L'InterviewPhoto

Véronique Souben, Frac Normandie Rouen : la photographie à l’épreuve de l’abstraction, une exposition, 3 lieux

Temps de lecture estimé : 7mins

C’est une première en France et elle rassemble trois institutions majeures, le Frac Normandie Rouen, Micro Onde-Centre d’art de l’Onde et le Centre Photographique d’Ile de France (CPIF) autour de l’abstraction et de son influence sur l’évolution du statut de l’image contemporaine. Véronique Souben qui dirige le Frac nous dévoile les contours de cet ambitieux programme qui même s’il a du être décalé, bénéfice de prêts importants en France et l’international. Elle revient également sur cette période de crise, son impact sur la programmation du Frac et son rôle en tant que présidente de l’association RN 13 bis qui fédère 23 structures du territoire et a pu lancer un plan d’urgence d’aide aux artistes avec la Région normandie.

Véronique Souben © Laurent Ducros

Comment cette exposition autour de la photographie et l’abstraction entre-t-elle en résonance avec le fil rouge du festival Normandie Impressionniste, et en quoi est-elle totalement inédite en France ?

Malgré la grande exposition il y a un an à la Tate Modern qui portait d’un point de vue plus historique, ce sujet n’avait pas été traité encore en France. Nous en sommes à un stade encore expérimental sur ce sujet dû à un manque de connaissance, alors que beaucoup d’artistes, photographes ou non, pratiquent des approches photographiques abstraites avec une recrudescence très importante du fait du passage de l’argentique au digital qui a été une révolution. Cette étape a eu des conséquences décisives dans notre relation à l’image et à l’œuvre d’art aujourd’hui. C’est un sujet passionnant à la fois très technique et pointu qui nous emmène vers des contrées scientifiques assez vertigineuses. La date de l’exposition a du être décalée car nous avions beaucoup de transports venant d’Allemagne et d’Angleterre et aucune visibilité sur la certitude d’avoir ces œuvres majeures pour ce projet sur la photographie abstraite très concentré sur les dernières créations, au tournant du XXème siècle.

Ce projet autour de l’abstraction photographique est construit à plusieurs, pourquoi ?

Je trouve que les collaborations sont toujours vivifiantes et cela permet de faire transiter les idées et les envies. Nous avons ainsi l’occasion de faire collaborer un Frac avec un centre photographique, le CPIF à Pontault-Combault et un centre d’art, Micro Onde à Vélizy avec Nathalie Giraudeau et Audrey Illouz avec qui je suis souvent en contact, Audrey Illouz faisant partie du comité technique d’achat du Frac. Ce sujet les intéressaient particulièrement aussi nous avons décidé d’un co-commissariat et nous nous sommes réparties les différents volets de ce projet très riche. Nous allons également proposer une publication commune bilingue aux éditions allemandes Hatje Cantz.

Comment sera organisé au Frac le parcours de visite ?

Au Frac nous aurons une approche très archéologique de la photographie et cette manière dont les artistes s’emparent de nouveau, entre les balbutiements de l’ère photographique et l’heure du tout numérique, non pas de façon nostalgique mais au contraire dans une approche très abstraite essentialiste, presque minimale. En contre point nous soulignerons l’émergence des nouvelles technologies notamment les techniques de l’impression et les nouveaux programmes algorithmiques qui vont permettre de redéfinir l’abstraction. La photographie abstraite allant alors verser dans l’abstraction pure, ce qui restait inconcevable pour certains.

Quels artistes emblématiques seront présentés ?

Nous allons avoir les grandes figures très représentatives de ce courant comme Thomas Ruff, Wolfgang Tillmans (qui sera présent au CPIF), Stan Douglas (sublimes color fields), Paul Graham, Wade Guyton, ou encore Barbara Karsten, Zoe Leonard ou Walead Beshty certains moins connus en France. A leur côté nous avions à cœur de proposer des artistes plus jeunes dont beaucoup de femmes photographes comme Aurélie Pétrel, Laure Tiberghien, Pauline Beaudemont ou Sarah Ritter.

Quel a été l’impact de la crise pour le Frac ?

Nous avons été comme tout le monde pris par surprise, un peu abasourdis par tout ce qui arrivait et avons dû suspendre l’exposition de Diogo Pimentão qui était en pleine montée en puissance. Un certain nombre de décisions se sont imposées assez rapidement comme d’annuler certains projets avec l’artiste. En même temps, pour être positifs, nous avons été rapidement à pied d’œuvre pour prendre le relais avec les réseaux sociaux et avec toute une approche dématérialisée grâce à l’association Platform qui a été très active et certains frac avec qui nous avons mis en place un système d’échanges d’idées et d’informations plus développé. L’ équipe pédagogique en lien avec l’équipe de la communication a profité aussi de ce temps pour passer en revue toutes les archives du Frac et mettre en place des dispositifs, notamment un système de newsletters autour des grandes monographies marquantes de ces dernières années. Nous avons ainsi pu faire le point sur ce que nous avions créé autour de ces expositions : publications et évènements. Ce travail a permis de redonner de la visibilité à ces projets.

Une solidarité a-t-elle émergé sur l’ensemble du territoire ?

Oui elle a été très forte ayant moi-même été sollicitée en tant que présidente de l’association RN13 bis art contemporain en Normandie qui coordonne le Schéma d’Orientation pour le Développement des Arts Visuels, Sodavi Normandie, ce qui a permis de faire remonter rapidement la situation critique des artistes. Nous avons été très mobilisés et avons organisé des échanges en visio-conférence pour mesurer l’impact du Covid sur la création, la manière dont on pouvait prendre le relais et faire remonter auprès de la région et des départements les enjeux d’un écosystème ultra fragile, les artistes n’ayant pas le statut d’intermittent du spectacle. Ne pas suspendre les règlements et continuer à payer les artistes même s’ils n’intervenaient pas, était l’une des priorités. La Région Normandie nous a de plus sollicité pour lancer un plan d’urgence assez ambitieux, sous la forme d’un appel à projet encore en cours, que nous allons porter et qui va permettre d’accorder des aides de recherche à une centaine d’artistes sur le territoire avec un jury très composite composé d’artistes et de représentants de divers structures. Cela va être un ambitieux chantier avec comme objectif de proposer une restitution pour lancer un plan de relance et un plan de filière, le tout supporté par la Région sur un budget que nous avons estimé à 220 000€. On espère que cela va encourager et aider à structurer la filière.

La vocation des musées et centres d’art va-t-elle selon vous, devoir évoluer suite aux bouleversements soulevés par cette crise ?

Il est certain en effet. Il y a eu un effet d’accélérateur notamment sur la nécessité de procéder de manière beaucoup plus dématérialisée et de savoir capitaliser sur tous ces projets et archives en ligne. Cela a souligné la nécessité d’une vie parallèle en dehors de l’institution, ce qui est également valable pour les galeries ou d’autres structures. Même si l’institution garde un aspect essentiel sur le territoire auprès des publics, nous devons garder à l’esprit les incertitudes qui pèsent pour accélérer ces mutations digitales dans une approche plus intelligente et analytique. Il y a encore plein de choses à développer pour rendre ces canaux plus accessibles. C’était même assez enthousiasmant de le constater pendant cette période et les Frac ont été très innovants dans ce sens.

Les artistes : Xavier Antin, Pierre-Olivier Arnaud, Mustapha Azeroual, Sylvia Ballhause, Uta Barth, Taysir Batniji, Lionel Bayol-Thémines, Pauline Beaudemont, Walead Beshty, Jean-Christophe Béchet, Juliana Borinski, Michel Campeau, Marieta Chirulescu, Stan Douglas, Jan Paul Evers, Ryan Gander, Paul Graham, Shannon Guerrico, Wade Guyton, Barbara Kasten, Zoe Leonard, Matan Mittwoch, Roman Moriceau, Hanako Murakami, Constance Nouvel, Eileen Quinlan, Sébastien Reuzé, Evariste Richer, Sebastian Riemer, Thomas Ruff, Bettina Samson, Adrian Sauer, Zin Taylor, Laure Tiberghien, James Welling, Hannah Whitaker…

INFORMATIONS PRATIQUES

dim27sep(sep 27)14 h 00 min2021jeu21jan(jan 21)18 h 30 minLa Photographie à l'épreuve de l'abstractionExposition CollectiveCPIF - Centre Photographique d'Ile-de-France, 107 Avenue de la République, 77340 Pontault-Combault

sam12sep(sep 12)14 h 00 mindim06déc(déc 6)18 h 00 minLa Photographie à l'épreuve de l'abstractionLa couleur au jour le jourFRAC Normandie Rouen, 3 Place des Martyrs de la Résistance 76300 Sotteville-lès-Rouen

sam19sep(sep 19)14 h 00 minsam21nov(nov 21)18 h 00 minLa Photographie à l'épreuve de l'abstractionMicro Onde, Centre d'art de l'Onde, 8 bis, avenue Louis-Breguet 78140 Vélizy-Villacoublay

A LIRE :
2020 : Interview Véronique Souben Frac Rouen, Miguel Magalhaes Fondation Gulbenkian Paris et Diogo Pimentão
Covid-19 et les artistes : Laure Tiberghien, artiste photographe
Rencontre avec Véronique Souben, directrice du Frac Normandie Rouen
Véronique Souben face au défi de la réactivation de l’Antique

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

You may also like

En voir plus dans L'Interview