Si Pierre Faure, né en 1972, a étudié les sciences économiques, la photographie devient pour lui un moyen d’expression essentiel, à la fin des années 2000. A partir de 2011, il travaille sur l’exclusion et la grande précarité. Il passe une année entière dans un bidonville Tzigane d’Île de France, puis deux ans dans des centres d’hébergement d’urgence. Depuis 2015, il documente la montée de la pauvreté en France, prenant le temps de parcourir le territoire en lien avec des associations caritatives pour rencontrer les populations oubliées de la « France périphérique » – c’est à dire vivant, ou plutôt survivant hors des grandes villes, dans des zones péri-urbaines et rurales.
« En France, la courbe de la pauvreté est en hausse depuis le milieu des années 2000, avec une accélération au moment de la crise financière de 2008, explique-t-il. Près de 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté dans notre pays en 2021. Dans la 2e nation agricole mondiale, des millions de personnes ont dû recourir à l’aide alimentaire, et cette situation s’est considérablement aggravée avec le COVID. Pour ma part, je pense que la pauvreté est la conséquence de choix politiques et économiques. Je ne suis ni militant, ni prosélyte : je cherche à faire un témoignage conséquent qui montre les conditions de vie d’une partie de nos concitoyens et l’absurdité d’un système qui les maintient dans la misère ».
Documenter l’exclusion
Pierre Faure a choisi la photographie pour sensibiliser le public. Il prend le temps d’entrer en contact avec le sujet, de lui présenter son projet, de gagner sa confiance. Ainsi, il consacre au moins un an à chaque région de France : il a travaillé dans le Calvados et en PACA en 2015, en Auvergne en 2016, dans l’Eure et la Seine-Maritime en 2017… Suivront également les Hauts-de-France, la Bretagne et le Grand-Est. Son ambition est de couvrir l’ensemble du territoire.
Son travail a déjà été récompensé à maintes reprises : Prix Camille Lepage 2017, Prix Albert Kahn 2018, Prix Fidal 2018, Prix du Double Dome 2018 et finaliste du Prix W. Eugene Smith 2019. Il a reçu également une bourse du Centre national des arts plastiques, ce qui lui permet poursuivre son projet.
« Je ne fais pas de reportage à proprement parler, mes photos ne relèvent pas de ‘l’actualité’. Je documente le quotidien des personnes rencontrées en me concentrant sur l’intimité. Je cherche à retransmettre les émotions et à traduire ce que ressentent ces personnes : abandon, solitude, fatigue du corps, addictions, etc. Bien sûr, en tant que photographe, la lumière et l’esthétique m’intéressent, comme le cadrage et l’intensité émotionnelle de chaque rencontre, affirme-t-il. Mais pour moi, l’essentiel est de témoigner de la montée de la précarité en France et des difficultés auxquelles sont confrontés ces laissés-pour-compte. L’objectif ultime de ce travail, composé aujourd’hui d’environ 4 000 images, est d’en faire un livre.
Un hommage sensible à ces vies aux apparences miséreuses, à travers des photographies remplies
de vie et de lumière. Une fresque humaniste rendant compte de cette époque de bascule où la vie moderne crée plus de souffrance que de bonheur, par le vide qu’elle génère.
INFORMATIONS PRATIQUES
Dans le cadre du Champ des Impossibles, Pierre Faure expose au Moulin Blanchard tous les week-ends de 14h à 18h30. A voir également à Perche-en-nocé : Moulin Blanchard : Catherine Poncin et Irène Jonas. Au Parc Naturel Régional du Perche : Guillaume Zuili (tous les jours) et Nicolas Krief à la Pocket galerie du vendredi au dimanche.
Infos : www.lechampdesimpossibles.com
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