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La galerie Le Réverbère, Lyon

Alors que le cinquième Parlement de la photographie vient de s’achever sur le thème « Penser ensemble le futur de la photographie« , les annonces de fermeture de galeries photo semblent s’enchaîner. Le 5 juin, c’est l’une des plus anciennes galeries consacrées au médium, qui annonce sa fermeture en fin d’année, Catherine Dérioz et Jacques Damez sont contraints de dire adieu à leur espace de la rue Burdeau à Lyon et de licencier leurs salariés. Le lendemain, c’est au tour de Baudoin Lebon de notifier que la galerie parisienne du 21 rue Chapon ferme ses portes. Enfin, le week-end dernier, Nathalie Locatelli déclare à son tour se séparer de sa galerie à Marrakech… À quand l’arrêt de cette hémorragie ?

Le marché est visiblement en train de se modifier. L’an passé à Paris Photo, plusieurs galeries me faisaient part de leurs inquiétudes. Leurs ventes n’avaient jamais été aussi mauvaises… Mais alors que ce passe t-il en ce moment pour les galeries photo ? À l’image de la société est-on en train d’assister à une polarisation du marché où seules les très petites galeries ou les très grosses pourraient exister ?

Ce sont Catherine Dérioz et Jacques Damez qui ouvrent ce triste bal. Après 43 ans à faire vivre leur galerie de la rue Burdeau à Lyon, Le Réverbère met la clé sous la porte ! En 1981, ouvrir une galerie photo indépendante hors de Paris (et même hors du centre de Paris) était un pari fou et pourtant, malgré des hauts et des bas, la galerie a toujours su tenir le cap mais comme ils l’annoncent « depuis une dizaine d’années le marché a beaucoup changé : il s’est codifié, « financiarisé » et concentré dans les mains d’un certain goût international qui ne permet plus la même liberté d’action et de choix« .

Vue de l’exposition Silence de Julien Magre – Prix Niépce Gens d’images 2022
(étage) en cours jusqu’au 20 juillet 2024

Aujourd’hui le marché est en mutation, mais Catherine et Jacques pointent également un dysfonctionnement clair qui subsiste dans toute la profession et qui participe la paupérisation de tous nos métiers, ce sont les demandes exponentielles de travail… non rémunéré. La crise sanitaire est passée par là, elle a laissé de nombreuses traces, pourtant en 2023, la galerie Le Réverbère avait retrouvé son chiffre d’affaires d’avant 2020 concernant la vente des œuvres, « mais les charges ont beaucoup augmenté et l’impérialisme des foires nous piège. Triste conclusion : le modèle économique d’une galerie de notre taille, sans soutien financier public ou privé, n’est plus viable. »
Il n’est évidemment pas question pour le duo d’abandonner, ils poursuivront leur mission en imaginant autrement les expositions, à donner à lire des œuvres et à continuer d’offrir de la beauté et des émotions au public.
Leur dernière exposition collective « Histoire(s) sans fin » vous offrira, du 21 septembre au 28 décembre 2024, un bouquet final pour saluer 45 ans d’engagement sans faille.

Pour Baudoin Lebon, la fermeture de son espace d’exposition de la rue Chapon à Paris, ne signifie pas la fin de la galerie. Il souhaite continuer de promouvoir ses artistes et créer des moments de partage différemment, en proposant des expositions hors les murs, plus ponctuelles… Cela n’en reste pas moins une rupture et un signe inquiétant qu’une galerie qui existe depuis presque 50 ans soit contrainte de fermer son espace d’exposition.
Il y a presque 20 ans, Nathalie Locatelli ouvrait sa galerie 127 à Marrakech. Ici, même constat, l’obligation de fermer son lieu à partir de la fin juin. Mais une envie viscérale de poursuivre son rôle avec abnégation et continuer… autrement…

Nous savons au sein de 9 Lives les difficultés qui troublent l’ensemble des métiers liés à la photographie. Les photographes tout d’abord, mais aussi tous ceux qui œuvrent et qui les accompagnent au quotidien. Cela reflète la santé de notre profession, qui peine à guérir, faisant de plus en plus de précaires et en épuisant plus d’un à la tâche. La seule chose que nous pouvons faire, c’est rester solidaire et de nous soutenir les un·es, les autres…

EN CE MOMENT À LA GALERIE LE RÉVERBÈRE

ven12avr(avr 12)14 h 00 minsam20jul(jul 20)19 h 00 minJulien MagreSilenceGalerie Le Réverbère, 38 rue Burdeau 69001 Lyon

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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