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Eric Laurrent : PHOTO-ROMAN à la Havas Gallery

Temps de lecture estimé : 5mins

Thierry Grouleaud et Séverine Morel, respectivement manager et curatrice de la Havas Gallery accueillent l’exposition PHOTO-ROMAN, présentée jusqu’à fin mai, dans le cadre du Mois de la Photo du Grand Paris.
Chaque semaine, nous vous dévoilerons un module vidéo mêlant photographies et voix. Aujourd’hui focus sur le texte « Un beau début » d’Eric Laurrent.

« La Havas Gallery a pour vocation de valoriser les auteurs et leur richesse créative autour de l’image, de mélanger les genres, de créer une rencontre au-delà des clivages et de l’académisme, de proposer de nouveaux media d’exhibition artistique, d’inspirer et d’éveiller nos clients, de rapprocher les marques des auteurs… Elle suit la révolution esthétique en cours, l’évolution de la place de l’image dans notre société, l’évolution des moyens de création et des moyens d’exposition. » – Séverine Morel

De nombreux auteurs de romans se sont livrés à des descriptions de photos dont on peut penser qu’elles n’ont existé que dans leur imagination. Sur cette idée, la galerie a sélectionné 42 textes littéraires décrivant des photographies et proposé à des photographes une carte blanche pour leur donner vie.
150 photographes d’horizons divers -reportage, publicité, street photography, mode, nature morte…- ont ainsi répondu à notre appel à participation à PHOTO-ROMAN en réalisant la ou les photographie(s) sur le texte de leur choix.

Eric Laurrent, Un beau début
Les Editions de Minuit, Paris, 2016

« « La jeune femme se tient de face, dans une posture déhanchée, la jambe gauche passée par-dessus la droite. Ses bras levés, puis pliés de manière à se joindre derrière le crâne, forment un triangle renversé, qu’occupent presque en totalité sa tête et la masse de sa chevelure ; milongue, celle-ci est partagée par une raie latérale, dont le tracé se perd dans un enchevêtrement de mèches ondoyantes et soyeuses, d’une blondeur changeante, nuancée par endroits de reflets platinés et dorés – posé là par le faisceau tombant de quelque lampe ou projecteur, un cercle lumineux en éclaire le sommet. Son visage, dont un menton pointu, légèrement proéminent, effile l’extrémité de l’ovale, est incliné vers la droite : la peau en est lisse, d’une carnation brune, rehaussée de rose sur les joues ; le nez présente une longue et large arête, un peu cambrée, flanquée d’ailes charnues d’où partent deux sillons obliques, à peine marqués, lesquels viennent mourir à la commissure d’épaisses lèvres, dont la profonde cannelure du philtrum étire l’arc de Cupidon. Des yeux vert d’eau émane une expression vaguement provocante, qu’intensifie le mouvement du sourcil droit, relevé en accent circonflexe, comme pour aguicher le spectateur. Ne la revêtent qu’un boléro cuisse-de-nymphe, sans fermeture, incrusté de motifs floraux en strass, à revers et larges manchettes de soie, et une guêpière homochrome, dont le bord supérieur est orné d’une rose de satin et d’un volant froncé, et le bord inférieur, d’une frise de dentelle blanche, que prolongent deux jarretelles dont les pinces retiennent une paire de bas, couleur chair, agrémentés d’une large bande grise, brodée de grosses fleurs. Ses seins sont nus ; amples et lourds, d’une rotondité parfaite, ils tranchent par leur blancheur sur le teint uniment hâlé du corps ; deux larges aréoles rose-brun, dénuées de pigments, s’en détachent, au centre desquelles les mamelons dessinent une lunule plus foncée. Son mont de Vénus est épilé presque entièrement : de la toison ne demeure plus qu’une petite touffe de poils clairsemée en sa région inférieure, dont la pubescence châtaine se fond dans l’ombre marquant la jonction des plis de l’aine. Une coiffeuse en acajou flammé est placée derrière elle, dont on ne distingue qu’une partie des tiroirs marquetés et une brève portion du cadre de son miroir pivotant ; sur sa tablette de marbre blanc se dresse un petit vase de cristal au long col contenant une rose rouge au bouton encore clos, au pied duquel une autre repose, aux pétales flétris quant à elle ; à leurs côtés sont également visibles un flacon de parfum ambré, prolongé d’une poire en passementerie vieil or, un tube de crème métallique, bossué de petits alvéoles et débouché, un gobelet d’argent où se déploient en éventail plusieurs pinceaux à maquillage, ainsi qu’une pomme rouge orangé, striée et tavelée de jaune, dans la chair luisante de laquelle s’observent les lobes réguliers d’une morsure.
Parmi les milliers de lits au-dessus desquels s’afficha cette photographie reproduite en quadrichromie sur trois feuillets détachables dans la livraison datée du mois d’octobre 1982 de la revue de charme Dreamgirls était celui de Robert Malbosse. Pas un seul instant, cet homme de trente-six ans, qui achevait de purger dans la maison d’arrêt des Baumettes, à Marseille, une peine de réclusion pour trafic de stupéfiants, ne soupçonnerait que la jeune femme dont les généreux appas égayaient les murs décrépis de sa cellule pût être sa propre fille. Il ignorerait même jusqu’à la fin de sa vie qu’il en avait une. »
Avec une photographie de Bruno Juminer.

EXPOSITION
PHOTO-ROMAN
Exposition collective : 42 écrivains, 150 photographes et 54 vidéos
Dans le cadre du Mois de la Photo du Grand Paris
Du 28 mars au 31 mai 2017
• Week-end Intense Diagonale le 29 et 30 avril 2017 
Havas Gallery
29/30 Quai Dion Bouton
92800 Puteaux

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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