Temps de lecture estimé : 7mins

Deux expositions à l’initiative de la Fondation groupe EDF, d’une part « Âmes Vertes, quand l’art affronte l’anthropocène » à la Friche La Belle de Mai à Marseille avec Fræme et d’autre part « Ce que l’horizon promet », exposition présentée dans son espace d’exposition situé dans le très élégant 7ème arrondissement de Paris : des environnements différents pour traduire des préoccupations similaires autour de questionnements écologiques et prospectifs.

« Âmes Vertes, quand l’art affronte l’anthropocène »

« Ne plus rêver des mondes imaginaires mais montrer les possibles » tel est le mot d’ordre d’Ames vertes sous le commissariat de Paul Ardenne à Marseille qui investit les 1 400 m² de la Friche la Belle de Mai, présentant des installations monumentales, des photographies, des oeuvres textiles, des sculptures et des maquettes architecturales qui offrent un regard sensible et engagé sur la crise écologique. À travers les œuvres de 22 artistes et 5 architectes, l’exposition répond aux préoccupations éco-anxieuses par des propositions optimistes et résilientes, incitant à interroger nos comportements et à éveiller notre conscience écologique.

Sans parcours imposé, les visiteurs découvrent les approches variées des artistes et architectes. Certains, comme Édith Roux, donnent corps à des alternatives concrètes, comme l’écocommunauté de Twin Oaks en Virginie, tandis qu’Ali Kazma documente le projet du Global Seed Vault de Svalbard, un projet de stockage des graines destiné à protéger la biodiversité menacée.

Vue de l’exposition « Âmes Vertes, quand l’art affronte l’anthropocène », Fiche La Belle de Mai photo Jean-Christophe Lett

Parmi les œuvres, on retrouve également des créations pratiques, au service de la cause écologique. Ainsi, Jérémy Gobé, en collaboration avec des scientifiques, développe une résille pour protéger les coraux menacés par le réchauffement climatique. Thierry Boutonnier, artiste arboriculteur, initie un projet d’agroforesterie axé sur la culture de la cerise tout en valorisant les pratiques agricoles vertes.

Corail Artefact Solutions. Jérémy Gobe. Vue de l’exposition « Âmes Vertes, quand l’art affronte l’anthropocène », Friche La Belle de Mai, photo Jean-Christophe Lett

D’autres artistes, tels que Luce Moreau, s’inspirent de la nature dans son état brut, collaborant même avec les abeilles pour leurs sculptures. Côme Di Meglio et Tiphaine Calmettes, quant à eux, privilégient des matériaux souvent négligés, comme la terre crue, en contraste avec le marbre traditionnellement utilisé en sculpture.

Enfin certains artistes dans une approche similaire au recyclage, exploitent les déchets que nous générons : les œuvres d’Elvia Teotski ou celles du collectif Polymer (avec des créations de Charlotte Gautier Van Tour, Jordan Joévin et James Shaw) font notamment appel à la poussière ou aux déchets plastiques récupérés en mer Méditerranée. D’autres, comme Christiane Geoffroy, Lucy + Jorge Orta ou Alexa Brunet, proposent des œuvres plus percutantes, visant à sensibiliser aux dangers et aux pratiques incompatibles avec un développement respectueux de l’écosystème.

Faire fleurir le salon Tiphaine Calmettes. Vue de l’exposition « Âmes Vertes, quand l’art affronte l’anthropocène », Friche La Belle de Mai, photo Jean-Christophe Lett

L’exposition Ames vertes inclut également des architectes dont les réalisations montrent que cette discipline, bien qu’ancrée dans la science, est également nourrie par l’imagination, au service d’un mieux-vivre écologique. Parmi eux, on peut citer AAVP Architecture, Ferrier Marchetti Studio, Manuelle Gautrand, Christian Hauvette ou Viguier.

« Ce que l’horizon promet »

L’exposition « Ce que l’horizon promet », qui ouvre ses portes et sera accessible jusqu’au 28 septembre, invite à une réflexion sur notre relation à l’avenir, oscillant entre croyance et rationalité, incertitude et maîtrise. Dans un monde en constante évolution, elle interroge notre manière de percevoir l’avenir et notre aptitude à l’anticiper. Comment nous projetons-nous dans un futur intrinsèquement incertain ? Quels outils, quelles croyances et quelles disciplines mobilisons-nous pour exercer un possible discernement ?

Vue de l’exposition « Ce que l’horizon promet », Fondation groupe EDF, photo Aurélien Mole

Ce projet, fruit d’un commissariat collectif, allie rigueur scientifique et vision artistique. Gérald Bronner, sociologue et expert des croyances, Erell Guegan, doctorante en sociologie, ainsi que les commissaires artistiques Nathalie Bazoche et Samantha Barroero ont choisi des œuvres – dessins, peintures, sculptures, photographies, vidéos et installations – réalisées par 27 artistes français et internationaux.

L’exposition se structure en plusieurs chapitres, dont le premier, « Certitude et incertitude », aborde la question de l’incertitude, que l’on pourrait percevoir comme une faiblesse, mais qui se révèle ici comme une source de force et de créativité. À travers les œuvres sélectionnées, le visiteur est invité à embrasser l’indétermination, à repenser ses propres certitudes et à accepter que l’incertitude peut ouvrir des perspectives nouvelles.

Le deuxième chapitre, « Magie et science », explore les tensions entre ces deux approches. Dans un monde en perpétuelle mutation, alors que des technologies avancées, telles que l’intelligence artificielle, nous promettent des prédictions toujours plus fiables, leur abstraction et leur complexité peuvent générer un sentiment de vide émotionnel. C’est alors que réapparaît la pensée magique, intuitive et symbolique, qui nous offre un réconfort face à l’incertitude, mais parfois au prix de simplifications hasardeuses. Ce chapitre interroge la manière dont la science et la magie peuvent se croiser et donner naissance à des récits hybrides, où la méthodologie rigoureuse et l’intuition poétique se complètent et se répondent.

Vue de l’exposition « Ce que l’horizon promet », Fondation groupe EDF, photo Aurélien Mole

Le troisième chapitre, « Le libre arbitre », s’intéresse à la question de l’autonomie à l’ère des algorithmes prédictifs, de l’intelligence artificielle et des Big Data. Ces technologies, capables de prédire nos comportements et d’influencer nos choix, suscitent des préoccupations sur la perte de liberté individuelle. Cependant, lorsqu’elles sont intégrées dans un cadre collectif éclairé, elles peuvent offrir des perspectives nouvelles pour enrichir nos décisions et imaginer des avenirs alternatifs.

Avec Cyclone, Évariste Richer confronte dès le début du parcours la précision de la prévision météorologique à l’imprévisibilité des phénomènes climatiques. Composée de 69 750 dés disposés de manière méticuleuse, cette œuvre représente une image satellite d’un cyclone. Par cette démarche, l’artiste nous invite à réfléchir sur notre propre condition, marquée par l’incertitude et le hasard, où chaque instant peut être porteur de bouleversements imprévus.

Vue de l’exposition « Ce que l’horizon promet », Fondation groupe EDF, photo Aurélien Mole

Autre œuvre marquante, Skins Poems de Morgane Tschiember se distingue. Pour créer cette œuvre spécialement conçue pour l’exposition, l’artiste utilise des plaques de mousse polyéther recouvertes de cire, qu’elle fait ensuite craqueler en y apposant différentes parties de son corps. Des phrases inscrites au fer chaud viennent ajouter une dimension de révélation ou de mantra. L’artiste cherche à concevoir une matière vivante et sensuelle, évitant le froid d’une toile ou la rigidité d’un bloc de marbre. Son travail est hybride, refusant de se limiter à un support unique.

Enfin l’œuvre L’épaisseur de l’ombre d’Alice Gauthier cristallise l’ensemble de démarche de façon très poétique. Créée in situ, cette pièce se compose de pigments naturels en poudre, non fixés, déposés directement dans un caisson de bois peint. Volatiles et éphémères, ces pigments suggèrent une présence intangible, comparable à une ombre. À travers cette œuvre, des paysages et des corps, qu’ils soient humains ou mythologiques, apparaissent comme des figures mystérieuses, semblables à une prophétie que l’on déchiffre dans du marc de café. Selon la perspective, une silhouette féminine semble tantôt nous indiquer l’horizon, tantôt nous tendre la main.

INFOS PRATIQUES :

« Ce que l’horizon promet »
Du 12 mars au 28 septembre 2025
Fondation Groupe EDF
6 rue Juliette Récamier
75007 Paris
Entrée gratuite sur réservation
https://fondation.edf.com/nos-expositions

« Âmes Vertes, quand l’art affronte l’anthropocène »
Friche La Belle de Mai
Jusqu’au 1er juin 2025
ouvert du mercredi au vendredi de 14h à 19h et les samedis et dimanches de 13h à 19h
https://www.lafriche.org/evenements/ames-vertes

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

You may also like

En voir plus dans Actu Art Contemporain