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Olivier Bourgoin a fondé l’agence révélateur en 2010, une agence destinée à défendre et à soutenir le travail de huit photographes auteurs. Une agence à taille humaine, presque familiale qui n’a rien de traditionnelle, il représente aujourd’hui huit photographes (majoritairement des femmes), et chacun·e avec un univers singulier et particulier. Olivier est porté par les rencontres et les affinités, c’est un instinctif et surtout un grand sensible. L’agence vient d’intégrer trois nouveaux artistes, Florence D’elle, Jean-François Devillers et Brigitte Manoukian. À cette occasion, nous avons rencontré Olivier, il revient sur ses premiers pas en tant qu’agent et sur son rôle auprès des photographes.

Olivier Bourgoin autoportrait

Ericka Weidmann : Olivier, en 2010, tu créés l’agence révélateur, une agence de photographes auteurs, peux-tu revenir sur la genèse du projet ? Tu venais du monde institutionnel, qu’est ce qui t’a décidé à créer cette agence ?

Olivier Bourgoin : Durant toutes les années où j’ai travaillé pour Patrimoine Photographique/Hôtel de Sully, j’ai aiguisé mon regard en travaillant sur des fonds historiques ou des collections photographiques de grands auteurs et autrices. Lorsque cette institution a fusionné avec le Jeu de Paume, j’ai été obligé d’en partir, à regret, mais j’ai décidé que c’était l’occasion de travailler avec des photographes contemporains, en essayant de valoriser leurs travaux auprès des acteurs du monde de la photographie. J’avais envie de les guider et de les accompagner dans cet univers qui peut paraître parfois opaque.

E. W. : Est-ce que tu peux revenir sur le rôle d’une agence d’auteurs ?

O. B. : Je ne sais pas si je peux donner « une » définition «  du » rôle  d’une agence d’auteurs. L’agence révélateur est-elle vraiment une agence au sens traditionnel ? Assurément non. Mon intention est mes objectifs ont évolué et ce sont les rencontres, les affinités, les collaborations qui ont fait ce qu’elle est aujourd’hui et la manière dont elle fonctionne. Je dirais que j’interviens presque comme un agent littéraire avec les auteurs et autrices photographes que j’accompagne et représente. La base du travail est commune avec toutes et tous : plonger avec elles et eux dans la construction d’une série, de l’éditing à l’écriture, à la coécriture ou à la relecture des textes et notes d’intention. Et puis avec chacun.e nous définissons des objectifs et la manière la plus adaptée de développer leur projets, que ce soit en direction des galeries, des institutions, des éditeurs et aussi des appels à projets, prix, résidences etc. J’assure aussi leurs relations presse pour leurs expositions, livres et autres événements.
Nous nous voyons régulièrement, physiquement pour aussi échanger idées, ressentis, réflexions, voir les œuvres, leur matérialité.
Mon travail s’adapte ainsi à chacun.e, en fonction de leurs questionnements et besoins.
Des liens humains et amicaux ce sont donc évidemment renforcés entre elles/eux et moi. Et ils et elles me soutiennent autant que je les soutiens.
Nous avançons ensemble, nous évoluons ensemble et nous construisons ensemble.
La ligne artistique et « philosophique » de l’agence s’est affirmée progressivement et ensemble. Il n’y en avait pas à la création de l’agence. Ce sont les cheminements des photographes, leurs questionnements qui m’ont révélé cet intérêt et ce goût pour les écritures photographiques de l’intime mais aussi pour l’objet photographique comme expérience sensorielle. C’est en se nourrissant de ces multiples et longs dialogues que l’agence révélateur est ce qu’elle est aujourd’hui. Elle n’est pas le résultat d’une stratégie prédéterminée, ni d’un pari. Je crois aux projets qui se déploient dans le temps et que le temps peut transformer, enrichir et conduire ailleurs.

« La peau des autres » © Estelle Lagarde – agence révélateur

E. W. : Aujourd’hui, tu représentes huit photographes. Quel est le ou la première photographe avec qui tu as décidé de travailler et pourquoi ?

O. B. : L’agence a donc été créé en avril 2010 et c’est la rencontre avec Estelle Lagarde dans une galerie pour laquelle je travaillais (Galerie Dialogos) qui m’a définitivement poussé à me lancer dans cette aventure, alors même que je ne suis pas un entrepreneur dans l’âme.
14 ans plus tard, nous travaillons toujours ensemble et je suis toujours aussi admiratif de son travail, de son engagement et de l’énergie qu’elle déploie dans sa démarche d’autrice photographe.

« Propylée – « Un Conte » » © Florence D’elle – agence révélateur

« Burj Hamud « © Brigitte Manoukian – agence révélateur

E. W. : Tu viens d’intégrer trois nouveaux photographes, Florence D’elle, Jean-François Devillers et Brigitte Manoukian, comment se fait la sélection de tes photographes ? Que recherches-tu chez un artiste ?

O. B. :  J’aime bien prendre mon temps avant de proposer à un·e photographe de rejoindre l’agence. Comme nous travaillons dans une grande proximité professionnelle et émotionnelle, l’humain est très important. Donc, au-delà de l’intérêt évident que je dois ressentir dans leur démarche et leurs travaux, il faut aussi que nous soyons en phase sur le plan humain.
Je connais Florence D’elle depuis plusieurs années, tout comme Brigitte Manoukian. Et lorsque je j’ai découvert leurs travaux à l’époque, je me suis dit très vite qu’elles pourraient faire partie de « la famille ». Et puis nous nous sommes fréquentés, croisés, côtoyés jusqu’à être certain de cette connexion humaine pour travailler ensemble.

« Tchernobyl » © Jean-François Devillers – agence révélateur

C’est un peu différent avec Jean-François Devillers que je connais depuis moins longtemps. Je l’ai rencontré dans une lecture de portfolio. Il avait déjà un parcours bien établi et clair et je crois que c’était le bon moment pour lui et pour moi. Il venait de franchir une étape importante dans sa vie. Nous nous sommes écrit et l’évidence de travailler ensemble s’est vite révélée.
Je me suis aussi aperçu que je travaillais avec des auteurs et autrices qui ont depuis longtemps une pratique et une démarche photographique, mais qui en même temps, parallèlement, ont ou ont eu, une activité professionnelle en dehors de la photographie, des expériences de vie différentes. Cela se retrouve dans leur travaux ou séries où, souvent, un temps long s’inscrit. Je crois beaucoup aux projets qui s’inscrivent dans la durée, la maturation.

« Je vous écris avec la chair des mots » © Michaël Serfaty – agence révélateur

E. W. : Le métier de photographe est difficile d’un point de vue financier, j’imagine que pour l’agence cela ne doit pas être facile non plus, est-ce une activité viable financièrement ou es-tu obligé d’élargir tes activités ?

O. B. : Financièrement c’est souvent compliqué et tendu… Évidemment, j’aimerais qu’il en soit autrement, mais d’une part je ne suis pas un business man, et d’autre part la satisfaction que je tire de mon activité est tellement importante intellectuellement et émotionnellement que j’ai toujours envie de continuer. Il y a parfois du découragement, mais il y toujours un projet, la découverte du nouveau travail d’un·e photographe qui me rebooste à chaque fois.
Pour équilibrer les finances, il m’arrive aussi de faire des suivis de projets, un peu de coaching sous forme de « lectures-conseils » et également des relations presse pour des expositions ou des événements qui restent en cohérence avec la photographie que j’aime, accompagne et soutient.

« Insomnies » © Irène Jonas – agence révélateur

E. W. : Des activités en cours ou à venir à nous présenter ?

O. B. : La refonte du site de l’agence, actuellement en cours.
Le livre d’Irène Jonas, Bouquinistes de Paris, a été publié récemment par les Éditions de Juillet. La galerie La Ralentie, Paris, propose jusqu’au 19 octobre l’exposition « Insomnies » d’Irène Jonas. Cette dernière est également à l’affiche du festival PhotoFolie, à Thorigné (près de Rennes) avec l’exposition « Tempêtueuse » jusqu’au 24 octobre.
Ses différents travaux sont également visibles jusqu’à la fin de l’année à l’Atelier/Galerie Taylor à Paris.
La série « Opprinnelsen » de Florence D’elle sera présentée à la Galerie Ex-Nihilo à Grenoble, dans le cadre du Mois de la Photo à Grenoble, du 9 novembre au 1er décembre.
Michaël Serfaty participera en mars prochain à une importante exposition intitulée « Féminin singulier » au Musée de la Corse, à Corti.

Les photographes accompagné·es et représenté·es par l’agence révélateur :
Florence D’elle / http://www.florencedelle.com
Christine Delory-Momberger / https://www.christinedeloryphotography.com
Jean-François Devillers / https://www.jf-devillers.com
Irène Jonas / https://irenejonas.myportfolio.com/work
Estelle Lagarde / http://www.estellelagarde.fr
Brigitte Manoukian / http://www.brigittemanoukian.com
Laure Pubert / https://www.laurepubert.com/home
Michaël Serfaty / https://www.michael-serfaty.com

Le linktree de l’agence : https://linktr.ee/agencerevelateur

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Rencontre avec Olivier Bourgoin de l’agence Révélateur autour de ContreNuit
Un conte, de Florence D’elle
D’une image à l’autre, histoire de résurrection Entretien avec Christine Delory-Momberger
Irène Jonas, photographe et sociologue, est notre invitée
Estelle Lagarde et son hommage à Hélène
Brigitte Manoukian, galeriste, est notre invitée de la semaine
« Je Marcherai sur tes Traces » de Laure Pubert​ aux éditions Arnaud Bizalion​

INFORMATIONS PRATIQUES

ven20sep(sep 20)14 h 00 minsam19oct(oct 19)19 h 00 minIrène JonasInsomniesGalerie La Ralentie, 22-24 rue de la Fontaine au Roi - 75011 Paris

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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