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La Foire Paris Photo participe t-elle à la mise en danger du marché de demain ?
Rencontre avec Jacques Damez, la Galerie Le Réverbère

Catherine Dérioz et Jacques Damez, 2016 © Bernard Plossu

Nous avons rencontré Jacques Damez et Catherine Dérioz sur leur stand de Paris Photo. 22 éditions et 22ème année de présence pour la Galerie Le Réverbère au sein de la foire qui est devenue l’une des plus importantes au monde. En plus de deux décennies, le prix du m2 a flambé et il devient de plus en plus difficile pour les exposants de rembourser ne serait-ce que le prix du stand. La seule option est donc de présenter des œuvres de plus en plus chères, mettant de côté le marché de la jeune photographie, qui sera pourtant le marché de demain. Certaines galeries augmentent même le prix des tirages de 30% lors de la foire… Alors Paris Photo met-elle en danger le marché de demain ?

« Les prix de participation à une foire sont devenus tellement élevés qu’il est difficile de garder l’envie d’être dans l’expérimentation. Cela contraint à rétrécir le champs d’investigation pour ouvrir celui des valeurs sûres, que ce soit en photographie contemporaine ou en photographie ancienne. Il est évident que lorsque l’on a des Weston à 280.000€, on prend moins de risque qu’avec de la jeune photographie à 800€ !« 

Retour sur la création de Paris Photo.

Comme nous l’explique Jacques Damez, il y a 22 ans, c’est Rik Gadella, créateur de Paris Photo, qui a demandé à la Galerie Le Réverbère de participer à la toute première édition, une volonté personnelle du fondateur puisque c’est à la galerie lyonnaise qu’il a découvert ses toutes premières expositions de photographie. Un challenge pour la galerie à l’époque car cette même année, elle devait représenter la photographie à la FIAC. Cependant le souhait de soutenir une manifestation spécialement et uniquement dédiée à la photographie a rapidement décidé Jacques Damez et Catherine Dérioz. Et c’est ainsi que la première édition de Paris Photo est née en 1996 avec l’énergie d’une petite vingtaine de galeries. Pour laisser place, plus de 20 ans plus tard, à une foire qui s’est multipliée par 10 !

« Il y a 22 ans, le marché stable c’était le 19ème siècle et les modernes, aujourd’hui c’est les années 70. Evidemment parce qu’il n’y a plus grand chose de cet ancien marché. On remonte le temps, mais à un moment, quand il n’y aura plus rien à vendre dans les années 70, 80… on vendra quoi ? On sera obligé de revenir à des artistes qui sont en train de produire, sauf qu’on ne leur a pas laissé la place aujourd’hui. On sera dans une pénurie. Les vintages de demain, sont les photographies d’aujourd’hui !« 

Paris Photo : Une évolution capitalistique

C’est un véritable débat qui s’ouvre à Paris Photo. Ces dernières années, le prix des stands a triplé. Il faut opérer une vraie réflexion commune à ce sujet : du côté des organisateurs de foires et du côté des galeries. Certaines pensent à arrêter de participer aux foires car l’idée de vendre des pièces maitresses juste pour rembourser leur stand représente un vrai gâchis. Et en même temps, pour les galeries de photographie, il est difficile de ne pas être présent dans une foire telle que Paris Photo.
Depuis une dizaine d’années, la Galerie Le Réverbère réussit à équilibrer ses budgets, malgré la hausse des prix des stands, grâce à  leur caution historique qui leur permet à la fois de proposer des valeurs sûres et de faire découvrir la jeune photographie !
Les foires sont actuellement en train de se rendre compte que les collectionneurs ont envie de découvertes, et qu’il ne faut pas se fermer à une tranche du marché (entre 600€ et 5000€) qui est relativement importante. La solution serait sans doute que les foires permettent à certaines galeries qui le souhaitent de faire de l’expérimentation et de l’investigation avec des tarifs beaucoup plus abordables, et de s’éloigner d’un tarif au m2.

« Nous faisons partie des gens qui ont constitué ce marché. Aujourd’hui, on est en train de se dire qu’on est en train de tuer la photographie par la manière dont le marché s’est organisé. La dérive s’est faite de manière fulgurante sur des territoires de la financiarisation qu’on n’avait pas imaginés, et qui sont aujourd’hui dominants. Il y a un grand nombre d’œuvres qui sont surcôtées, des prix de tirages excessifs qui ne veulent rien dire, hormis dans une logique spéculative ! « 

INFORMATIONS PRATIQUES
La Galerie Le Réverbère
Jacques Damez et Catherine Dérioz
Depuis 1981
38, rue Burdeau
69001 Lyon
http://www.galerielereverbere.com

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Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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