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Pour sa troisième carte blanche, notre invitée de la semaine, la journaliste et curatrice indépendante Anaïs Viand, apporte un focus particulier sur le travail de l’artiste Raphaëlle Peria. Mêlant archives personnelles et photographies, Raphaëlle Peria fusionne dessins, photographies et gravure à l’aide d’un procédé de grattage.  Son exposition « Dérives de nos rêves informulés » était visible jusqu’en janvier dernier à la Fondation Bullukian. Raphaëlle Peria a été nommée lauréate du prix BMW Art Makers en duo avec la commissaire d’exposition Fanny Robin.

© Vue de l’exposition Dérives de nos rêves informulés de Raphaëlle Peria à la Fondation Bullukian. Septembre 2024. Copyright Susie Waroude

À l’occasion d’une commande pour la Fondation Bullukian, j’ai eu le plaisir d’échanger longuement avec Raphaëlle Peria, lauréate du prix BMW Art Makers avec la curatrice Fanny Robin. Elle m’a rappelé qu’aucune pratique n’était fixée, et que rien n’est sacré. Elle sublime le monde en grattant la photographie, telle une tisseuse de l’hybride. Voici un extrait du texte, à retrouver dans le Semaine 48.24, publié à l’occasion de l’exposition Dérives de nos rêves informulés de Raphaëlle Peria à la Fondation Bullukian – sept 2024 – janv 2025, commissariat : Fanny Robin.

© Vue de l’exposition Dérives de nos rêves informulés de Raphaëlle Peria à la Fondation Bullukian. Septembre 2024. Copyright Susie Waroude

Visiter Dérives de nos rêves informulés relève de la pure expérience. Que l’on connaisse ou non l’œuvre de Raphaëlle Peria, on s’embarque pour un long voyage. La navigation n’est pas toujours tranquille, car son art est aussi complexe que subtil. C’est souvent près d’un étang, ou dans une barque que tout commence. L’artiste plasticienne se laisse flotter, et contemple une fleur, une feuille virevoltant au grès du vent, un arbre…

Ce sont eux les gardiens de mes secrets
Ils observent,
ils écoutent
Et se taisent à jamais.
Le silence enregistre.
Mouvements, changements.
Le silence garde en mémoire.

© Vue de l’exposition Dérives de nos rêves informulés de Raphaëlle Peria à la Fondation Bullukian. Septembre 2024. Copyright Susie Waroude

Sur un carnet, Raphaëlle Peria croque – de façon presque obsessionnelle – ce qui ne sera, bientôt, plus qu’un souvenir. Puis vient le temps de la fixation : à l’aide de son smartphone, elle photographie ce qui est déjà matérialisé. Qu’on ne s’y méprenne pas, elle ne se définit pas photographe, et n’aime pas ce que le médium produit : des paysages lisses. Alors, comme si le mouvement pouvait lui seul figer sa mémoire, elle s’applique méthodiquement à gratter le papier photosensible. Depuis que Raphaëlle Peria pratique cette technique de grattage (2013), il est question de disparitions et d’ambiguïtés. « Tout ce que j’efface, c’est ce que j’ai oublié », explique celle qui retravaille ses souvenirs pour ne pas les perdre. Ses coups de gouges nous emmènent vers un ailleurs où il est bon de zoomer. Gratter, c’est se confronter à l’oubli. Gratter, c’est suspendre le temps et, parfois, donner à voir l’invisible. Son intervention sur la matière est un prétexte pour mener l’enquête. Et nous voici désormais acteurs.

Car il y a, dans l’œuvre de Raphaëlle Peria, ce que l’on voit, ce que l’on ne voit pas, et ce que l’on ne verra jamais. Comme elle, on s’inspire des profondeurs, on se noie dans les reflets, et on joue avec la ligne d’horizon. Et, toujours, la contemplation l’emporte. C’est bien cela que l’on connaissait de son œuvre : un geste par retrait précis et parfait, une fascination pour l’eau et les plantes, et un retour au blanc du papier.

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La Rédaction
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