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Carte blanche à Corinne Mercadier : Le Polaroid

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Pour sa première carte blanche, notre invitée de la semaine, la photographe française Corinne Mercadier, nous plonge dans l’univers de sa création artistique. Dans ce volet, elle nous parle du Polaroid, qui fut son outil principal presque trente ans durant, jusqu’à l’arrêt de la production du SX70…

C’est le Polaroid SX70 qui a fait entrer sérieusement la photographie dans ma vie. Elle est devenue mon activité principale et j’ai travaillé avec cet appareil des années 80 à 2008, date à laquelle la fabrication a cessé.
Dès le début dans les années 80 j’ai pris des chemins de traverse : je faisais des installations de cartes postales ou de reproductions d’oeuvres prises dans des livres, combinées avec des objets qui mêlaient leur ombre à l’image, et je les photographiais.
Puis dans les années 90 j’ai continué – au Polaroid toujours – à partir cette fois de tirages de mes propres photographies argentiques que je rephotographiais en atelier.
Ça allait durer longtemps parce que malgré la complication c’était exactement ce qu’il fallait que je fasse : cette double prise de vues me permettait de construire une vision qui intègre le monde et son interprétation en une seule image. Une image double aplatie comme une membrane entre intérieur et extérieur.
C’était donner une dimension tragique, regarder l’enregistrement du réel au filtre de l’imaginaire.
Sans double prise de vues, à cette époque-là je n’aurais pas été moi-même.

C’est dans les ciels surtout que se manifestaient les effets : les ciels des séries Paysages, Où commence le ciel ?, Une fois et pas plus, et Longue Distance.
Il règne sur ces Polaroids un assombrissement comme troué par un immense faisceau de lumière.

Un jour de 2000, en même temps que les lancers d’objets, des personnages sont arrivés.
C’était la famille et les amis qui jouaient, toujours partants, on était en pleine expérimentation et Philippe Guilhaume, mon mari, commença à tester les lancers, dont il est devenu expert. Ça doit être son côté marin qui lui donne le sens de la résistance à l’air.
J’ai commencé à fabriquer les objets volants, on a commencé à charger sérieusement la voiture pour partir en prises de vues.
Parfois une planche contact gardait trace d’une scène que je pourrais rephotographier plus tard, c’était l’effet d’un seul et unique déclenchement au Leica M6 avant la chute de l’objet au sol. La série s’est appelée « Une fois et pas plus ». J’ai emprunté ce titre à la Neuvième Élégie de Rilke, comme un hommage à « Ici et maintenant ».

Le Polaroid SX70, avec ses excentricités chromatiques, son grain merveilleux et son contraste fort était l’outil qui se rapprochait certainement le plus de mes dessins. Il avait aussi une grande part d’imprévisibilité avec laquelle jouer. Et le soleil donnait le meilleur de lui-même sur mes tirages posés au sol de l’atelier : la capacité de projeter des ombres.

Mais alors, puisque c’est terminé?
Eh bien j’ai trouvé dans le numérique un espace dans lequel la rêverie a sa place.

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