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Partager Partager Temps de lecture estimé : 12minsLa photographe Maud Bernos vient de lancer son podcast « Des Clics », l’occasion de découvrir chaque mois un entretien personnel et intime sur le processus de création de femmes photographes invitées. Si Maud a attendu cette fin d’année 2024 pour lancer le premier épisode, ce projet était présent depuis bien longtemps. Spontanée et instinctive, Maud nous explique dans cet entretien que ce projet était pour elle « une évidence ». Elle insiste sur le fait qu’elle n’est pas journaliste, mais en tant que photographe, elle connaît son sujet et elle a à cœur de donner la parole et plus de visibilité à l’œuvre mais aussi à l’artiste. Rencontre. Portrait de Maud Bernos © Catherine Foussat Ericka Weidmann : Maud, tu es photographe et tu viens de lancer un nouveau podcast consacré aux femmes photographes intitulé « Des Clics ». Comment et pourquoi as tu décidé de te lancer dans la production de ce nouveau contenu éditorial ? Maud Bernos : C’est un ensemble de raisons qui m’a menée à créer ce podcast dédié aux femmes photographes. La première, c’est que j’ai eu un petit garçon il y a presque huit ans, et depuis je suis dans une période où je n’arrive plus à créer. Je continue de travailler, j’ai une vie très remplie et je suis heureuse, mais pour ce qui est de mon travail personnel et créatif, je suis un peu au point mort. Et c’est étrange car ce n’est pas une question de manque de temps ou de moyens, c’est plutôt ce qu’on pourrait définir comme le syndrome de la page blanche. Je n’ai pas rien fait, mais disons que mes projets n’ont pas réussi à aboutir, sans que je saisisse réellement pourquoi. J’ai notamment un projet de livre qui est en stand-by, sur une série que j’ai faite avec mon fils pendant le confinement… Et cet état m’interroge, beaucoup même. J’ai réalisé un important travail, qui a rencontré beaucoup de succès, « Tous les marins ont les yeux bleus » est série qui a été exposée à Arles en 2014. Je suis tombée enceinte à ce moment-là et dès que j’ai accouché, tout s’est arrêté. C’est loin d’être toute l’explication de l’origine de ce podcast, mais c’est une réflexion que je mène et ça m’intéresse de me tourner vers les autres femmes photographes. Little Nils Sunshine © Maud Bernos Little Nils Sunshine © Maud Bernos Little Nils Sunshine © Maud Bernos La seconde raison, c’est que j’étais moi-même en manque d’écoute de podcasts sur les femmes photographes. Quand je fais de la retouche, j’écoute beaucoup de podcasts et j’ai toujours envie d’écouter des photographes, hommes ou femmes, mais il y en a très peu. Et donc c’est quelque chose qui me manquait à moi, personnellement. Alors, je me suis lancée. J’avais vraiment envie d’offrir des conversations plus personnelles et plus intimes, cela s’est imposé comme une évidence que ce soit avec des femmes. C’est peut-être quelque chose qui peut changer avec le temps, mais j’ai vraiment envie aujourd’hui de donner la parole aux femmes photographes. E. W. : Tu as inauguré le podcast avec Laura Stevens, et chaque mois tu partageras avec les auditeurs et auditrices ta rencontre avec une femme photographe. Ce mois de janvier on découvre Sara Imloul et en février, ce sera Anaïs Oudart. Que recherches-tu à travers ces conversations ? M. B. : Ce qui m’intéresse vraiment, c’est tout le parcours de création, de pouvoir parler de ce long processus qui nous amène à créer, à vouloir faire une série, à parler de tel ou tel sujet et comment on le fait, comment on s’implique et qu’est-ce qui résonne en nous, dans nos vies, pour qu’on tienne sur la distance. Parce que c’est rarement simple de créer. Ça peut être très simple, mais pour que ça aboutisse et pour qu’on puisse donner vie à un projet par une exposition ou une édition, c’est souvent un long parcours, il faut de la persévérance et être très motivé. Donc, c’est la résonance avec nous-mêmes, avec notre personnalité et notre intimité qu’il m’intéresse d’explorer dans ces podcasts. E. W. : J’imagine que ça aide d’être toi-même photographe ? M. B. : Oui, c’est très important pour moi, sinon je pense que j’aurais le « syndrome de l’imposteur ». Je ne suis pas journaliste – même si c’était un de mes premiers souhaits de carrière – ce n’est pas simple d’interviewer quelqu’un ! C’est un vrai métier. Mais je suis photographe, je sais de quoi je parle et j’avais vraiment envie de faire ce podcast, donc je me suis dit « Fais-le et puis tu t’en fous ! « . Je ressentais le besoin de le faire et pourquoi se taire si on peut parler ? E. W. : Connaissais-tu les premières photographes que tu as interrogées ? Elles se livrent beaucoup, notamment Sara qui s’est beaucoup confiée à ton micro. En écoutant les premiers épisodes on sent qu’il y a une proximité, on a le sentiment de participer à cette conversation en tant qu’auditeur·ice. M. B. : Je suis très contente que tu dises ça parce que c’est vraiment ce que je voulais réussir à traduire, que ce soit un échange réel et intime. De plus, je ne fais pas ce podcast uniquement pour les photographes, je veux qu’il parle à tout le monde ! Avec Laura Stevens, on se connaissait très peu. Il y a quelques années, on se croisait de temps en temps, on en était un peu au même niveau et on était sur la même longueur d’onde. Sarah Imloul, je l’ai rencontrée pour la première fois à Paris Photo il y a deux ans, je ne la connaissais pas du tout, on me l’a présentée, on a bu une bière ensemble, elle a parlé de son travail et j’ai tout de suite acheté son livre. Donc je ne peux pas dire que je les connaissais très bien, mais j’apprécie leur travail et c’est pour cela que j’ai eu envie de les accueillir dans ce podcast. E. W. : Comment choisis-tu les photographes invitées ? M. B. : J’aimerais te dire que j’ai un plan bien précis, mais j’agis plutôt à l’instinct. C’était pour moi une évidence de commencer par Laura. J’ai beaucoup d’amis qui travaillent dans l’audiovisuel et ils m’ont mis en garde de commencer ce podcast avec une photographe anglophone et timide. Je ne pouvais pas me mettre dans une situation plus compliquée. Mais j’ai écouté mes tripes, je devais le faire comme ça. Et pour Sarah, c’était aussi une évidence pour moi que ça serait la deuxième, je n’ai pas réfléchi. Toutes les deux ont des travaux très différents et c’est ça que je recherche, varier les plaisirs et les personnalités, parce que la personnalité aussi est très importante. Pour Anaïs Oudart, que je ne connaissais pas du tout, ce sont ses thématiques photographiques qui m’ont attirées, elle a un travail qui est très engagé. Le point de départ reste les travaux. Je pense que j’aurais du mal à inviter une photographe si ses sujets ne résonnaient absolument pas en moi. Mais je n’exclus pas de le faire plus tard… E. W. : Comment opères-tu ? Organises-tu as une phase préparatoire avec la photographe pour évoquer des sujets précis ou laisses-tu un libre échange lors de la conversation ? M. B. : Cela reste très spontané, mais je prépare beaucoup l’entretien en amont. Donc j’ai un fil conducteur, et c’est important que je connaisse bien le travail de la photographe que j’interroge, mais il faut laisser les choses venir de manière naturelle. Pour Sarah, je ne savais pas du tout qu’elle allait nous parler de ce qu’elle avait vécu pendant le confinement, pour le Bataclan… Sur ma question sur les influences féminines, j’ai adoré sa réponse et je rêve de voir le film dont elle parle. Et sa réponse n’était pas du tout attendue, car si elle avait toujours pensé à ses influences, elle n’avait pas pensé aux influences féminines, elle était un peu prise de court, donc c’était spontané et ça fonctionne très bien. Série en cours « Nils, et moi ». Travail réalisé à la chambre en noir et blanc. © Maud Bernos Série en cours « Nils, et moi ». Travail réalisé à la chambre en noir et blanc. © Maud Bernos Série en cours « Nils, et moi ». Travail réalisé à la chambre en noir et blanc. © Maud Bernos E. W. : Alors pourquoi le format du podcast précisément ? M. B. : Comme je te disais précédemment, plus jeune j’étais attirée par le journalisme, c’était une voie que j’avais envie d’exploiter dans ma vie. Et on m’a toujours dit que j’avais une voix de radio. Je pense qu’inconsciemment tout ça est resté dans un coin de ma tête et c’était une sorte d’évidence pour moi de faire ce podcast. E. W. : Comment fonctionnes-tu pour produire ce podcast ? M. B. : Je produis tout avec l’aide précieuse de la Cité audacieuse qui me fournit le studio d’enregistrement. C’est le même studio dans lequel est enregistré le podcast La Poudre de Lauren Bastide. Pour le reste, je me charge de tout. C’est beaucoup de temps et aussi d’argent, donc je travaille à côté pour pouvoir le financer. Cela me permet de faire un entretien par mois, c’est un peu frustrant, j’aurai aimé en faire plus mais c’est un bon rythme pour commencer. Peut-être que ça évoluera d’ici un an voire plus tôt… Pour le montage et le mixage, je me suis fait aider pour les premiers épisodes. Je ne pars pas non plus de rien, il y a quelques années, j’avais suivi une formation à l’école Louis Lumière sur l’enregistrement d’un documentaire radiophonique. Comme quoi, ça fait un moment que j’y pense… Et après avoir enregistré l’épisode de Laura, j’ai fait une courte formation spécifique sur les podcasts. Chaque épisode est sur un format de 30 minutes. Au départ, j’avais en tête de faire quelque chose d’un peu plus long, autour de 45 minutes. Mais j’ai eu beaucoup de retours sur ce format et cela m’a étonnée, il semblerait que la durée soit idéale pour les auditeurs et auditrices. Je vais donc essayer de m’y tenir pour garder une certaine régularité, mais il y aura sûrement des exceptions, je pense notamment faire des hors-séries. E. W. : Le fait de choisir de te consacrer aux femmes photographes pour ce podcast, est-ce une action féministe que tu assumes de manière engagée ? M. B. : J’assume totalement. Féministe, certainement même si c’est assez récent. J’ai radicalement changé à la naissance de mon fils. Aujourd’hui, je me sens féministe, ma vie et la société ont avancé en même temps. Je réagis beaucoup plus et de manière plus viscérale sur les questions féministes. Je crois que l’un de mes premiers déclics a été au moment où je voulais être représentée par une agence, je regardais les listes des photographes représentés et je me disais que les femmes étaient très peu nombreuses. Ca m’avait vraiment choquée à l’époque. Et il y a une chose qui m’a beaucoup fait réfléchir également, ce sont les retours que j’ai eu sur ma série « Tous les marins ont les yeux bleus », ce sont à 99% des portraits d’hommes car c’est un métier majoritairement masculin, mais j’ai quand même pu faire quelques portraits de femmes. Et pour ces seules femmes que j’ai photographiées, on m’a très souvent dit « autant les mecs sont beaux, mais alors les femmes, tu ne les as pas loupées« . Je ne m’attendais pas du tout à ça parce que j’ai photographié les femmes de la même manière que les hommes, sans les rajeunir, en montrant qui elles étaient. On ne se gênait pas pour me dire « je n’aimerais pas être une femme et être photographiée par toi !« . À cette époque je ne comprenais pas, j’avais du mal à réagir, je pense qu’aujourd’hui ce serait différent… E. W. : As-tu eu des retours regrettant que ce podcast soit exclusivement dédié aux femmes ? M. B. : Non, pas pour le moment. Mais, je ne suis pas étonnée, car quand je vois les profils qui me suivent sur Instagram depuis que j’ai lancé le podcast, ce sont à 98% des femmes photographes. J’ai reçu des retours très positifs d’hommes, mais qui ne sont pas du tout photographes. Par contre, aucun retour d’hommes photographes… E. W. : J’aimerais finir cet entretien par une question que tu poses à tes invitées, et connaître tes inspirations féminines ? M. B. : Ah ! Je n’étais pas prête à cette question… La première chose qui me vient ce sont les mères de mes copines, je suis très proche d’elles, j’ai une espèce d’amitié instinctive avec les mère de mes amies. Ce sont des femmes que j’admire beaucoup, des influences auxquelles je suis très attachée. Après, d’un point de vue plus créatif, je dirais Niki de Saint Phalle, je l’ai vraiment découverte avec l’entretien de Sara (partie que j’ai du malheureusement couper au montage). C’est une artiste que je connaissais comme beaucoup, mais en surface, je n’avais pas du tout approfondi l’œuvre ni le personnage et j’adore ! A LIRE AUSSI Au micro. Rencontre croisée avec Aliocha Boi et Marine Lefort Les voix de la photo, et si on parlait photographie ? Marque-page0
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