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La Normandie qui a connu une forte densité de photographes a joué un rôle essentiel dans les premières décennies de la photographie. Le MuMa au Havre rend hommage aux inventeurs de génie, aux amateurs, aux savants qui ont participé au développement de la photo. Foisonnante, cette exposition, visible jusqu’au 22 septembre, autorise plusieurs lectures et visites.

Défi de l’instantanéité

Le Havre, vue du bassin du Roi, depuis l’hôtel du Brésil d’Hippolyte Fizeau, été 1840, daguerréotype, 10,2 x 15,6 cm – Bibliothèque municipale du Havre.

Le parcours propose un fil conducteur historique qui favorise la compréhension des techniques utilisées. L’approche est thématique : la jetée Nord au Havre, les marines, les ports, les portraits, les grands travaux… Nous découvrons des négatifs sur papier et sur verre, les procédés les plus anciens… 
L’été 1840, Hippolyte Fizeau (1819-1896) a vingt ans, il réalise les premiers daguerréotypes sur Le Havre dont d’exceptionnels panoramas tels qu’ils s’offraient sous Louis-Philippe. Pour fixer l’image du daguerréotype, il utilise du chlorure d’or. Très rapidement, il devient un scientifique de renom, il est le premier à calculer la vitesse de la lumière.
Une des sections de l’exposition est consacrée au défi de l’instantanéité. La première photographie représentant la mer a été réalisée en deux temps par Edmond Bacot (1814-1875), en 1850. Ce photographe de Caen est célèbre pour ses portraits de Victor Hugo à Guernesey (1862) dont un est exposé avec un autre portrait d’un de ses fils.

Navire quittant le port du Havre d’Hippolyte Macaire et de Louis Cyrus Macaire, 1851, daguerréotype, 15 x 11 cm – Bibliothèque nationale de France.

Les images présentées combinent des vues. Près des quais, les personnages n’apparaissent pas. Le temps de pose pouvait excéder plusieurs dizaines de minutes et ne permettait pas de fixer les personnages. Les frères Macaire ont eu un rôle déterminant dans la résolution de l’instantanéité. Louis Cyrus Macaire (1807-1871) dont on voit le portrait par Nadar (1820-1910) a été photographe itinérant aux États-Unis et au Québec, pendant dix ans. Il a pratiqué le portrait et développé un procédé de daguerréotype instantané. A l’été 1850, il rejoint son frère Hippolyte Macaire (1804-1852), peintre installé à la jetée Nord, à l’entrée du port du Havre. Tous deux mettent en application ces perfectionnements techniques. Deux des quatre daguerréotypes identifiés sont réunis dans l’exposition. Les reflets métalliques ont un effet transparent, assez étonnant. 
Le parcours est ponctué de toiles signées Boudin, Courbet, Pissarro… La photographie et l’art pictural se sont enrichis d’expérimentations, de sujets communs, d’analogies. 

Focus normand

Le Brick au clair de lune de Gustave Le Gray, 1856, tirage sur papier albuminé d’après négatif sur plaque de verre au collodion, 32,2 x 41,5 cm, Musée d’Orsay Paris © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Patrice Schmidt.

Une section présente un ensemble exceptionnel de photographies de Gustave Le Gray (1820-1884). Venu au Havre à l’été 1856, ce peintre de formation souhaite faire des marines. Ses négatifs sur verre en grand format ont une dimension esthétique. Précurseur, il a su varier les points de vue et saisir le mouvement des nuages, les reflets du soleil sur la mer. Le Brick au clair de lune (1856) est célèbre – négatif sur plaque de verre, tirée sur papier albuminé. Cette vue magique prise de plein jour est magnifiée par la lumière sur la mer. L’artiste parvient à recréer la nuit. Il excelle dans la technique des « ciels rapportés » qui consistait à superposer des paysages et des ciels nuageux pris séparément. Il est également l’auteur du Musée-Bibliothèque et ville du Havre (1856), l’image est l’affiche de l’exposition. Le Gray a allié prouesses techniques et approches artistiques pour de nombreux paysages maritimes, sujet considéré comme très difficile.

Rose Anaïs de Charles Gombert, 1868, tirage sur papier albuminé d’après négatif sur verre au collodion, 30 x 23,5 cm – Bibliothèque municipale de Fécamp.

Les photographes étaient en prise avec leur époque, et leurs clichés sont de précieux témoignages. L’exposition se termine par un hommage bibliographique aux photographes connus ou oubliés dont des amateurs ou inventeurs. Stéphanie Breton (1809-1895), une femme photographe restée longtemps méconnue, a exercé en Normandie dans les années 1850. Deux de ses œuvres sont à découvrir : un autoportrait et Château de Franqueville, près de Rouen (1861), une vue sublime d’un château endormi.
De grandes institutions telles que la BnF et le musée d’Orsay ont participé aux prêts, mais la spécificité de cette exposition est son focus normand avec des compositions rarement exposées issues de bibliothèques et d’archives de la région. Ce choix permet de faire connaître de nouvelles iconographies et de renouveler le regard sur cette période. Un des trésors inattendus de Photographier en Normandie est la présentation de deux albums d’Alfred Coulon (1826-1898), acquis récemment par les Archives départementales du Calvados et la Bibliothèque municipale du Havre, qui ont notamment pour sujet les vacances à la mer. C’est alors une nouveauté à la fin du XIXe siècle.
Fatma Alilate

INFORMATIONS PRATIQUES

sam25mai(mai 25)11 h 00 mindim22sep(sep 22)18 h 00 minPhotographier en Normandie (1840-1890)Exposition collectiveMuMa – Musée d’art moderne André Malraux, 2, boulevard Clemenceau 76600 Le Havre

Fatma Alilate
Fatma Alilate est chroniqueuse de 9 Lives magazine.

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