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Partager Partager Temps de lecture estimé : 6minsPour sa troisième carte blanche, notre invitée de la semaine, la commissaire d’exposition indépendante, Béatrice Andrieux, souhaite attirer notre attention sur le travail de Nicolas Floc’h, en résonance avec la terrible publication du rapport du Giec sur réchauffement climatique. Particulièrement engagé sur ces questions écologiques, le photographe nous alerte à travers des installations monumentales. Depuis plus de 10 ans, il se concentre sur le milieu sous-marin avec la représentation des habitats – qui a donné lieu à plusieurs séries, comme La série « Bulles » visant à montrer les flux de carbone et l’acidification des océans entraînant des changements sur notre biodiversité… Après la publication du premier volet du sixième rapport d’évaluation du Giec publié en août dernier et du deuxième le 28 février, qui concluait sur un changement climatique plus rapide que prévu avec des impacts désastreux sur les populations et les espèces animales et végétales, je souhaitais revenir sur la manière dont les artistes s’emparent de ce sujet avec notamment le travail de Nicolas Floc’h. Très engagé sur la question du réchauffement climatique et de ses effets sur les écosystèmes sous-marins depuis de nombreuses années, Nicolas Floc’h nous alerte sur le monde du vivant avec des installations et des photographies monumentales. Son travail ambitieux sur les paysages des fonds marins révolutionne la pratique photographique habituel. Il m’a demandé d’écrire un texte pour le catalogue de la commande du CNAP Flux, une société en mouvement, réalisée en 2018, que je voulais partager car cela reste une question d’actualité. Nicolas Floc’h, Paysages productifs, Bulles, pH 5.5, – 3m, zone acide, Vulcano, Sicile, 2019, Tirage Carbone 79,5 x 110 cm Nicolas Floc’h, Paysages productifs, Bulles, pH 5.5, – 3m, zone acide, Vulcano, Sicile, 2019, Tirage Carbone 79,5 x 110 cm Nicolas Floc’h, Paysages productifs, Bulles, pH 7.8, -7m, zone acide, Vulcano, Sicile, 2019, Tirage Carbone 79,5 x 110 cm Depuis ses débuts, Nicolas Floc’h utilise le médium photographique dans ses projets plastiques axés sur le vivant, humain ou non humain, et les processus naturels. Ses dispositifs, photographies, films, sculptures ou encore performances questionnent une époque de transition où les flux et les métamorphoses tiennent une place centrale. Depuis 2010, il travaille sur le milieu sous-marin avec la représentation des habitats – qui a donné lieu aux séries « Structures productives » et « Paysages productifs »¹ et à la définition de la notion de paysage sous-marin. A l’instar de Walker Evans, pour sa dimension tragique, qui a photographié la Grande Dépression et ses conséquences sur la société américaine, Nicolas Floc’h établit une correspondance entre les paysages sous-marins et le changement climatique. Premier à réaliser ces grandes typologies à partir de l’exploration de façades maritimes, il opère le plus souvent en noir et blanc – faisant référence aux origines de la photographie et aux missions dédiées (Hayden et Wheeler aux Etats-Unis au XIXe siècle et DATAR en France dans les années 1980). Néanmoins il s’autorise la couleur comme pour les monochromes du projet « La couleur de l’eau »². Nicolas Floc’h, Paysages productifs, Bulles, pH 7.8, -8m, zone acide, Vulcano, Sicile, 2019, Tirage Carbone 79,5 x 110 cm Nicolas Floc’h, Paysages productifs, Bulles, pH 8.1, – 8m, zone non acide, Vulcano, Sicile, 2019, Tirage Carbone 79,5 x 110 cm Nicolas Floc’h, Paysages productifs, Bulles, pH 8.1, -7m, zone non acide, Vulcano, Sicile, 2019, Tirage Carbone 79,5 x 110 cm La série « Bulles »³ sur la représentation des flux de carbone vient enrichir ce corpus d’images. Il s’intéresse principalement ici à l’acidification des océans, qui entrainent des modifications notables de la biodiversité lisibles par les variations de la flore, symbolisée par des bulles remontant à la surface de l’eau. L’observation de la transformation de ces paysages invisibles le conduit à considérer la représentation de ce sujet absent dans l’histoire de la photographie. En effet, si l’iconographie sous-marine regorge d’images, le plus souvent en couleur, animée par la présence de plongeurs et de poissons, rares sont les artistes à avoir abordé la question du paysage sous-marin. L’approche esthétique et scientifique de Nicolas Floc’h nous révèle l’état du monde sous-marin, invisible pour le plus grand nombre. Par la prise de vue au grand angle avec des cadrages méticuleux, il réussit à donner une autre échelle aux masses d’eau, aux reliefs ou bien aux forêts d’algues. Avec « Bulles » en Sicile, Nicolas Floc’h inventorie les zones d’acidification, après avoir exploré le Parc National des Calanques, la Bretagne ou les côtes japonaises. Tout comme Bernd et Hilla Becher, il effectue un travail sur la mémoire d’un paysage – industriel pour les Becher- en train de disparaître, avec un protocole moins rigide considérant la dynamique du milieu. En documentant méthodiquement les flux et les espaces invisibles, déterminants pour la biodiversité – ces nouveaux paysages – il classifie et archive ses clichés par localisation géographique. Si le travail de Nicolas Floc’h intéresse la communauté scientifique et vient nourrir la recherche, son œuvre est avant tout un processus artistique global à la croisée de l’art contemporain et des pratiques photographiques. Nicolas Floc’h, Paysages productifs, Bulles, pH 8,1, -8m, zone non acide, Vulcano, Sicile, 2019, Tirage Carbone 79,5 x 110 cm Nicolas Floc’h, Paysages productifs, Bulles, pH 8,1, -4m, zone non acide, Vulcano, Sicile, 2019, Tirage Carbone 79,5 x 110 cm ¹« Structures productives » (2010) et « Paysages productifs » (2015), regroupent des projets sur les paysages et habitats sous-marins en tant qu’écosystèmes productifs. Indicateurs des grands enjeux de société, la couleur de l’océan et l’état des paysages permettent de visualiser l’acidification des océans, le cycle du carbone, la modification et l’habitabilité des milieux. ²« La couleur de l’eau », (2016), est une série d’images prisent dans les masses d’eau de différentes mers et océans depuis 2016 montrant leur couleur. Ce projet en cours, développé en lien avec les chercheurs de la station marine de Wimereux permet de caractériser les variations biologiques du milieu. ³ « Bulles » (2019) La série des 8 images de Vulcano de la commande montre l’évolution de la biodiversité à quelques centaines de mètres d’écart en fonction du milieu, acide et non acide. Le CO2 d’origine volcanique s’échappant du fond de la mer rend acide l’eau d’une baie permettant de visualiser ce phénomène global en cours autrement qu’en laboratoire. EN CE MOMENT : Frac Grand Large – Hauts-de-France503 Av. des Bancs de Flandres, 59140 Dunkerque sam02avr(avr 2)14 h 00 mindim04sep(sep 4)18 h 00 minLa couleur de l'eauNicolas Floc'hFrac Grand Large – Hauts-de-France, 503 Av. des Bancs de Flandres, 59140 Dunkerque Détail de l'événementLe Frac Grand Large présente la première exposition de Nicolas Floc’h consacrée à sa recherche La couleur de l’eau dont il a acquis en 2021 l’œuvre Paysages productifs, La couleur Détail de l'événement Le Frac Grand Large présente la première exposition de Nicolas Floc’h consacrée à sa recherche La couleur de l’eau dont il a acquis en 2021 l’œuvre Paysages productifs, La couleur de l’eau, colonnes d’eau, Baie de Somme – Manche, -1 à -30m. Photographe des paysages sous-marins, il essaie de « rendre visible l’invisible » — capturer la couleur de l’eau en Baie de Somme mais aussi dans les océans, les mers, le long des fleuves — et aider ainsi à étudier des écosystèmes menacés. « La dimension picturale immersive du milieu marin, son apparente abstraction, en fait un espace complexe d’exploration de la couleur, de la lumière et du vivant qui la compose »1. Photographe, sculpteur, mais aussi chercheur, enseignant et plongeur, Nicolas Floc’h s’intéresse aux rouages de notre économie productive et aux transformations sociales et environnementales qui en découlent. Par une pratique de l’art nourrie de recherche scientifique et de collaborations, il met à l’épreuve les formes canoniques du monochrome et du ready-made pour observer les angles morts de nos représentations. Le milieu sous-marin constitue pour lui un terrain privilégié d’exploration, de création mais aussi de médiation révélant l’impact du réchauffement climatique et de l’activité humaine sur les écosystèmes. L’artiste s’est d’abord intéressé aux modules d’architecture artificiels qui permettent de restaurer des biotopes dégradés ou d’optimiser des pêcheries sans les surexploiter. Entre 2010 et 2015, il a montré la bétonisation des fonds sous-marins à travers un travail photographique qui renouvelait le genre du paysage, et exposé des sculptures en modèle réduit de ces habitats, comme des « ruines inversées » appelant la colonisation de la faune et de la flore2. C’est à Wimereux, à partir de 2016, avec la rencontre d’Hubert Loisel de l’Université du Littoral Côte d’Opale (ULCO) et de Fabrice Lizon du Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences (LOG) – UMR 8187, qu’il développe une nouvelle recherche portant sur la couleur de l’eau, accompagné par artconnexion (Lille). Nicolas Floc’h avait déjà réalisé un « monochrome » photographique sous-marin en 2004 mais depuis 2016 il sillone les mers afin de prélever photographiquement des couleurs et dialogue avec les équipes scientifiques jusqu’a mettre au point un véritable protocole de prise de vue permettant de réaliser, à l’image d’un carottage dans un sol, des coupes dans les masses d’eau. En 2021, avec les équipes scientifiques de Wimereux, ils cartographient la mer entre la Baie de Somme et la mer du Nord. L’artiste plonge pour réaliser ses vues à différentes profondeurs tandis que Fabrice Lizon mesure le spectre de la lumière dans la colonne d’eau et Hubert Loisel analyse les relevés satellitaires. La turbidité, qui définit le caractère plus ou moins trouble de l’eau, déterminée par les éléments optiquement significatifs, modifie l’arrivée de lumière et influence les couleurs de la colonne d’eau. Pour l’artiste, « la turbidité serait au paysage sous-marin ce qu’est l’horizon au paysage terrestre, son point de fuite, vers le monochrome. » Nicolas Floc’h appréhende la masse d’eau comme un espace pictural, sensible et immersif, mais aussi en tant que fabuleux régulateur écologique, peuplé de phytoplancton qui participe aux échanges gazeux entre l’air et la mer. « La science permet d’affiner cette compréhension de la couleur qui n’est pas que picturale, formelle ou plastique. C’est une image visuellement abstraite mais fondamentalement concrète, une synthèse et, quelque part, une illustration f igurant de grands enjeux de notre société et l’histoire du vivant. » Les soixante relevés photographiques du littoral du Nord, présentés en grille, passent du brun au vert en adoptant des teintes ambrées, orangées, kaki, absinthe ou encore émeraude. Des variations étonnantes qui doivent beaucoup aux courants de l’estuaire, quand l’eau douce du fleuve devient saumâtre. Nous sommes loin des dégradés des bleus méditerranéens explorés dans une autre série accrochée en ligne. L’imaginaire commun des couleurs de l’eau s’enrichit ainsi des différents monochromes issus des mers, des fleuves et des océans du monde et qui dialoguent dans l’exposition. Un univers visuel étonnant et bigarré, dont l’artiste s’attache à saisir les nuances : des couleurs chaudes liées aux sédiments, matières organiques et inorganiques dissoutes, matières détritiques (résidus de matières), et des teintes allant du bleu au vert déterminées par la densité du phytoplancton. Le phytoplancton est constitué de l’ensemble des organismes unicellulaires présents dans les eaux de surface (bactéries photosynthétiques et microalgues). Leur sédimentation sur des millions d’années a contribué à la formation du pétrole mais aussi à celle des roches calcaires dont les célèbres pierres bleues du Hainaut. À partir des technologies de modélisation 3D, Nicolas Floc’h a fait réaliser dans cette pierre bleue des agrandissements de diatomées, permettant d’apprécier la variété de leurs formes. L’exposition au Frac Grand Large réunit ainsi, pour la première fois, différents aspects d’une recherche toujours en cours et qui relie la terre et la mer pour mieux traduire les flux invisibles qui nous traversent. L’exposition « La couleur de l’eau » est réalisée en collaboration avec artconnexion (Lille) qui accompagne Nicolas Floc’h dans ses productions avec les scientifiques de Wimereux depuis 2014 et avec le soutien de la galerie Florent Maubert (Paris). 1. Toutes les citations sont de Nicolas Floc’h. 2. Cette œuvre a été exposée au Frac Grand Large dans le cadre de l’exposition « UN AUTRE MONDE///DANS NOTRE MONDE » (cur. Jean-François Sanz, du 9 septembre 2020 au 14 mars 2021). DatesAvril 2 (Samedi) 1 h 00 min - Septembre 4 (Dimanche) 5 h 00 min(GMT-11:00) LieuFrac Grand Large – Hauts-de-France503 Av. des Bancs de Flandres, 59140 Dunkerque Get Directions CalendrierGoogleCal Marque-page1
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