NewsPhoto

Le Prix pour la photographie du musée du quai Branly – Jacques Chirac dévoile ses lauréat·es 2024

Temps de lecture estimé : 7mins

La quatrième édition du Prix pour la photographie du musée du quai Branly – Jacques Chirac vient de récompenser trois nouveaux lauréat·es. Le photographe colombien Felipe Romero Beltrán a été choisi pour son projet Páramo, la photographe indienne Priyadarshini Ravichandran remporte le prix avec projet CUSP et l’australienne Julie Gough est lauréate pour son projet The search. Les jurés ont également décerné une mention spéciale à la photographe béninoise, Senami Donoumassou.

Dans le sillage de son programme de biennale et de résidences photographiques, le musée du quai Branly – Jacques Chirac a créé en 2022 son Prix pour la photographie, réaffirmant son engagement historique et pérenne au service de la création photographique contemporaine internationale.

Felipe Romero Beltrán (Colombie)
Páramo

Familia 1 © Felipe Romero Beltrán

Dans les années 1970, la Colombie a été le théâtre d’un phénomène migratoire profond qui a remodelé le paysage démographique du pays. Dans le contexte du conflit armé, une partie importante de la population, principalement issue des zones rurales, s’est lancée dans un périple vers les centres urbains. L’urbanisation rapide au cours de cette période a entraîné un déplacement de plus de 70 % de la population rurale vers les villes, ce qui a fondamentalement transformé la dynamique de la société colombienne. Cette migration de masse a renforcé les tensions entre l’armée et la guérilla de l’époque, et certaines zones rurales se sont retrouvées démunies. La décennie des années 1970 a donc marqué un tournant dans l’histoire colombienne et dans l’histoire personnelle de la famille de Felipe Romero Beltrán, car des communautés entières ont cherché un nouveau départ en milieu urbain. Ce moment historique a été marqué par deux types de documents : un document social, à travers Le manuel de civilité et des bonnes manières de Manual Manuel Carreño destiné aux nouveaux arrivants dans la ville, et un document domestique, l’album de photographie comme un témoin d’expériences et de contestation de cette nouvelle réalité. Páramo : Familia est une série d’histoires, d’expériences et de souvenirs racontés par la famille de l’artiste, à Bogotá, en Colombie. Le projet vise à activer les souvenirs familiaux comme un outil pour recadrer nos propres expériences et notre relation aux histoires passées et oubliées.

Felipe Romero Beltrán, né en 1992 à Bogotá, est un photographe colombien actuellement installé à Paris. Ses projets artistiques se fondent largement sur l’exploration des questions sociales, jouant de la tension que de nouveaux récits peuvent introduire dans le domaine de la photographie documentaire. La démarche de Beltrán se caractérise par son engagement dans des projets de long terme nécessitant un travail de recherche minutieux.
Beltrán a suivi un parcours universitaire et a obtenu un doctorat en photographie à l’Université Complutense de Madrid. Sa série Dialect a été récompensée du prix Foam Paul Huf 2023. Elle a également été exposée au FOAM Museum Amsterdam. Le travail de Beltrán est aujourd’hui reconnu et exposé sur la scène internationale. Sa participation à des événements tels que l’ARCO Madrid Art Fair en 2024, la section Curiosa de ParisPhoto en 2023 et la Biennale für aktuelle fotografie en 2022 en témoigne. Beltrán a également été récompensé par de nombreux prix, dont le Kbr PhotoAward à Madrid, le GetxoPhoto Award en 2020 et le Madrid Photobook Prize la même année.

Priyadarshini Ravichandran (Inde)
CUSP

CUSP 1 © Priyadarshini Ravichandran

Ce projet propose une enquête sur le fonctionnement interne du rythme cyclique cosmique dans le corps des femmes et les changements induits en périodes de menstruation. En examinant la relation physique, émotionnelle et spirituelle que les femmes entretiennent avec leur corps, l’artiste cherche à explorer les différents états physiologiques et psychologiques à chaque phase du cycle menstruel. Sa recherche s’appuiera sur des écrits académiques, sur la littérature régionale, mythologique et poétique, et se nourrira également d’activités menées par des associations et de contacts établis avec des professionnelles de la santé. Puisant dans ces différents récits et expériences, elle construira un langage photographique spécifique composé d’images symboliques pour traduire ces sensations intérieures.

Priyadarshini Ravichandran, née en 1988 au Tamil Nadu, est une photographe qui évoque de manière intimiste et poétique des thèmes récurrents, émergeant des relations qui l’enracinent, la révèlent ou la déstabilisent. Elle raconte notamment au travers de ces relations des récits de vie de femmes. Dans sa quête de rencontres inattendues, les liens interpersonnels, la collaboration avec des chercheurs, des artistes, des amis, des institutions sont au cœur de sa démarche photographique.
Priyadarshini Ravichandran a participé au programme South Asia Incubator de Photo Kathmandu, aux ateliers Angkor Photo à Siem Reap et à l’ICP à New York. Elle est récipiendaire du prix V&A et son travail a fait partie de l’exposition Growing Like A Tree : Sent A Letter à Sunaparanta, Goa, et à Peckham 24, à Londres.

Julie Gough (Australie)
The search

Manifestation (Bruny Island), 2010. Giclee print on Hahnemuhle photo rag paper, ed: 10. Image 400 x 600 mm (paper 600 x 800 mm) © Julie Cough

Le projet The search consiste en une série d’œuvres photographiques et vidéo qui explorent son propre processus de recherche et de découverte des objets culturels tasmaniens conservés dans diverses collections – notamment en France, en Europe et au Royaume-Uni. Ce travail souhaite se concentrer sur ces expériences émotionnelles et immédiates et vise à rendre compte de ce que son œil observe plus particulièrement pendant et avant ces séances de découverte des objets. Elle s’intéressera notamment aux photographies de bustes de personnes aborigènes de Tasmanie, réalisées au 19e siècle et conservées dans les collections du musée du quai Branly – Jacques Chirac, notamment photographiés par Jacques Philippe Potteau.

« Je me considère comme une détective et je pense qu’une grande partie du monde est fermée ou mystérieuse, dissimulant ou retenant des informations ou des objets. C’est probablement l’état d’esprit de tous les membres des premières nations qui ont été colonisées. Ma perspective et ma méthode consistent donc à regarder tout autour de moi, derrière, et en dessous, pour voir si quelque chose est caché, pour essayer de définir, de nommer et de situer ce qui est invisible et absent. La recherche est permanente et le travail consiste à donner un sens à la confusion dont nous avons hérité. »

Julie Gough est une artiste et chercheuse qui vit à Hobart, en Tasmanie. Ses recherches et sa pratique artistique pluridisciplinaire se concentrent souvent sur la récupération et la retranscription d’histoires subsumées et conflictuelles de Lutruwita/Tasmanie, certaines relatant les expériences de sa famille aborigène de Tasmanie – la famille Briggs-Johnson-Gower de Gough vit dans la région de Latrobe en Tasmanie depuis les années 1840. Son travail actuel en matière d’installation, de photographie, de vidéo et de son est une occasion d’explorer l’éphémère, l’absence et la récurrence.
D’abord diplômée en préhistoire et en littérature anglaise (BA, University of West Australia, 1986), elle confirme son intérêt pour la recherche archivistique, sur le terrain, ainsi que pour la création artistique avant de débuter des études d’art en 1991 et d’obtenir un doctorat en arts visuels à l’université de Tasmanie en 2001. Julie Gough travaille au Tasmanian Museum and Art Gallery, Nipaluna/Hobart, en tant que conservatrice de l’art et de la culture des Premiers Peuples depuis 2018. Elle a été commissaire de Taypani milaythina-tu – Return to Country au TMAG en 2022 / 2023, de TESTING GROUND au Salamanca Arts Centre à Hobart en 2013 (en tournée), co-commissaire de INSIDE : Life in Children’s Homes au National Museum of Australia en 2011 (en tournée), commissaire de Tayenebe – Tasmanian Aboriginal women’s fibre work au TMAG en 2009 et de The Haunted and the Bad à Linden Gallery à St Kilda en 2008. Elle a auparavant été chargée de cours en arts créatifs à l’université James Cook de Townsville (2005-2006), conservatrice en art indigène à la National Gallery of Victoria (2002-2004), chargée de cours en études aborigènes à Riawunna, au Centre d’études aborigènes de l’université de Tasmanie (2002-2003) et chargée d’interprétation en culture aborigène à PWS (Tasmanie) (2000-2001). Depuis 1993, Julie Gough a participé à plus de 200 expositions, dont 187 collectives et 29 individuelles.

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

You may also like

En voir plus dans News