
© Michel Vanden Eeckhoudt – Belgique, 2011. Tirage argentique réalisé par l’artiste.54 x 37 cm. Courtesy Galerie Camera Obscura
Le 28 mars 2015, il y a tout juste 10 ans, le photographe belge, Michel Vanden Eeckhoudt, meurt à Bruxelles à l’âge de 67 ans. Co-fondateur de l’agence VU’, Michel Vanden Eeckhoudt était un passionné d’animaux et son travail est connu pour ses clichés en noir et blanc. La galerie Camera Obscura vient d’exposer une sélection de ses tirages à l’occasion de l’exposition collective « Animalia ».
INFORMATIONS PRATIQUES
Détail de l'événement
Photo : Népal 1994 © Pentti Sammallahti Avec les photographies de Michael Ackerman Michel Vanden Eeckhoudt Sarah Moon Bernard Plossu Paolo Roversi Pentti Sammallahti Yamamoto Masao Avoir aperçu une bête sauvage –
Détail de l'événement
Photo : Népal 1994 © Pentti Sammallahti
Avec les photographies de
Michael Ackerman
Michel Vanden Eeckhoudt
Sarah Moon
Bernard Plossu
Paolo Roversi
Pentti Sammallahti
Yamamoto Masao
Avoir aperçu une bête sauvage – dauphin, loutre, héron, renard, vipère – me fait ma journée.
Quand je rencontre un nouveau visage, je n’ai pas de repos que je ne lui aie trouvé son animal, son homologue en physionomie dans les univers immenses de Cuvier, de Fabre ou de Linné. Ces apparentements, je ne sais pourquoi, me rassurent.
Cette parenté avec le monde animal que je ressens profondément remonte aux jours lointains de cette Arche où nous vivions plutôt serrés mais tous ensemble et où, pendant mille interminables journées de pluie, de solides connivences se sont établies.
Après que Noé eut échoué sa coque sur les flancs du Mont Ararat, cette grande ménagerie s’est vidée; chacun est retourné à ses affaires, de son côté, les uns vers Nachitchevan, les autres vers Maku, comme si cette cohabitation n’avait été qu’un songe. Ce jour-là, beaucoup de promesses ont été oubliées et l’humanité a perdu en partie de sa substance.
(Nicolas Bouvier, Le Hibou et la Baleine , éditions ZOE, 1993)
Nicolas Bouvier, à sa façon poétique et souriante, dit si bien à quel point le monde animal nous est cher, à quel point il nous touche (voyez l’enthousiasme inné des enfants pour les bêtes !).
Il fait aussi le constat de la séparation, de la perte de l’ancienne proximité entre l’homme et les autres membres du règne animal.
Les photographes, comme les fabulistes, tentent parfois de renouer ces fils. Ils nous montrent que cette proximité n’a pas totalement disparue et que tout est affaire de regard et de sensibilité.
Les animaux sont omniprésents dans l’oeuvre de Michel Vanden Eeckhoudt et de Pentti Sammallahti et ils occupent une place importante chez Yamamoto Masao.
Ils apparaissent aussi chez Paolo Roversi, portraiturés à l’égal des humains et le monde de Sarah Moon est peuplé d’oiseaux, d’éléphants et de chiens.
Leur humanité blessée nous touche chez Michael Ackerman et Bernard Plossu saisit les rencontres qu’ils nous offrent, fugaces, légères, et pleines de vie.
Il nous fallait bien rassembler un jour cette ménagerie et voir quel dialogue pourraient avoir entre elles toutes ces bêtes.
C’est le projet de cette exposition, imaginée pour le plaisir.
Pentti Sammallahti a beaucoup photographié les chiens, intercesseurs familiers entre nous et le monde sauvage qu’ils ont à peine quitté. En Russie, des sardines sèchées dans les poches,
il savait les attirer pour en faire les acteurs de ses images.
Sous d’autres cieux, il a saisi un singe cavalier dont on pourrait se demander s’il ne fut pas aussi bâtisseur, rescapé d’un monde où les rôles s’inversent.
Le regard de Michel Vanden Eeckhoudt sur l’animal est plein d’empathie et de tendresse, mais il ne cache pas le versant dramatique de l’existence des bêtes, et son sourire tourne parfois au vinaigre quand il rencontre la détresse de l’animal enfermé. Cette photographie d’une extrême virtuosité est au service d’un regard humaniste qui, au travers de notre rapport à l’animal, parle évidemment de nous.
On a parfois comparé la photographie de Yamamoto Masao au Haïku, court poème qui retient l’essence d’un instant. C’est dans l’émerveillement qu’il saisit les oiseaux, les singes, les papillons et les chiens : une ménagerie légère dont les petits personnages semblent à mi-chemin du rêve et du souvenir d’enfance.
Dates
17 Janvier 2025 12 h 00 min - 8 Mars 2025 19 h 00 min(GMT-11:00)
EN CE MOMENT À LA GALERIE
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Denis Brihat nous a quittés le 3 décembre 2024. Avec lui, c’est un pan de l’histoire de la photographie française qui disparaît Brihat fut en effet un acteur majeur de cette
Détail de l'événement
Denis Brihat nous a quittés le 3 décembre 2024.
Avec lui, c’est un pan de l’histoire de la photographie française qui disparaît Brihat fut en effet un acteur majeur de cette histoire, par son oeuvre d’abord. Mais aussi par son engagement pour la reconnaissance de la photographie comme art, et enfin par l’enseignement qu’il a dispensé au cours des ans dans sa maison de Bonnieux, formant une génération de photographes.
Né à Paris en septembre 1928, il quitte la ville en 1952, désireux de se rapprocher de la nature.
Il s’installe d’abord à Biot, dans les Alpes Maritimes, avant de trouver son lieu idéal, son port d’attache, à Bonnieux, dans le Lubéron, où il construit une maison et son atelier, crée un jardin,
fonde une famille.
Tout son travail est axé vers la reconnaissance de la photographie comme l’un des beaux-arts : selon lui elle a toute sa place sur les murs des musées et des collectionneurs.
Cette façon de considérer la photographie est alors minoritaire en France : on est à l’âge d’or de la presse, du reportage.
Brihat, qui vient pourtant de recevoir le prix Niépce en 1956 pour un travail documentaire réalisé en Inde, abandonne ce champ de l’illustration pour se tourner avec conviction vers la
photographie pure, très impressionné par le travail d’Edward Weston et le mouvement de la Straight Photography aux Etats-Unis.
Installant son atelier dans des conditions spartiates sur le plateau de Bonnieux, il est un photographe plasticien avant l’heure, travaillant intensément à inventer une esthétique du tirage photographique. Il aime à partager ses recherches et ses convictions au travers d’expériences collectives et participe activement aux premières Rencontres d’Arles en 1970 avant de créer chez lui une véritable école de photographie. Il reçoit des étudiants sur une période de neuf mois dans sa maison de Bonnieux, pour une vie d’atelier et de partage, enseignant l’esthétique autant que la
technique, et notamment ses découvertes et expériences dans le domaine du tirage.
Je vis en Provence sur un plateau de garrigue très aéré.
Une «borie» de pierres sèches,
un laboratoire construit en dur, de mes mains;
un cerisier près du puits, autour, des chênes verts.
Par delà la combe, le Lubéron, comme une grosse baleine bleue.
Au nord, le Ventoux,
un grand Fuji Yama en cinémascope, l’hiver.
J’ai plus souvent la hache, la scie, la truelle à la main
que la caméra, est-ce un aspect de l’indépendance ?
Contre le trop plein de solitude, quelques amis dans le coin.
Surtout des paysans qui comprennent mon travail,
ils m’aident ou je les aide quand il le faut.
– Denis Brihat, 1965
Chez Brihat, qui considère la photographie comme un objet d’art, le tirage est une part déterminante de la création. Dans les années soixante, il tente l’aventure du tirage unique afin de se rapprocher de la peinture. Une interprétation, un format : c’est une limitation radicale de l’utilisation du négatif qui, par nature, permet la reproductibilité de l’oeuvre.
Mais cette conception, de l’unicité, dictée par des considérations militantes, ne correspond pas profondément aux convictions et à la pratique de tireur de Brihat et, à la fin des années soixante, il s’oriente vers un système qui perdurera jusqu’à la fin de son activité : a partir du négatif noir et blanc, il met au point pour chaque image un traitement à base de virages chimiques qui lui
permet de reconstituer une couleur proche de son sujet. Il décide alors d’une édition (entre 3 et 10 exemplaires numérotés plus une ou deux épreuves d’artiste) et d’un format.
Le tirage de cette édition est mis en oeuvre en une fois, dans la même journée, afin que toutes les épreuves bénéficient du même traitement et soient ainsi relativement homogènes.
Brihat raconte ce processus et la genèse d’une série :
En 1989, émerveillé par des kiwis, j’ai décidé de travailler le sujet. Durant trois jours, j’ai fait des prises de vue à l’atelier, pas loin d’une centaine de plan-films 10 x 12,5 cm. De ces cent vues, j’ai sélectionné une soixantaine de négatifs dont j’ai tiré des épreuves de lecture en 24 x 30 cm. A l’aide de ces épreuves, j’ai fait un ultime choix de quinze négatifs. J’ai ensuite consacré un trimestre entier à tirer en trois exemplaires chacune de ces photographies dont j’avais déterminé dès le début le traitement (virage au fer-vanadium) et le format final (40 x 50 cm ou 50 x 60 cm).
Les métamorphoses de l’argentique , éd. le Bec en l’air, 2018
Notre exposition rassemble une trentaine de tirages exceptionnels, pour beaucoup des épreuves d’artiste, dont quelques témoignages du travail des années soixante : tirages uniques et premières expérimentations des virages en 1968.
Il y a, dit-on, dans mes images, un petit côté japonais.
Une similitude de pensée et de goût, je crois,
détermine une identité de formes.
Je ne me sens à l’aise que dans la nature.
Je ne cherche pas mes sujets.
Je me promène dans la montagne et ils s’imposent à moi.
Dans l’instant, je ne sais ce qui me pousse à fixer telle chose,
Impérativement, sous tel angle.
Ensuite, épreuve en main, je comprends parfois.
La recherche de l’harmonie, de la beauté intrinsèque de la nature, de préférence dans ses manifestations modestes, à la portée d’un regard quotidien, et sa traduction dans une forme aussi parfaite que possible, voilà l’essentiel de la quête de Brihat, qui est aussi une célébration, une offrande visuelle * composée pour nous faire partager son émerveillement.
Dates
15 Mars 2025 12 h 00 min - 31 Mai 2025 19 h 00 min(GMT+00:00)