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L’essentiel… Depuis plus d’un an, nous avons appris à prioriser nos besoins. Qui est essentiel, qui ne l’est pas. Le gouvernement est unanime, la culture n’est pas essentielle. C’est un coup en plein foie à chaque nouvelle annonce. Car ce sont des emplois, des structures entières qui sont aujourd’hui en danger dans l’indifférence générale. Pour cette troisième vague de crise sanitaire, les règles changent à nouveau, vous pouvez vous rendre dans les maisons de vente, mais pas en galerie ! Le comité professionnels des galeries d’art tire la sonnette d’alarme et saisie le conseil d’Etat en différé-liberté !

Jeudi 25 mars, le CGA – présidé par Marion Papillon, a déposé un recours en différé-liberté auprès du Conseil d’État en réaction aux dispositions du décret n°2021-296 du 19 mars 2021, afin que, d’une part les galeries d’art figurent parmi les établissements autorisés à accueillir du public – au même titre que les sociétés de ventes volontaires – et d’autre part, que leur activité relève de celles permettant l’accueil du public au même titre que les librairies et les disquaires.

Depuis le 28 novembre 2020, les galeries ont fait partie des très rares lieux à participer au maintien de la vie artistique et culturelle en France au service d’une plus grande accessibilité à la culture.
Le CPGA dénonce donc une interdiction générale et absolue visant les galeries d’art qui porte gravement atteinte à plusieurs libertés fondamentales : tant la liberté d’expression et la libre communication des idées, la liberté de création et de diffusion artistiques, et la liberté d’accès aux oeuvres culturelles et artistiques, que la liberté d’entreprendre et la liberté du commerce et de l’industrie ainsi que le droit au libre exercice d’une profession, le tout éclairé par le principe d’égalité.

Des espaces intrinsèquement adaptés aux mesures sanitaires – Pour les galeries d’art, autorisées jusqu’au 19 mars dernier à accueillir du public selon un protocole renforcé, l’impératif de sécurité sanitaire fut et demeure à ce jour encore une considération primordiale. Ces lieux, accessibles sans passage en billetterie, sont conçus pour favoriser la circulation du public, et les biens exposés et vendus n’impliquent pas de manipulation à la différence notable des librairies ou des disquaires.
L’activité des galeristes se prête également parfaitement à la prise de rendez-vous, moyen d’accueil habituel en dehors du contexte de crise sanitaire, qui permet de réduire d’autant le risque épidémique.

L’ouverture des salles de vente : une concurrence déloyale – Or, dans le secteur du marché de l’art, seules les salles de vente, principales concurrentes des galeries d’art, ont été autorisées à rester ouvertes et peuvent continuer à procéder à des expositions avant-ventes, en vertu du décret du 19 mars 2021.
De surcroît, depuis 2011 la loi autorise les commissaires-priseurs à avoir recours à la vente de gré à gré détachée de toute vente aux enchères publiques préalables.
Si la requête initiée par le Comité professionnel des galeries d’art n’a nullement vocation à priver les sociétés de ventes volontaires de la liberté d’exercer leurs activités, cette faculté accordée par le Premier Ministre aux salles des ventes doit également être étendue aux galeries d’art. Cette différence de traitement entraîne une intolérable distorsion de concurrence qui affecte directement les galeries d’art, sachant que 88% de celles représentées par le Comité professionnel des galeries d’art sont situées en Île-de-France.

Le “click and collect” inadapté aux galeries d’art – L’unicité de l’oeuvre d’art exige, de la part du professionnel qui la vend, de pouvoir la montrer à un potentiel client avant achat. Ainsi, contrairement à d’autres domaines, les seules solutions digitales et le “click and collect” ne sont pas adaptés à la vente en galeries d’art. La fermeture des espaces empêche de facto toutes potentielles ventes dont l’appréciation visuelle des oeuvres, en taille réelle, dépend. De plus, l’enjeu pour les galeristes, pendant cette période de crise sanitaire, réside à faire perdurer le lien qu’il a avec ses clients, et à toucher de nouveaux acheteurs.

Une différence de traitement aux graves conséquences économiques pour galeristes et artistes – Les ventes d’oeuvres d’art représentant la quasi-totalité du chiffre d’affaires d’une galerie, la fermeture au public emporte des conséquences économiques, reconnues considérables par les autorités publiques elles-mêmes puisque depuis le mois d’août 2020, les galeries d’art font partie de la “liste S1” des secteurs les plus fragilisés par la crise car directement dépendants du contexte économique mondial.

Une telle mesure susceptible de se prolonger plusieurs semaines durant intervient dans un contexte où l’annulation de la totalité des salons d’exposition a déjà empêché les galeristes, les artistes, les métiers , d’art d’entretenir la visibilité et les contacts indispensables à leur développement, ce qui a fortement affecté les activités culturelles et commerciales autours des oeuvres. L’impact peut également s’avérer fatal pour de nombreux artistes dont la vente d’oeuvres constitue la première source de revenus, loin devant les droits d’auteur ou les aides d’urgence.

A ce jour, les autorités compétentes étant restées sourdes à cet argumentaire fondé et rationnel exposé à de multiples reprises par le Comité professionnel des galeries d’art, celui-ci est contraint de saisir le Conseil d’État afin que les galeries d’art soient intégrées à la liste des établissements autorisés à accueillir du public au même titre que les sociétés de ventes volontaires ; ou, a minima, au vu de l’évolution de la pandémie, d’autoriser les galeries d’art à accueillir du public de façon individualisée et sur rendez-vous aux fins de permettre la présentation des oeuvres et leur commercialisation.

En effet, en reprenant et en adaptant le raisonnement forgé par le Conseil d’État dans son ordonnance du 13 novembre 2020 relatives aux libraires, il est incontestable que compte tenu notamment du rôle joué par les galeries d’art dans la communication des idées et des opinions et de l’importance de l’art et donc des oeuvres artistiques pour la population, ces biens, s’ils ne peuvent être regardés comme des biens de première nécessité au même titre que les produits alimentaires ou les produits indispensables au maintien de l’activité économique elle-même, présentent un caractère essentiel qu’il convient de prendre en considération de manière particulière dans le cadre des mesures de confinement et de déconfinement liées à la crise sanitaire.

http://www.comitedesgaleriesdart.com/

Photo de couverture : Charles Petit actuellement exposé à la Galerie Madé, membre du comité des Galeries d’art.

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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