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Picasso, amour gloire et tragédie à la Tate Modern

Temps de lecture estimé : 4mins

Alors que le musée Picasso de Paris titrait : « Picasso 1932, année érotique », la Tate Modern de Londres partenaire de l’événement choisit un titre plus subtil aux accents shakespeariens pour résumer cette épiphanie créatrice et amoureuse (Picasso 1932-Love, Fame, Tragey,The Ey Exhibition).

En effet Marie-Thérèse Walter est la figure centrale de cette « année des merveilles » et l’on retrouve son profil et sa blondeur sur de nombreux portraits incarnant cette pulsion sexuelle qui habite et inspire le maître. Une passion tenue secrète depuis 5 ans qu’il conjugue avec la tendresse familiale d’Olga et de leur fils Paul dans sa propriété normande de Boisgeloup.

Plus d’une centaine d’œuvres réunies par la Tate autour du chef d’œuvre des collections « Femme nue dans un fauteuil rouge » apportent une nouvelle version de ce journal intime, tandis que Picasso prépare sa première exposition personnelle à la galerie Georges Petit à Paris. Alors que l’élégant hôtel Salé avoir choisi le style d’un éphéméride les vastes surfaces du white cube londonien offrent de nouvelles perspectives de lecture et de liens. Comme le déclare Nancy Ireson, directrice du département art international art et co-commissaire : « Nous sommes enthousiastes de pouvoir réunir pour la première fois en 86 ans certaines de plus grandes œuvres de Picasso, dont beaucoup rarement montrées en public. »

Après le rêve surréaliste de décembre 1931 lié à la vision de Charlotte Corday poignardant Marat dans sa baignoire, le mois de janvier coïncide avec une fièvre compulsive comme en ces 3 jours (du 22 au 24) où il signe le « Sommeil », » Repos » et le « Rêve » tout ce qui a de plus explicite (de nouveau affiche de l’exposition) présentés ensemble, ce qui est un évènement. Laurence Madeline la passionnante et passionnée commissaire à Paris insistait sur le culot de Picasso à poser un phallus sur le visage de sa jeune maîtresse ! Une métaphore de plus pour souligner la plénitude qu’il ressent et les correspondances fructueuses entre sa vie privée et son art.
Après un interlude consacré à l’atelier de Boisgeloup, lieu décisif pour ses recherches sculpturales immortalisées par le photographe Brasaï, un refuge longtemps resté secret qui vient d’ouvrir ses portes aux visiteurs, selon la volonté de son petit fils, Bernard Ruiz-Picasso. Olga y résidera plus tard tandis que Marie-Thérèse y fait quelques brèves incursions.
Le mois de mars est particulièrement fécond avec une éblouissante série de nus, dont le « Miroir » (prêt exceptionnel du MoMA) et deux natures mortes, réalisés en 12 jours seulement. Des formes lascives et alanguies pour célébrer le corps de Marie Thérèse.
Alors qu’il est au fait de sa renommée il refuse la proposition du MoMA de New York et la Biennale de Venise pour se concentrer sur Paris et la galerie Petit.
Avec 223 tableaux dont plusieurs pour l’occasion Picasso entend rivaliser avec Matisse et surprendre le visiteur dans un accrochage extrêmement dense et iconoclaste.Il n’est pas là le soir du vernissage où 2000 visiteurs se pressent et la critique ne lui est pas favorable. La présence de sa maîtresse est révélée au grand jour. La rétrospective aura un second volet à Zurich, l’occasion d’un petit voyage en famille.
Le thème de la baigneuse est repris avec les nus allongés de l’été inspirés de Marie Thérèse en maillot de bain jouant sur la place ou nageant.
Au retour de Zurich il se sent inspiré par le Retable de Mathias Grunewald et se lance dans une série de dessins autour du thème de la crucifixion, exceptionnellement réunis.
La palette peu à peu s’assombrit alors que Marie-Thérèse contracte une maladie suite à une baignade dans la Marne dont elle perdra beaucoup de son éclat. Le sauvetage et le viol peuplent dorénavant ses toiles comme un cauchemar d’enfance qui le hante suite à la diphtérie fatale de sa soeur. Une angoisse sur fond d’un climat politique menaçant en Europe avec la montée d’Hitler et de Mussolini et la guerre civile de son pays.
Une page se tourne sur cette fin dramatique qui annonce Guernica 4 ans plus tard.

Cette année de tensions et de tourments où il est à l’acmé de son potentiel donne à voir l’amplitude et la richesse de son talent. Un complément indispensable donc pour le public français et une relecture fascinante pour les anglais.

Catalogue 272 pages, 40 £ avec d’importantes contributions.

INFOS PRATIQUES :
Picasso 1932- amour gloire, tragédie
The Ey exhibition
Jusqu’au 9 septembre 2018
Tate Modern
Bankside, London SE1 9TG
Royaume-Uni
Dans le cadre de l’opération 2 FOR 1 lancée par Eurostar ce sont « 2 entrées pour le prix d’une » sur présentation de votre billet !
« must see musées » : Tate Britain, V&A, National Portrait Gallery, Royal Academy of Arts…
Tarifs : Adulte £22 / Gratuit pour les moins de 12 ans
Réserver en cliquant ici.
http://www.tate.org.uk

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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