvrir ici : Nos paysages intérieurs — Valentine Zeler
« Je suis partie dans les Vosges en janvier pour rencontrer des personnes aux profils variés sur la thématique qui est au coeur de mes questionnements et tourments actuels : les effets du dérèglement climatique. Qu’ils soient apiculteur, gestionnaire d’un camping, spécialiste de la prairie, photographe, savonnière, herboriste, ou autre, chacun m’a raconté, à son échelle, l’évolution de son paysage en lien avec cette question. Les tirages ont volontairement été brûlés pour représenter les premiers feux de forêts que les Vosges ont connus, en 2022.
Ce projet m’a permis de poser des mots sur des émotions bloquées en moi depuis quelques temps et, grâce à un petit journal de bord qui faisait partie intégrante du projet, de m’en libérer petit à petit. Des fragments sonores d’entretiens viennent compléter ce travail et donner une autre dimension au réel.
Lors de mon déplacement, j’ai par ailleurs collecté des éléments naturels où sont inscrits des messages, des morceaux de phrases entendus ici et là. Présentés lors d’expositions, ces feuilles, écorces ou cailloux ont chacun leur fragilité. On les abîme si on les touche pour voir ce qui y est inscrit, au risque de les rendre illisibles, ce qui invite à bien réfléchir avant de le faire. Ce projet documentaire a pour objectif de faire prendre conscience aux gens du tournant où nous nous trouvons. Je suis convaincue que les artistes ont leur rôle à jouer dans la prise de conscience du dérèglement climatique et que leur travail peut se lier à celui des scientifiques, non plus pour alerter, mais aujourd’hui, pour changer notre rapport au monde et imaginer celui de demain !
J’espère que ce travail vous permettra d’aller à la rencontre de vos paysages intérieurs.
Projet réalisé grâce à la bourse du Nouvel Observatoire Photographique du Grand-Est et dans l’énergie porteuse du Bal Des Rejetons. »
A LIRE
Le Bal des Rejetons, une autre radioscopie de la France