L'ActuPhoto

Woman Paper : une voix pour les femmes de l’art
Le Choix de Bettina Moriceau Maillard

Grève des femmes pour l'égalité des salaires, Belgique 1966 © Janine Niépce / Courtesy Galerie Polka / Roger-Viollet
Temps de lecture estimé : 4mins

Partenaire de cette nouvelle édition de Woman Paper, nous partagerons avec vous chaque jour de cette semaine de Paris Photo, le choix d’une femme du monde de l’art composé d’une photographie présentée lors de la foire accompagnée d’un texte féministe. Aujourd’hui, voici le choix de Bettina Moriceau Maillard, réalisatrice française.

Le Texte

d’Amandine Dhée, écrivaine et slameuse

Larousse l’affirme, mère et bébé sont en fusion. Après tout, c’est bien de son ventre qu’il vient,
non ? La mère est irremplaçable, et ça tombe bien, personne ne veut la remplacer. La société adule la femme- lézard, la hisse sur un piédestal pour mieux la faire taire.

La père, quant à lui, fera son apparition au moment de « la grande aventure sociale ».

Ça me terrifie, cette histoire. J’y vois un complot contre les femmes. Une façon de les coincer avec le meilleur prétexte au monde : l’épanouissement de l’enfant. Les femmes devraient toujours se méfier quand on leur accorde un monopole.

Je veille. Ou plus honnêtement, je surveille. À la naissance du premier enfant, il n’est plus question de postures ou de théories, il est question de faire. Je compte les heures et montre les dents au moindre soupçon d’inégalité dans la répartition des tâches.

Agressive, comme toutes les féministes.

J’ai vu tellement de femmes se faire avoir. Des couples soi-disant conscients, qui avaient réfléchi, qui avaient déconstruit. Peut-être cela se joue-t-il dans la torpeur des premières semaines ? Quand la femme joue à la maman, et l’homme au papa. Quand chacun trouve refuge dans les clichés auxquels il croyait avoir échappé. C’est lorsqu’on est fragile que la norme nous agrippe le mieux.

Une amie réalise soudain ce qu’il en coûtait à sa mère de les élever elle et ses frères, de les tenir propres et nourris, de préparer l’orangeade pour le retour de l’école. Comme lorsqu’on découvre que notre joli pull à été fabriqué par de jeunes chinoises dans un sous-sol glauque. L’ouvrier-maman trime pour construire un quotidien qui va de soi.

Le travail gratuit et invisible des femmes, cette merveilleuse manne. Un sujet ringard qui n’intéresse personne, ni les hommes, ni les quelques femmes au pouvoir qui se gardent bien d’aborder des questions aussi mesquines. Pire encore, un sujet qu’on croit réglé. La société nous piège tout le temps avec les combats qu’elle s’imagine avoir gagnés.

Le plus surprenant, c’est que les mères de famille ne descendent pas dans la rue pour dénoncer cette arnaque. La seule fois où je les ai vues manifester, c’était justement pour protéger la sacro-sainte famille, un père, une mère, des repères. Que veulent-elles préserver au juste ?

Le père est une mère très acceptable. Le lien qu’il tisse avec le bébé me cause une immense joie. Il paraît que les rôles non sexués, ça fout en l’air les fondements de notre société. Tant mieux, on en créera d’autres.

Finalement, c’est peut-être une chance de ne pas avoir eu d’orangeade.

La femme brouillon, Amandine Dhée, Editions la contre allée.

Biographie

Bettina Armandi-Maillard est une jeune réalisatrice qui vit et travaille à Paris.  Elle évolue depuis toujours dans un milieu de cinéma et d’art plastiques. Elle commence à travailler à son film 1,2,3 USA , tourné sous forme de trilogie américaine, en 2011, après un diplôme technique de cinéma et un mémoire sur la figure de l’artiste chez Hong Sang-Soo. Aujourd’hui elle réalise des clips et des entretiens filmés d’artistes autour du thème de l’amour (regroupés dans la série De L’amour). Elle écrit son premier long métrage en collaboration avec le romancier Damien Malige (Province Terminale, Le pouvoir absolu, édition l’Arpenteur).

Woman Paper ?

woman paper est une publication sous forme d’un journal grand format consacrée aux femmes du monde de l’art par elles mêmes; destiné aux initiés et pour initier le plus grand nombre. Festival, foire, biennale, elle est réalisée en partenariat avec la direction de l’évènement qu’elle couvre, gratuite, elle est offerte dans les espaces VIP puis à l’ensemble visiteurs. Chaque édition reprend les artistes issues de la programmation d’une part et des découvertes plus underground d’autre part. Le contenu est parfois l’objet de rencontres entre artistes ou de conversations devant un public invité.

https://annaalixkoffi.wordpress.com

Anna-Alix Koffi
Anna-Alix Koffi est directrice de création, dirige et publie des titres liés à l'art. Après la revue photographique OFF the wall ( 2013-2016 ), SOMETHING WE AFRICANS GOT (2017), revue d’art et de pensée dédiée à l’Afrique et au monde noir, et SWAG high profiles (2019) - sa version magazine dédiée aux personnalités - sont des références de créativité et de contenu de qualité. Ces titres rassemblent les artistes venus d’Afrique et de sa diaspora dans un perspective de dialogue permanent avec le reste du monde. Avec woman paper, journal en édition spéciale en collaboration avec foires et festivals internationaux, est une voix pour les femmes du monde de l’art. Dans toutes les publications : des images fortes, originales, et toujours très esthétiques accompagnées de textes de grande qualité ( auteurs, chercheurs, commissaires, artistes ... ) qu’ Anna-Alix met elle-même en forme dans une mise en page inconventionnelle pour des objets d’édition rares à collectionner. avril27.com

You may also like

En voir plus dans L'Actu