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Carte blanche à Didier Brousse : Souvenirs d’Arles
Duane Michals et La blancheur de la baleine

Temps de lecture estimé : 3mins

Pour mes 18 ans (et mon succès au bac tout de même…), mes parents m’avaient offert un stage aux Rencontres d’Arles. C’était en 1976. J’avais appris que mon photographe préféré, Ernst Haas, en donnerait un. À cette époque, il fallait soumettre une candidature (!) et envoyer un dossier pour être admis à suivre un stage. Le mien tenait dans une petite boîte plastique d’une quinzaine de diapositives. Réponse reçue : le stage de Hass est complet, mais vous pouvez suivre celui de « La photographie fantastique » pour lequel il reste des places. Avec quatre maîtres de stage : Duane Michals, Paul de Nooijer, Leslie Krims et Christian Vogt (un jour et demi avec chacun), les Rencontres étaient d’une générosité folle ! Un peu triste de ne pas pouvoir percer les secrets de la couleur avec Ernst Haas j’accepte tout de même la proposition. Pour un jeune amateur, jamais sorti de sa Lozère natale, c’était le Pérou !

Cette semaine à Arles fut décisive. Une initiation. Duane Michals : Ma grande rencontre. Autant la personne que le travail. Au delà de la simple réussite formelle de l’image, la poésie de ses textes, de ses séquences. Profondeur et simplicité. Une métaphysique affleure en douceur, sans prétention. Moi, à l’époque si timide, je m’étonne de ce souvenir : hors stage, je croise Michals dans une petite rue et je lui propose de prendre un café. J’avais été ébloui de découvrir son travail qu’il nous avait projeté en préliminaire à sa journée et demi. De notre conversation dans mon anglais si sommaire, je ne me souviens que de sa gentillesse et de ma difficulté à saisir le nom de « Caïmus », cet auteur français si important pour lui (Camus).

Retour cet été, une journée du mois d’août. Bien trop court pour tout voir, mais un grand coup de coeur pour Paul Graham mis en espace dans l’église des frères pêcheurs. « La blancheur de la baleine » : quel beau titre ! Et si évocateur, si juste dans sa fulgurante poétique pour exprimer ce que Paul Graham réussit à faire affleurer en photographiant apparemment la surface des choses. Sous cette surface, les profondeurs nous aspirent. Se penchant sur l’océan des apparences, on devine la blancheur de la baleine. Et on change d’espace, on entrevoit le « chatoiement de possibilités » (autre titre génial de Graham) qu’une juxtaposition d’images presque anodines fait fleurir à notre esprit. Il est rare qu’un artiste ouvre une voie et découvre une nouvelle dimension de son art tout en demeurant fidèle à ses fondamentaux, à sa grammaire de base. Il me semble que c’est le cas pour Paul Graham. L’étrange dynamique qu’il insuffle à ses images, par la juxtaposition, le décalage de temps, l’évanouissement dans la blancheur, etc…. est d’une grande et subtile efficacité, et transmet une émotion d’une nature peu commune en photographie. Graham a vraiment inventé quelque chose.

Plus de quarante ans séparent ces deux rencontres. Et je me rends compte combien les Rencontres d’Arles ont été décisives pour ma formation (Oserais-je dire ma vocation ?). Autrefois, elles étaient quasiment le seul lieu où l’on pouvait voir de la photographie (le seul en tout cas à ce niveau d’abondance et de richesse). Ce n’est plus le cas aujourd’hui et l’indigestion nous guette parfois. Lorsqu’elle font découvrir des artistes comme Michals et Graham, qui renouvellent notre façon de percevoir la photographie, elles ont droit à toute notre reconnaissance.

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