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« Learning from Athens » une 14ème Documenta tourmentée et puissante

Loin des sirènes du marché la Documenta est ce grand rendez-vous qui tout les 5 ans prend le pouls du monde et de l’art et le moins que l’on puisse dire est que cette 14ème édition fait l’effet d’un uppercut dans le paysage habituellement formaté de l’art contemporain.

Selon la volonté de son jeune directeur artistique Adam Szymczyk l’historique manifestation germanique se déplace également en Grèce, à Athènes en écho aux évolutions tragiques de ces 5 dernières années et cette crise migratoire et identitaire majeure que nous connaissons. Une annonce courageuse qui a pris une tournure polémique, la plupart des habitants ne connaissant pas la manifestation et redoutant une lecture extérieure péjorative de leur propre histoire récente. Mais en choisissant comme logo la chouette, emblème d’Athènes qui se tord le coup Adam Szymczyk ose un pari risqué en déplaçant points de vue et perspectives. L’apprentissage par les autres est son lietmotiv.

« Le Parthénon des livres »,

L’installation monumentale,de l’artiste argentine Marta Minujin, s’ érige en manifeste contre la censure. L’originalité de l’œuvre et ce qui en fera à coup sur un emblème de cette 14ème Documenta est sa reproduction exacte des dimensions du Parthénon « 70 mètres de long sur 31 mètres de large, et 10 mètres de hauteur », selon les précisions du commissaire de l’exposition, le français Pierre Bal-Blanc, (ex directeur du centre d’art de Brétigny, installé a Athènes) mais transposé sur la Friedrichsplatz de Cassel, à l’endroit même où en 1933 furent brûlés les livres d’auteurs jugés dissidents par les autorités nazies. Plus qu’un symbole donc et l’œuvre la plus politique de l’artiste de 74 ans comme elle le déclare. Un travail titanesque (70 000 œuvres identifiées pour 170 sélectionnées au final) pour un recensement pas toujours simple selon les pays et contextes.
A Athènes Marta Minujin s’est payée de luxe de régler la dette grecque en olives à Angela Merkel le temps d’une performance mémorable. Mais il ne fait pas se fier à ce clin d’œil humoristique.
Ne travaillant qu’avec des institutions publiques, la part belle est offerte au fameux musée d’art contemporain EMST dans l’ex brasserie Fix, nomade jusqu’alors mais ayant constitué une collection visible au musée Fridericianum de Kassel, dont le fronton est affublé du statement de l’artiste turc Banu Cennetoğlu « Beign safe is scary ».

Le Parlement des corps

Ce programme conçu par le curateur et activiste Paul B. Preciado invite à un espace de pensée critique animé par des artistes mais aussi des citoyens ou des migrants qui transitent et occupent les lieux temporairement. La rue étant devenue le lieu de revendication du politique depuis le non au référendum grec depuis 2015. Cette nouvelle forme d’exposition invite à repenser les codes habituels de monstration de l’art et clivages identitaires, à travers « 34 exercices » de la liberté ou une coalition anti-raciste ou trans-féministe, comme en écho à la montée des contre-pouvoirs.

Artistes anti-system (à Athènes)

Les artistes choisis par Pierre Bal-Blanc sont résolument inconnus et loin des circuits habituels, « low profile », exposés dans des lieux inabituels comme le Conservatoire de musique ou tout simplement la colline Filopappou, réceptacle d’une tente de marbre pour migrants où 120 couverts sont servis chaque jour gratuitement sur l’initiative de l’artiste pakistanaise Rasheed Araeen. Performance, danse comme au musée archéologique du Pirée, musique l’idée est de susciter du lien et de l’émotion entre les gens. L’apprentissage et l’expérimentation sont favorisés.
Reste à savoir si les antagonismes historiques entre les 2 peuples seront dépassés et si l’effet Documenta ouvrira de réelles perspectives à plus long terme.

Echos d’un monde en déshérence

Revenons à Kassel, tout y passe : scandales et financiarisation de la société, ultra libéralisme (A War machine de Sergio Zavallos ne fait pas dans la dentelle), les génocides, le colonialisme, le passif nazi (série de photos de Piotr Uklanski, les « Real nazis ») jusqu’à la Syrie (le savon d’Alep de Otobong Nkanga) et la tragédie migratoire (coques des bateaux échoués des réfugiés de Guillermo Galindo).
Après cela rien de mieux que d’aller prendre un bol d’air dans les jardins du Palais Bellevue devant la vision tendrement poétique de Giuseppe Penone.

Il est évident que les vrais aficionados se précipiteront ensuite à Art Basel mais pour des raisons plus glamour ou pragmatiques !

INFOS PRATIQUES :
Documenta 14
> Du 8 avril au 16 juillet 2017 à Athènes (Grèce)
• Carte à télécharger avec les 47 lieux d’Athènes : téléchargez en cliquant ici
> Du 10 juin au 17 septembre 2017 à Cassel (Allemagne)
• Carte à télécharger avec les 35 lieux de Cassel : téléchargez en cliquant ici
http://www.documenta14.de/en/

Venir à Cassel :
Les aéroports les plus proches sont ceux de Cassel (Kassel Airport), Francfort-sur-le-Main (Frankfurt Airport). Depuis l’aéroport de Cassel, prendre un taxi ou un bus (ligne 100) pour arriver au centre-ville. Plus d’infos à votre arrivée :
https://www.documenta.de/fr/visit#52_directions

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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