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Résidence 1+2 : Entretien avec Philippe Guionie

Temps de lecture estimé : 8mins

Historien de formation, Philippe Guionie est photographe documentaire à l’agence Myop. On le retrouve au cœur du projet Résidence 1+2, à mi-chemin entre résidence de territoires et masterclass, cet événement a pour ambition de valoriser l’ensemble du patrimoine de Toulouse et de sa région. Cette première édition invite trois femmes photographes à porter leur regard sur trois villes (Toulouse, Barcelone et Bruxelles) : Diana Lui, Alice Levêque et Léa Patrix.
Décryptage du projet avec Philippe Guionie.

9 lives : A la tête de la création de Résidence 1+2, pouvez-vous nous présenter le projet. Comment en êtes-vous venu à créer cette nouvelle aventure artistique ?

Philippe Guionie : Depuis plusieurs années, tout en poursuivant mes activités de photographe à l’agence Myop et à la galerie Polka, je multiplie les expériences liées à la photographie en variant la nature de mes interventions : enseignant à l’ETPA à Toulouse depuis 2008, maître de stage aux Rencontres d’Arles depuis 2012, commissaire d’exposition (exposition Koudjina à l’Institut français du Mali dans le cadre de la biennale de Bamako 2015) ou porteurs de projet en France et à l’étranger. Cela faisait longtemps que je souhaitais m’impliquer dans la ville où je vis depuis 26 ans : Toulouse.

La Résidence 1+2 est née d’un constat simple – Toulouse existe peu ou prou dans le regard des photographes auteurs de renom, français ou étrangers – et d’une envie : susciter les conditions favorables pour une production « made in Toulouse » mais ouverte sur le monde, associant création artistique et partage des savoirs. La Résidence 1+2 est un programme photographique ancré à Toulouse et à vocation européenne durant lequel trois photographes confrontent leurs regards d’auteur. Elle associe chaque année trois photographes (un photographe de renom et deux jeunes photographes), trois villes (Toulouse, Barcelone, Bruxelles), trois supports (exposition, ouvrages, film).

Pour cette première édition, nous avons choisi Diana Lui, Alice Lévêque et Lea Patrix. Issus de générations et d’horizons différents (Malaisie, Toulouse, Belgique), leurs expressions photographiques interrogent les notions de territoires, le patrimoine, l’astronomie, l’identité, le corps, … dans une vision d’auteur subjective et assumée. Le titre de la Résidence1+2, # 2016 est : le goût des étoiles. Ces trois regards, associés pour la première fois, sont entrés en résonance pendant deux mois, suscitant des productions protéiformes et transversales.

Je souhaite montrer toute la richesse et la diversité de ces patrimoines revisités, présents à Toulouse et en Occitanie. Je revendique le caractère transversal de la Résidence 1+2 avec des passerelles assumées vers le design, le cinéma d’auteur, la recherche scientifique, les musiques actuelles, …. autant de disciplines présentes dans une programmation protéiforme au musée d’art moderne et contemporain Les Abattoirs (04-27 novembre) et au Quai des Savoirs (26 et 27 novembre).

M : Pouvez-vous nous présenter les 3 photographes de cette saison ? La marraine est Inna Modja : une saison donc résolument féminine : Un choix ou un hasard ?

P. G. : La Résidence 1+2, édition 2016, ce sont trois photographes, mais aussi une vidéaste, un illustrateur, une styliste, un musicien … tout un groupe constitué qui vit et crée ensemble pendant presque une année.
En ce sens, la Résidence 1+2 est autant une aventure humaine qu’artistique.
Chaque année, je choisis les photographes lauréats de la Résidence 1+2 ainsi que celles et ceux qui sont invité(es) à poser une regard corollaire sur la résidence, son quotidien, ses actions, son développement.
Les trois photographes de la Résidence 1+2 vivent et créent ensemble  en janvier et février de chaque année.
Quand ils arrivent à Toulouse, ils ne se connaissent pas entre eux. J’ai choisi Diana Lui, Alice Levêque et Lea Patrix car j’étais persuadé à la fois de la qualité de leurs personnalités respectives
et de la complémentarité de leurs regards photographiques avec des centres d’intérêts communs tels que l’identité féminine, le corps, le mouvement.

Avec la Résidence 1+2, Diana Lui réalise sa première résidence photographique en France. Maître de stage aux Rencontres d’Arles depuis 2012, j’y ai rencontré Diana Lui il y a quelques années et j’ai été sensible à sa générosité dans le partage des savoirs. Lea Patrix, jeune photographe belge âgée de 16 ans a été à la fois l’une des stagiaires de Diana et de moi-même lors de récents workshops arlésiens ce qui a crée un lien indéfectible entre nous. Quant à Alice Lévêque, elle a été l’une de mes étudiantes à l’ETPA à Toulouse. La Résidence 1+2 repose donc sur une savante alchimie humaine dont je suis un peu le chef d’orchestre.

Le choix d’Inna Modja en tant que marraine a été pour moi une évidence.
Artiste malienne, elle est l’une des nouvelles voix du continent africain. Réalisé dans les studios mythiques du photographe Malick Sidibé, son dernier clip «Tombouctou» témoigne de son engagement sur la condition des femmes dans le monde. En ce sens là, elle partage de nombreux centres d’intérêts avec les femmes photographes de la Résidence 1+2. Inna a été séduite par la production de Diana, Alice et Lea. Transversale dans ses modes d’expressions, Inna aime aussi la photographie. Elle ne s’est jamais produite en concert à Toulouse comme Diana Lui n’y avait jamais photographié ou exposé.

M : Résidence 1+2, c’est une résidence, mais c’est aussi la publication de 2 ouvrages, un film et une exposition. Sans oublier tout un programme associé. Comment situez-vous ce nouvel événement parmi l’actualité photographique en France ?

P. G. : La Résidence 1+2 propose trois supports différents comme autant de narrations différentes et complémentaires : une exposition (extraits choisis), une double collection d’ouvrages, un film. En tant que directeur artistique, mon ambition est de mettre en résonance chaque année ces trois médiums afin de raconter trois histoires différentes de résidence à partir du même corpus visuel.

• Une exposition
Autour de quatre espaces distincts, l’exposition au Musée d’art moderne et contemporain Les Abattoirs à Toulouse présente, du 04 au 27 novembre, des extraits choisis issus de la production photographique des trois photographes lauréats de l’édition 2016. Un colloque national, une série de rencontres ainsi qu’un cycle de médiation sont mis en place avec de jeunes médiateurs formés par La Résidence 1+2.

• Un film
Ce film documentaire de 26 minutes, intitulé « Diana, Alice, Lea », réalisé par Marjorie Calle, est l’histoire de trois femmes photographes en immersion dans une même ville : Toulouse. À l’invitation de La Résidence 1+2, Augustin Charnet, pianiste et chanteur du groupe toulousain Kid Wise, l’un des petits prodiges de la pop française, a composé une création musicale originale.

Une double collection d’ouvrages aux éditions Filigranes

– Une collection « colloque national »
Chaque ouvrage présente les conversations des acteurs de la résidence photographique en France et en Europe réunis lors du colloque annuel de La Résidence 1+2 à Toulouse. Directeurs artistiques, éditeurs, photographes… témoignent et croisent leurs expériences respectives de la résidence en tant que processus créatif sur les territoires. Un premier ouvrage intitulé « La résidence photographique en France » a été présenté le 7 juillet 2016 aux Rencontres d’Arles.
– Une collection « Toulouse »
Sur le principe de la collection, trois ouvrages distincts réunis dans une boîte (format identique chaque année) présentent la production de chaque résident, la diversité des formats respectant ainsi la pluralité des écritures photographiques.

En créant ce nouveau programme de résidence photographique en France, je souhaitais innover autant sur le fond que sur la forme. Sur la forme, la Résidence 1+2 associe trois photographes (un photographe de renom et deux jeunes photographes émergents) qui vivent et créent ensemble pendant deux mois en janvier et février de chaque année à Toulouse. Sur le fond, je revendique le caractère transversal de la Résidence 1+2 avec des passerelles assumées dès cette première année vers le design, le cinéma d’auteur, la recherche scientifique, les musiques actuelles,…. autant de disciplines présentes dans une programmation protéiforme au musée d’art moderne et contemporain Les Abattoirs (04-27 novembre) et au Quai des Savoirs (26 et 27 novembre). Je souhaite créer les conditions pour que la Photographie puisse se donner à voir autrement, qu’elle puisse interagir avec d’autres médiums, d’autres acteurs de la société et rencontrer ainsi d’autres publics. En ce sens, je suis ravi de la dynamique mis en place sur le territoire dès cette première édition. Nous allons poursuivre cette aventure humaine et photographique avec les trois nouveaux photographes choisis pour l’édition 2017 de la Résidence 1+2 qui aura lieu du 03 janvier au 28 février : Israel Arino (Espagne), Leslie Moquin (France), Christian Sanna (Italie/Madagascar).

EXPOSITION
Résidence 2+1
Toulouse Edition 2016
Diana Lui, Alice Levêque et Léa Patrix
Du 4 au 27 novembre 2016
Les Abattoirs FRAC Midi-Pyrénées
76 allées Charles de Fitte
31000 Toulouse
http://www.1plus2.fr
contact@1plus2.fr

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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